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plûpart commencent à prendre le parti de faire venir de Paris des retailles, qui leur sont un profit de moitié ; ensorte que ce qui coûtoit deux sols en fer-blanc neuf, ne leur coûte qu’un sol en retailles.

XII. A combien revient la façon d’une grosse de lacets. Rep. Une grosse de lacets d’une aune de long & de toute qualité, coûte un sol à tourner sur le métier, & un autre sol pour plier le fer-blanc & l’appliquer à chaque bout du lacet.

XIII. Combien les fabriquans vendent-ils la grosse de lacets de chaque qualité & grandeur. Rep. La grosse de fil plain, que l’on façonne toujours en blanc, se vend 20 s. lorsque le lacet n’a qu’une aune de long ; 30 s. ceux d’une aune & demie, & 3 l. ceux de trois aunes. La grosse de lacets de fil d’étoupes en couleur, se vend 6 s. lorsque le lacet n’a qu’une demi aune de long ; 10 s. ceux de trois quarts d’aune ; 15 s. ceux d’une aune ; 18 s. ceux d’une aune & demie, & 36 s. ceux de trois aunes.

XIV. Pourquoi met-on toujours en couleur les lacets de fil d’étoupes, & qu’au contraire on ne teint jamais ceux de fil plain. Rep. Les lacets de fil de plain ne se façonnent qu’en blanc, parce qu’étant plus fins & plus chers, le débit ne s’en fait qu’aux gens aisés. Les lacets de fil d’étoupes au contraire, se varient de différentes couleurs, parce que les fabriquans font cette teinture eux mêmes quand ils leur plait, & que les gens de la campagne donnent volontiers dans tout ce qui est apparent. La meilleure raison, c’est que la teinture altere beaucoup moins le fil d’étoupes que le blanchissage, qui en abrége trop la durée.

XV. Comment se fait le mélange dans une grosse de lacets de fil d’étoupes. Rep. La grosse de lacets de couleur est composée ordinairement de 18 lacets blancs, de 18 mêlés de rouge & de blanc, de 36 mêlés de bleu & de blanc, & de 72 entierement bleus.

XVI. Si les ouvriers travaillent à la journée, ou s’ils sont à la tache. Rep. Tous les ouvriers sont à la tâche.

XVII. Si les fabriquans travaillent tous pour leur compte. Rep. Tous les fabriquans travaillent pour leur compte.

XVIII. A quel âge les enfans sont-ils propres à être employés aux différentes opérations de la fabrique des lacets. Rep. A 11 ou 12 ans les jeunes gens sont assez forts pour tourner le métier à lacets, & les enfans de 8 ans peuvent plier le fer-blanc & l’appliquer aux lacets.

XIX. Combien un ouvrier peut-il tourner de grosses de lacets en un jour. Rep. Un ouvrier, dans la force de l’âge, & ce qu’on appelle un bon ouvrier, fait par jour ses dix grosses de lacets d’une aune de long, & un petit apprentif, ou un foible ouvrier, n’en fait que huit.

XX. Où se fait le principal débit des lacets. Rep. Il s’en fait un grand débit à de petits colporteurs, qui les vont détailler dans l’Orléanois, l’Auvergne, la Franche Comté, la Savoie, la Suisse, l’Alsace, la Lorraine, &c. mais le principal. débit se fait à quelques marchands flamands, qui viennent en enlever jusqu’à deux mille grosses dans des petites voitures ; & ils viennent ordinairement deux fois par an. Il s’en débite aussi aux villes de la basse Bourgogne, de Nuis, Dijon, Auxerre, & aux foires des voisinages.

XXI. Pourquoi cet espece de commerce a-t-il pris faveur plûtôt à Montbard que nulle autre part. Rep. C’est la seule bonne chose qu’ait procuré le voisinage de Sainte-Reine. Il y a bien eu de tout tems à Montbard des fabriquans de lacets qui fournissoient à la consommation du pays ; mais depuis environ 30 ans, les colporteurs qui vont aux apports de

Sainte-Reine, s’étant avisés de se fournir à Montbard des lacets dont ils eurent bien leur débit, ils en porterent plus loin, où ils trouverent encore leur profit ; & ainsi de suite ce commerce a toujours augmenté, & a été porté jusqu’en Flandres, où deux raisons lui donnent faveur, le médiocre prix de la matiere, & la façon plus simple de cette marchandise. On cultive beaucoup de chanvre à Montbard & aux environs : c’est la nature de récolte qui donne le plus de revenu. Un journal de cheneviere s’afferme au moins 24 liv. par an, & rapporte tous les ans, sans qu’il soit besoin de le laisser reposer, au lieu qu’une pareille continence de pré, qui passe pour la meilleure nature d’héritage, ne s’afferme au plus par an que 12 liv. Il ne faut qu’un seul coup de labourage à la cheneviere : il est vrai qu’elle exige plus d’engrais que les autres sortes de grains. A l’égard de la façon plus simple des lacets, elle résulte de ce que dans les autres provinces, & surtout en Flandres, tous les lacets s’y font de fil fin, & se façonnent au boisseau ; c’est-à-dire, qu’en fabriquant le lacet, on entremêle les fils les uns dans les autres ; au lieu qu’à Montbard on les façonne à peu-près comme la ficelle ; & c’est en quelque chose de mieux & de plus exact qu’on s’en écarte. C’est particulierement dans la Flandre allemande qu’il y a des manufactures de lacets façonnés au boisseau : on se sert pour cela de machines à l’eau qui coûtent jusqu’à deux mille écus. Des marchands flamands de qui je tiens ces circonstances, m’ont assuré qu’il n’y avoit point de ces machines en France, & que la plus proche étoit à Commines, à trois lieues au-delà de Lille.

XXII. Ce que gagne le fabriquant sur une grosse de lacets, de profit clair, déduction faite du prix des matieres & de toutes les façons nécessaires. Rep. Une grosse de lacets de fil de plain d’une aune de long, coûte

Pour dix onces de fil à 15 s. 10 s. 0 den.
Pour le blanchissage, 1 6
Pour le devidage, 0 4
Pour le fer-blanc, 2
Pour couper les lacets, 1
Pour tourner le fer blanc, 0 2
Et pour le plier & l’appliquer, 1

Total, 16 s.

D’où il résulte que la grosse se vendant vingt sols, il y a quatre sols de profit clair pour le fabriquant.

Une grosse de lacets de fil d’étoupe en couleur d’une aune de long, coûte

Pour onze onces de fil, à 9 s. 6 s. 2 den.
Pour blanchissage & teinture, 1 6
Pour le devidage, 0 4
Pour tourner les lacets, 1
Pour le fer blanc, 2
Pour le couper, 0 2
Pour le plier & l’appliquer, 1

Total, 12 s. 2 den.

La grosse de ces lacets se vend quinze sols ; par conséquent il y a deux sols dix deniers de bénéfice pour le fabriquant.

XXIII. Combien il y a de fabriquans. à Montbard, & s’il se fait des lacets aux environs. Rép. Il y a dix-huit fabriquans à Montbard, qui sont ouvrer environ trente métiers ; mais il ne se fait point de lacets dans tous les environs, si ce n’est à Flavigny, où il y a un seul fabriquant, encore est-il natif de Montbard : mais il ne fait aller qu’un métier, & son commerce ne va pas à deux cens livres par an.

XXIV. Combien il se fabrique de grosses de lacets