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croissemens, & il s’est formé de petites îles auprès de Santorin. Voyez l’hist. de l’acad. 1708, pag. 23. & suiv. Le même volcan, qui du tems de Séneque a formé l’ile de Santorin, a produit du tems de Pline, celle d’Hiera ou de Volcanelle, & de nos jours a formé l’écueil dont nous venons de parler.

Le 10 Octobre 1720, on vit auprès de l’île de Tercere un feu assez considérable s’élever de la mer ; des navigateurs s’en étant approchés par ordre du gouverneur, ils apperçurent le 19 du même mois une île qui n’étoit que feu & fumée, avec une prodigieuse quantité de cendres jettées au loin, comme par la force d’un volcan, avec un bruit pareil à celui du tonnerre. Il se fit en même tems un tremblement de terre qui se fit sentir dans les lieux circonvoisins, & on remarqua sur la mer une grande quantité de pierres-ponces, sur-tout autour de la nouvelle île ; ces pierres-ponces voyagent, & on en a quelquefois trouvé une grande quantité dans le milieu même des grandes mers. Voyez Trans. phil. abr. vol. VI. part. II. pag. 154. L’Histoire de l’académie, année 1721, dit à l’occasion de cet évenement, qu’après un tremblement de terre dans l’île de Saint-Michel, l’une des Açores, il a paru à 28 lieues au large, entre cette île & la Tercere, un torrent de feu qui a donné naissance à deux nouveaux écueils. Page 26, dans le volume de l’année suivante 1722, on trouve le détail qui suit.

« M. de l’Isle a fait savoir à l’académie plusieurs particularités de la nouvelle île entre les Açores, dont nous n’avions dit qu’un mot en 1721 page 26 ; il les avoit tirées d’une lettre de M. de Montagnac, consul à Lisbonne.

» Un vaisseau où il étoit, mouilla le 18 Septembre 1721 devant la forteresse de la ville de Saint-Michel, qui est dans l’île du même nom ; & voici ce qu’on apprit d’un pilote du port.

» La nuit du sept au huit Décembre 1720, il y eut un grand tremblement de terre dans la Tercere & dans Saint-Michel, distantes l’une de l’autre de 28 lieues, & l’île neuve sortit : on remarqua en même tems que la pointe de l’île de Pic, qui en étoit à 30 lieues, & qui auparavant jettoit du feu, s’étoit affaissée & n’en jettoit plus ; mais l’île neuve jettoit continuellement une grosse fumée, & effectivement elle fut vûe du vaisseau où étoit M. de Montagnac, tant qu’il en fut à portée. Le pilote assura qu’il avoit fait dans une chaloupe le tour de l’île, en l’approchant le plus qu’il avoit pû. Du côté du sud il jetta la sonde & fila 60 brasses sans trouver fond ; du côté de l’ouest il trouva les eaux fort changées ; elles étoient d’un blanc bleu & verd, qui sembloit du bas fond, & qui s’étendoit à deux tiers de lieue ; elles paroissoient vouloir bouillir : au nord-ouest, qui étoit l’endroit d’où sortoit la fumée, il trouva 15 brasses d’eau fond de gros sable ; il jetta une pierre à la mer, & il vit à l’endroit où elle étoit tombée, l’eau bouillir & sauter en l’air avec impétuosité. Le fond étoit si chaud, qu’il fondit deux fois de suite le suif qui étoit au bout du plomb. Le pilote observa encore de ce côté-là que la fumée sortoit d’un petit lac borné d’une dune de sable : l’île est à peu-près ronde & assez haute pour être apperçûe de sept à huit lieues dans un tems clair.

» On a appris depuis par une lettre de M. Adrien, consul de la nation françoise dans l’île de Saint-Michel, en date du mois de Mars 1722, que l’île neuve avoit considérablement diminué, & qu’elle étoit presque à fleur d’eau ; de sorte qu’il n’y avoit pas d’apparence qu’elle subsistât encore long-tems, page 12 ».

