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tout, il en sort d’abord un esprit assez semblable à l’esprit de tartre rafiné, & ensuite une huile empyreumatique, telle que celle des substances animales.

Mais une chose bien remarquable, c’est que par aucun art, même par la cohobation, on ne peut tirer le sel volatil de cette masse putréfiée. Le marc fournit une potasse qui fermente violemment avec les acides, devient un sel enixum avec l’acide de vitriol, donne le nitre avec de l’eau sorte, du sel commun avec de l’esprit de sel ; & avec les acides de toutes especes, il produit une couleur bleue plus ou moins approchante de l’outremer, suivant l’espece d’acide & la conduite du procédé.

Le sel qu’on tire de cette potasse a une teinte verte comme celle du borax naturel ; enfin le marc, après l’extinction de ce sel, mis en digestion avec l’eau sorte, se réduit en une substance gélatineuse d’une vraie saveur métallique.

Nous devons toutes ces curieuses expériences chimiques sur le kali d’Allemagne, à M. Jean Frédéric Henkel, dans son ouvrage allemand intitulé : Werwandschafft der Pflantin mit den Mineral Reiche, Léipzig 1723, in 8°. avec fig. & ce titre veut dire, Affinité des végétaux avec les minéraux. (D. J.)

Kali d’Alicante, (Botan.) Kali hispanicum ; espece de kali d’Espagne. Sa description faite exactement par M. de Jussieu dans les Mémoires de l’Académie des Sciences, année 1717, nous intéresse, parce que c’est de cette espece de kali qu’on tire la meilleure soude, si recherchée dans la Verrerie, la Savonnerie, la Blanchisserie, arts utiles & nécessaires.

M. de Jussieu caractérise cette plante, dont il a donné la figure, kali hispanicum, supinum, annuum, sedi foliis brevibus : kali d’Espagne, annuel, couché sur terre, à feuilles courtes, semblables à celles du sédum.

Sa racine est annuelle, longue de quelques pouces, un peu oblique, blanchâtre, arrondie, ligneuse & garnie de peu de fibres.

De son collet sortent quatre à cinq branches couchées sur terre, subdivisées dans leur longueur en plusieurs petits rameaux alternes, étendus çà & là, les uns droits, les autres inclinés. Les plus longues de ses branches n’ont pas demi-pié, & leur diametre n’excede pas une ligne. Ces branches & ces rameaux sont arrondis, d’un vert pâle, & quelquefois teints légérement d’un peu de pourpre, sur-tout dans leur maturité.

Les feuilles dont ils sont chargés sont disposées par paquets, alternes, plus ou moins écartés, suivant l’âge de la plante ; elles sont cylindriques & succulentes, comme celle de la tripe-madame, ou sedum minus teretifolium, longue d’environ un quart de pouce, sur une demi-ligne d’épaisseur, d’un vert pâle, presque transparentes, lisses, sans poils, émoussées à leur extrémité, & d’un goût salé. Chaque paquet est formé de deux, trois, quatre, & quelquefois de cinq de ces feuilles, de l’aisselle desquelles naît la fleur.

Elle est composée de cinq étamines blanchâtres, à sommets jaunâtres, & d’un pareil nombre de petits pétales, étroits & blanchâtres. Le jeune fruit qui en occupe le centre, est terminé par un petit stilet blanc & fourchu.

Cette fleur n’a point d’odeur, & ses pétales qui enveloppent plus étroitement le fruit à mesure qu’il grossit, d’étroits & cachés qu’ils étoient dans le paquet de feuilles, qui leur sert de calice, deviennent plus amples, plus épanouis, plus secs, membraneux, arrondis dans leur contour, un peu plissés & presque gaudronnés ; souvent deux de ces pétales s’unissent, de maniere qu’ils ne paroissent en faire qu’un, & pour lors la fleur semble être de quatre pieces seulement. Elle dure long-tems sans se faner ;

& plus elle vieillit, plus le jaune clair dont elle est teinte devient roussâtre : son plus grand diametre est environ de deux lignes.

Le fruit mûr est de la grosseur d’un grain de millet, arrondi, membraneux, renfermant une seule petite semence brune & roulée en spirale. Il est si enveloppé des pétales de la fleur, qu’il tombe en même tems qu’elle.

Quoique l’espece de kali qu’on vient de décrire croisse sur les côtes maritimes de Valence, de Murcie, d’Almerie & de Grenade, elle peut néanmoins porter le nom de kali d’Alicante, parce qu’il n’y a point de lieu sur la côte orientale d’Espagne où il en naisse une si grande quantité qu’aux environs de cette ville.

La soude qu’on en tire fait une partie considérable de commerce : les marchands & étrangers la préferent à celle que l’on tire d’autres plantes ; & les habitans du pays sont si persuadés que cette espece ne peut prospérer également ailleurs, qu’ils se la regardent comme propre.

Cette plante croit d’elle-même, néanmoins pour la multiplier, on la seme dans les campagnes le long du bord de la mer. On en voit même dans des terres à blé, auquel elle ne peut nuire, parce que dans le tems de la moisson, elle ne commence presque qu’à pousser, & qu’elle n’est dans sa parfaite maturité qu’en automne.

La récolte du kali d’Alicante ne se fait pas tout-à-la-fois & sans précaution, comme celle des autres plantes dont on tire de la soude. On arrache successivement de celui-ci les rejettons les plus mûrs avant ceux qui le sont moins. On les étend sur une aire pour les faire sécher au soleil, & en ramasser le fruit qui tombe de lui-même.

Comme l’abondance & la pureté de la soude qu’il fournit fait son mérite reconnu par les marchands, ils sont fort circonspects à prendre garde que celle d’Alicante, qu’ils choisissent pour l’employer à des ouvrages exquis, n’ait été altérée en brûlant le kali d’où elle provient, par le mélange d’autres plantes qui donnent aussi de la soude, mais beaucoup inférieure en qualité à celle-ci.

Les ouvriers qui brûlent la plante kali, la nomment la marie ; on la coupe & on la fane comme le foin lorsqu’elle est seche ; l’on en remplit de grands trous faits exprès dans la terre, & bouchés en sorte qu’il n’y entre que peu d’air. On y met le feu, on la couvre ; & quand elle est réduite en cendres, il s’en forme après quelque tems une pierre si dure, qu’on est obligé de la casser avec des maillets. C’est cette pierre que nous appelions soude, & à qui les anciens ont donné le nom de salicore, salicot, ou alun catin. Voyez Soude.

La plante kali étoit autrefois très-cultivée en Languedoc, où on l’appelloit vitraire. Catel en parle dans ses Mémoires de l’histoire de cette province, chap. j. p. 50. « L’on retire aussi, dit-il, un notable profit dans le pays d’une herbe qu’on a coutume de semer & cultiver au bord de la mer, laquelle étant venue à sa perfection, on la coupe, & après on la brûle dans un creux qu’on fait dans la terre comme dans un fourneau, couvrant ce creux de terre par-dessus, afin que le feu ne puisse prendre air & aspirer ; cette herbe étant brûlée, l’on découvre ce creux, qu’on trouve plein de certaine matiere dure, qu’on appelle dans le pays salicor, qui ressemble au sel en roche, & de laquelle on fait les verres ». Il se fabriquoit une si grande quantité de ce salicor dans le Languedoc, qu’outre la manufacture des glaces de Venise, qui s’en fournissoit, on en envoyoit encore dans d’autres pays de l’Europe. Aujourd’hui cette culture ne subsiste plus, & les directeurs de la manufacture des glaces de S. Gobin