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Toutefois, s’il le faut, je veux bien m’en dédire ;
Et pour calmer enfin tous ces flots d’ennemis,
Réparer en mes vers les maux qu’ils ont commis :
Puisque vous le voulez, je vais changer de style.
Je le déclare donc, Quinault est un Virgile.

Lorsque les prêtres de Baal invoquoient vainement cette fausse divinité, pour en obtenir un miracle que le prophete Elie savoit bien qu’ils n’obtiendroient pas ; ce saint homme les poussa par une ironie excellente ; III. Reg. xviij. 27. il leur dit : Clamate voce majore ; Deus enim est, & forsitan loquitur, aut in diversorio est, aut in itinere, aut certè dormit, ut excitetur.

L’épître du P. du Cerceau à M. J. D. F. A. G. A. P. (Joli de Fleuri, avocat général au parlement) est une ironie perpétuelle, pleine de principes excellens cachés sous des contre-vérités ; mais l’auteur, en s’y plaignant de la décadence du bon goût, y devient quelquefois la preuve de la vérité & de la justice de ses plaintes.

« Les idées accessoires, dit M. du Marsais, ibid. sont d’un grand usage dans l’ironie : le ton de la voix, & plus encore la connoissance du mérite ou du démérite personnel de quelqu’un, & de la façon de penser de celui qui parle, servent plus à faire connoître l’ironie, que les paroles dont on se sert. Un homme s’écrie, ô le bel esprit ! Parle-t-il de Cicéron, d’Horace ; il n’y a point-là d’ironie ; les mots sont pris dans le sens propre. Parle-t-il de Zoïle ; c’est une ironie : ainsi l’ironie fait une satyre, avec les mêmes paroles dont le discours ordinaire fait un éloge ».

Quintilien distingue deux especes d’ironie, l’une trope, & l’autre figure de pensée. C’est un trope, selon lui, quand l’opposition de ce que l’on dit à ce que l’on prétend dire, ne consiste que dans un mot ou deux ; comme dans cet exemple de Cicéron, 1. Catil. cité par Quintilien même : à quo repudiatus, ad sodalem tauri, virum optimum M. Marcellum demigrasti, où il n’y a en effet d’ironie que dans les deux mots virum optimum. C’est une figure de pensée, lorsque d’un bout à l’autre le discours énonce précisément le contraire de ce que l’on pense : telle est, par exemple, l’ironie du P. du Cerceau, sur la décadence du goût. La différence que Quintilien met entre ces deux especes est la même que celle de l’allégorie & de la métaphore ; ut quemadmodum ἀλληγορίαν facit continua μεταφορὰ, sic hoc schema faciat troporum ille contextus. Inst. orat. IX. iij.

N’y a-t-il pas ici quelque inconséquence ? Si les deux ironies sont entre elles comme la métaphore & l’allégorie, Quintilien a dû regarder également les deux premieres especes comme des tropes, puisqu’il a traité de même les deux dernieres. M. du Marsais plus conséquent, n’a regardé l’ironie que comme un trope, par la raison que les mots dont on se sert dans cette figure, ne sont pas pris, dit-il, dans le sens propre & littéral : mais ce grammairien ne s’est-il pas mépris lui-même ?

« Les tropes, dit-il, Part. I. art. iv. sont des figures par lesquelles on fait prendre à un mot une signification qui n’est pas précisément la signification propre de ce mot ».