On est donc assuré par ces faits & par un grand nombre d’autres semblables à ceux-ci, qu’au-des-

sous même des eaux de la mer les matieres inflammables

renfermées dans le sein de la terre, agissent & font des explosions violentes. Les lieux où cela arrive, sont des especes de volcans qu’on pourroit appeller soûmarins, lesquels ne different des volcans ordinaires, que par le peu de durée de leur action, & le peu de fréquence de leurs effets ; car on conçoit bien que le feu s’étant une fois ouvert un passage, l’eau y doit pénétrer & l’éteindre. L’île nouvelle laisse nécessairement un vuide que l’eau doit remplir, & cette nouvelle terre, qui n’est composée que des matieres rejettées par le volcan marin, doit ressembler en tout au monte di Cenere, & aux autres éminences que les volcans terrestres ont formées en plusieurs endroits. Or dans le tems du déplacement causé par la violence de l’explosion, & pendant ce mouvement, l’eau aura pénétré dans la plûpart des endroits vuides, & elle aura éteint pour un tems ce feu soûterrain. C’est apparemment par cette raison que ces volcans soûmarins agissent plus rarement que les volcans ordinaires, quoique les causes de tous les deux soient les mêmes, & que les matieres qui produisent & nourrissent ces feux soûterrains, puissent se trouver sous les terres recouvertes par la mer en aussi grande quantité que sous les terres qui sont à découvert.

Ce sont ces mêmes feux soûterrains ou soûmarins, qui sont la cause de toutes ces ébullitions des eaux de la mer, que les voyageurs ont remarquées en plusieurs endroits, & des trombes dont nous avons parlé ; ils produisent aussi des orages & des tremblemens qui ne sont pas moins sensibles sur la mer que sur la terre. Ces îles qui ont été formées par ces volcans soûmarins, sont ordinairement composées de pierres-ponces & de rochers calcinés ; & ces volcans produisent, comme ceux de la terre, des tremblemens & des commotions très-violentes.

On a aussi vû souvent des feux s’élever de la surface des eaux ; Pline nous dit que le lac de Thrasimene a paru enflammé sur toute sa surface. Agricola rapporte que lorsqu’on jette une pierre dans le lac de Denstad en Thuringe, il semble lorsqu’elle descend dans l’eau, que ce soit un trait de feu.

Enfin, la quantité de pierres-ponces que les voyageurs nous assurent avoir rencontrées dans plusieurs endroits de l’océan & de la méditerranée, prouve qu’il y a au fond de la mer des volcans semblables à ceux que nous connoissons, & qui ne different ni par les matieres qu’ils rejettent, ni par la violence des explosions, mais seulement par la rareté & par le peu de continuité de leurs effets ; tout, jusqu’aux volcans, se trouve au fond des mers, comme à la surface de la terre.

Si même on y fait attention, on trouvera plusieurs rapports entre les volcans de terre & les volcans de mer : les uns & les autres ne se trouvent que dans les sommets des montagnes. Les îles des Açores & celles de l’Archipel, ne sont que des pointes de montagnes, dont les unes s’élevent au-dessus de l’eau, & les autres sont au-dessous. On voit par la relation de la nouvelle île des Açores, que l’endroit d’où sortoit la fumée, n’étoit qu’à 15 brasses de profondeur sous l’eau ; ce qui étant comparé avec les profondeurs ordinaires de l’Océan, prouve que cet endroit même est un sommet de montagne. On en peut dire tout autant du terrein de la nouvelle île auprès de Santorin ; il n’étoit pas à une grande profondeur sous les eaux, puisqu’il y avoit des huîtres attachées aux rochers qui s’éleverent. Il paroît aussi que ces volcans de mer ont quelquefois comme ceux de terre, des communications soûterraines, puisque le sommet du volcan du pic de Saint-Georges, dans l’île de Pic, s’abaissa lorsque la nouvelle île des Açores s’éleva. On doit encore observer que ces nou-