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d’eaux & forêts, & autres semblables.

Il y a aussi des juges ordinaires qui deviennent juge d’attribution, pour certaines affaires qui leur sont renvoyées en vertu de lettres-patentes.

L’établissement des juges d’attribution est fort ancien ; car il y en avoit dejà chez les Romains. Outre le juge ordinaire appellé prætor urbanus, il y avoit d’autres préteurs, l’un appellé prætor peregrinus, qui connoissoit des causes des étrangers ; un autre qui connoissoit des fideicommis ; un autre, du crime de faux ; & en France la plûpart des grands officiers de la couronne avoient chacun leur jurisdiction particuliere pour la manutention de leurs droits, tels que le connétable, l’amiral, le grand forestier, & autres, d’où sont venus plusieurs jurisdictions d’attribution, qui subsistent encore présentement. (A)

Juge auditeur du chastelet, est un juge royal qui connoît des affaires pures personnelles jusqu’à 50 livres une fois payées ; on dit quelquefois les auditeurs, parce qu’en effet il y en avoit autrefois plusieurs.

On ne sait pas au juste le tems de leur premier établissement, non plus que celui des conseillers dont ils ont été tirés ; il paroît seulement que des le douzieme siecle il y avoit au châtelet des conseillers & que le prevôt de Paris en commettoit deux d’entr’eux pour entendre les causes légeres dans les basses auditoires du châtelet, après qu’ils avoient assisté à l’audience du siege d’en haut avec lui ; on les appelloit aussi auditeurs de témoins, & enquêteurs ou examinateurs, parce qu’ils faisoient les enquêtes, & examinoient les témoins.

Le commissaire de la Mare, en son traité de la police, prétend que S. Louis, lors de la réforme qu’il fit du châtelet, élut des auditeurs, & voulut qu’ils fussent pourvûs par le prevôt ; que ce fut lui qui sépara la fonction des auditeurs de celle des enquêteurs & examinateurs de témoins. Il est cependant vrai de dire que les auditeurs firent encore pendant quelque tems la fonction d’examinateurs de témoins ; que les uns & les autres n’étoient point des officiers en titre, & que ce n’étoient que des commissions momentannées que le prevôt de Paris donnoit ordinairement à des conseillers.

En effet, l’ordonnance de Philippe-le-Bel, du mois de Novembre 1302, fait mention que les auditeurs de témoins étoient anciennement choisis par le prevôt de Paris, lorsque cela étoit nécessaire ; que Philippe-le-Bel en avoit ensuite établis en titre ; mais par cette ordonnance il les supprima, & laissa au prevôt de Paris la liberté d’en nommer comme par le passé, selon la qualité des affaires. Il y en avoit ordinairement deux.

Cette même ordonnance prouve qu’ils avoient déja quelque jurisdiction ; car on leur défend de connoître du domaine du roi, & de terminer aucun gros méfait, mais de le rapporter au prevôt de Paris ; & il est dit que nul auditeur, ni autre officier ne sera pensionnaire en la vicomté de Paris.

Par des lettres de Philippe le Bel du 18 Décembre 1311, il leur fut défendu & à leurs clercs ou greffiers de s’entremettre en la fonction d’examinateurs ; & dans la sentence du châtelet, les auditeurs & conseillers qui avoient été appellés, sont dits tous du conseil du roi au châtelet.

Suivant une autre ordonnance du premier Mai 1313, ils choisissoient avec le prevôt de Paris les examinateurs & les clercs ou greffiers ; ils ne devoient juger aucune cause où il fût question d’héritages, ni de l’état des personnes, mais seulement celles qui n’excéderoient pas soixante sols ; tous procès pouvoient s’instruire devant eux, & quand ils étoient en état d’être jugés, ils les envoyoient au prevôt, &

celui-ci leur renvoyoit les frivoles amendemens ou appels qui étoient démandés de leurs jugemens.

Le reglement fait pour le châtelet en 1327, porte qu’ils feront continuelle résidence en leur siege du châtelet, s’ils n’ont excuse légitime ; qu’en ce cas le prevôt les pourvoira de lieutenans ; que ni eux, ni leurs lieutenans ne connoitront de causes excédantes 20 liv. parisis, ni pour héritages ; qu’ils ne donneront ni decrets ni commissions signés, sinon ès causes de leur compétence ; qu’on ne pourra prendre un défaut en bas devant les auditeurs, dans les causes commencées en haut devant le prevôt, & vice versâ ; qu’on ne pourra demander au prevôt l’amendement d’une sentence d’un auditeur, pour empêcher l’exécution par fraude, à peine de 40 s. d’amende que le prevôt pourra néanmoins diminuer ; qu’il connoitra sommairement & de plano de cet amendement ; enfin que les auditeurs entreront au siege, & se leveront comme le prevôt de Paris.

On voit par une ordonnance du roi Jean, du mois de Février 1350, qu’ils avoient inspection sur les métiers & marchandises, & sur le sel ; qu’au défaut du prevôt de Paris, ils étoient appellés avec les maîtres des métiers pour connoître la bonté des marchandises amenées à Paris par les forains ; que dans le même cas ils avoient inspection sur les bouchers & chandeliers, élisoient les jurés de la marée & du poisson d’eau douce, & avoient inspection sur eux ; qu’ils élisoient pareillement les quatre prud’hommes qui devoient faire la police sur le pain.

Dans des lettres du même roi de 1354, un des auditeurs est aussi qualifié de commissaire sur le fait de la marée.

Charles V. par une ordonnance du 19 Octobre 1364, enjoint aux chirurgiens de Paris, qui panseront des blessés dans des lieux saints & privilégiés, d’avertir le prevôt de Paris ou les auditeurs. La même chose leur fut enjointe en 1370.

Un autre reglement que ce même prince fit en Septembre 1377, pour la jurisdiction des auditeurs, porte que dorénavant ils seroient élus par le roi ; qu’ils auront des lieutenans ; que leurs greffiers demeureront avec eux, & prêteront serment entre les mains du prevôt de Paris & des auditeurs ; que ceux-ci répondront de leur conduite ; que le produit du greffe ne sera plus affermé (comme cela se pratiquoit aussi bien que pour les offices d’auditeurs) ; que ces derniers & leurs lieutenans viendront soir & matin au châtelet ; qu’ils y assisteront avec le prevôt ou son lieutenant, pour les aider à conseiller & à délivrer le peuple, jusqu’à ce qu’il soit heure qu’ils aillent dans leur siege des auditeurs, pour l’expédition des causes des bonnes gens qui auront affaire à eux ; que les procès où il ne s’agira pas de plus de 20 sols, ne pourront être appointés.

Joly, en son traité des offices, observe à cette occasion que les auditeurs assistoient aux grandes causes & aux jugemens que rendoit le prevôt de Paris, ou son lieutenant civil, depuis sept heures du matin jusqu’à dix, & que depuis dix jusqu’à midi, ils descendoient ès basses auditoires où ils jugeoient seuls, & chacun en leur siege singulier ; qu’en l’absence du lieutenant civil ils tenoient la chambre civile ; qu’ils recevoient les maîtres de chaque métier, & que les jurés prêtoient serment devant eux.

On voit encore dans des lettres de Charles V. du 16 Juillet 1378, que les deux auditeurs du châtelet furent appellés avec plusieurs autres officiers pour le choix des quarante procureurs au châtelet.

D’autres lettres du même prince, du 19 Novembre 1393, nomment les avocats auditeurs & examinateurs, comme formant le conseil du châtelet que le prevôt avoit fait assembler pour délibérer avec eux si l’on ne fixeroit plus le nombre des procureurs