Or il me semble que dans l’ironie il est essentiel que chaque mot soit pris dans sa signification propre ; autrement l’ironie ne seroit plus une ironie, une mocquerie, une plaisanterie, illusio, comme le dit Quintilien, en traduisant littéralement le nom grec εἰρωνεία. Par exemple, lorsque Boileau dit, Quinault est un Virgile ; il faut 1°. qu’il ait pris d’abord le nom individuel de Virgile, dans un sens appellatif, pour signifier par autonomase excellent poëte : 2°. qu’il ait conservé à ce mot ce sens appellatif, que l’on peut regarder en quelque

sorte comme propre, relativement à l’ironie ; sans quoi l’auteur auroit eû tort de dire,

Puisque vous le voulez, je vais changer de style ;

Il avoit assez dit autrefois que Quinault étoit un mauvais poëte, pour faire entendre que cette fois-ci changeant de style, il alloit le qualifier de poëte excellent. Ainsi le nom de Virgile est pris ici dans la signification que l’autonomase lui a assignée ; & l’ironie n’y fait aucun changement. C’est la proposition entiere ; c’est la pensée qui ne doit pas être prise pour ce qu’elle paroît être ; en un mot, c’est dans la pensée qu’est la figure. Il y a apparence que le P. Jouvency l’entendoit ainsi, puisque c’est parmi les figures de pensées qu’il place l’ironie : & Quintilien n’auroit pas regardé comme un trope le virum optimum que Cicéron applique à Marcellus, s’il avoit fait réflexion que ce mot suppose un jugement accessoire, & peut en effet se rendre par une proposition incidente, qui est vir optimus. (B. E. R. M.)


IROQUOIS, (Géog.) nation considérable de l’Amérique septentrionale, autour du lac Ontario, autrement dit de Frontenac, & le long de la riviere qui porte les eaux de ce lac dans le fleuve de S. Laurent, que les François appellent par cette raison, la riviere des Iroquois. Ils ont au nord les Algonquins, à l’E. la nouvelle Angleterre, au S. le nouveau Jersey, & la Pensylvanie, à l’O. le lac Erié.

Ces barbares composent cinq nations ; les plus proches des Anglois sont les Aniez ; à 20 lieues delà sont les Annegouts ; à deux journées plus loin sont les Onontagues, qui ont pour voisins les Goyagonins ; enfin, les derniers sont les Tsonnomonans, à cent lieues des Anglois. Ce sont les uns & les autres des sauvages guerriers, assez unis entre eux, tantôt attachés aux Anglois, & tantôt aux François, selon qu’ils croyent y trouver leurs intérêts.

Le pays qu’ils habitent, est aussi froid qu’à Quebec ; ils vivent de chair boucannée, de blé d’Inde, & des fruits qu’ils trouvent dans les bois & sur les montagnes ; ils ne reconnoissent ni roi, ni chef ; toutes leurs affaires générales se traitent dans des assemblées d’anciens & de jeunes gens. Ils sont partagés par familles, dont les trois principales sont la famille de l’Ours, celle de la Tortue, & celle du Loup. Chaque bourgade est composée de ces trois familles ; & chaque famille a son chef ; leur plus grand commerce est de castor, qu’ils troquent contre de l’eau-de-vie qu’ils aiment passionnément.

Leur argent & leur monnoie consiste en grains de porcelaine ; ces grains de porcelaine viennent de la côte de Manathe. Ce sont des burgos, sortes de limaçons de mer, blancs ou violets, tirans sur le noir ; ils en font aussi leur principal ornement ; ils se matachent le visage de blanc, de noir, de jaune, de bleu, & sur-tout de rouge. Se mattacher, est se peindre ; leur religion n’est qu’un composé de superstitions puériles, & leurs mœurs barbares y répondent.

Je n’entrerai point dans les détails : on peut consulter si l’on veut la rélation que M. de la Potherie a donné des Iroquois au commencement de ce siecle dans sa description de l’Amérique septentrionale ; mais il faut lire sur ce peuple l’ouvrage récent de M. Colden, intitulé, History of the five nations, London, 1753, in-8°. c’est une histoire également curieuse & judicieuse. (D. J.)

IRRADIATION, s. f. (Gram. & Physiq. & Physiolog.) on dit l’irradiation des rayons du soleil ; c’est l’action par laquelle il les lance. Il faut que l’irradiation passe par les pinules de l’alidade, pour que l’observation soit juste. On dit aussi l’irradiation des esprits animaux, ou leur mouvement aussi prompt que la lumiere, & leur expension en tous sens par