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bévûes les plus grossieres. Le Journal de Trévoux que je citerai ici entre une infinité d’autres dont nous sommes inondés, n’est pas exempt de ce défaut ; & si jamais j’en avois le tems & le courage, je pourrois publier un catalogue qui ne seroit pas court, des marques d’ignorance qu’on y rencontre en Géométrie, en Littérature, en Chimie, &c. Les Journalistes de Trévoux paroissent sur-tout n’avoir pas la moindre teinture de cette derniere science.

Mais ce n’est pas assez qu’un journaliste ait des connoissances, il faut encore qu’il soit équitable ; sans cette qualité, il élevera jusqu’aux nues des productions médiocres, & en rabaissera d’autres pour lesquelles il auroit dû reserver ses éloges. Plus la matiere sera importante, plus il se montrera difficile ; & quelqu’amour qu’il ait pour la religion, par exemple, il sentira qu’il n’est pas permis à tout écrivain de se charger de la cause de Dieu, & il fera main-basse sur tous ceux qui, avec des talens médiocres, osent approcher de cette fonction sacrée, & mettre la main à l’arche pour la soutenir.

Qu’il ait un jugement solide & profond de la Logique, du goût, de la sagacité, une grande habitude de la critique.

Son art n’est point celui de faire rire, mais d’analyser & d’instruire. Un journaliste plaisant est un plaisant journaliste.

Qu’il ait de l’enjouement, si la matiere le comporte ; mais qu’il laisse là le ton satyrique qui décele toujours la partialité.

S’il examine un ouvrage médiocre, qu’il indique les questions difficiles dont l’auteur auroit dû s’occuper ; qu’il les approfondisse lui-même, qu’il jette des vûes, & que l’on dise qu’il a fait un bon extrait d’un mauvais livre.

Que son intérêt soit entierement séparé de celui du libraire & de l’écrivain.

Qu’il n’arrache point à un auteur les morceaux saillans de son ouvrage pour se les approprier ; & qu’il se garde bien d’ajoûter à cette injustice, celle d’exagérer les défauts des endroits foibles qu’il aura l’attention de soûligner.

Qu’il ne s’écarte point des égards qu’il doit aux talens supérieurs & aux hommes de génie ; il n’y a qu’un sot qui puisse être l’ennemi d’un de Voltaire, de Montesquieu, de Buffon, & de quelques autres de la même trempe.

Qu’il sache remarquer leurs fautes, mais qu’il ne dissimule point les belles choses qui les rachetent.

Qu’il se garantisse sur-tout de la fureur d’arracher à son concitoyen & à son contemporain le mérite d’une invention, pour en transporter l’honneur à un homme d’une autre contrée ou d’un autre siecle.

Qu’il ne prenne point la chicane de l’art pour le fond de l’art ; qu’il cite avec exactitude, & qu’il ne déguise & n’altere rien.

S’il se livre quelquefois à l’enthousiasme, qu’il choisisse bien son moment.

Qu’il rappelle les choses aux principes, & non à son goût particulier, aux circonstances passageres des tems, à l’esprit de sa nation ou de son corps, aux préjugés courans.

Qu’il soit simple, pur, clair, facile, & qu’il évite toute affectation d’éloquence & d’érudition.

Qu’il loue sans fadeur, qu’il reprenne sans offense.

Qu’il s’attache sur-tout à nous faire connoître les ouvrages étrangers.

Mais je m’apperçois qu’en portant ces observations plus loin, je ne ferois que répéter ce que nous avons dit à l’article Critique. Voyez cet article.

* JOURNALIER ; s. m. (Gram.) ouvrier qui tra-

vaille de ses mains, & qu’on paye au jour la journée.

Cette espece d’hommes forment la plus grande partie d’une nation ; c’est son sort qu’un bon gouvernement doit avoir principalement en vûe. Si le journalier est misérable, la nation est misérable.

* JOURNÉE, sub. f. (Gram.) c’est la durée du jour, considérée par rapport à la maniere agréable ou pénible dont on la remplit. On dit un beau jour & une belle journée ; mais un jour est beau en lui-même, & une journée est belle par la jouissance qu’on en a. Cette journée fut sanglante. La journée sera longue ; il s’agit alors du chemin que l’on a à faire.

* Journée de la saint Barthelemy, (Hist. mod.) c’est cette journée à jamais exécrable, dont le crime inoui dans le reste des annales du monde, tramé, médité, préparé pendant deux années entieres, se consomma dans la capitale de ce royaume, dans la plupart de nos grandes villes, dans le palais même de nos rois, le 24 Août 1572, par le massacre de plusieurs milliers d’hommes.... Je n’ai pas la force d’en dire davantage. Lorsqu’Agamemnon vit entrer sa fille dans la forêt où elle devoit être immolée, il se couvrit le visage du pan de sa robe..... Un homme a osé de nos jours entreprendre l’apologie de cette journée. Lecteur, devine quel fut l’état de cet homme de sang ; & si son ouvrage te tombe jamais sous la main, dis à Dieu avec moi : ô Dieu, garantis-moi d’habiter avec ses pareils sous un même toit.

Journée, (Comm.) on appelle gens de journée les ouvriers qui se louent pour travailler le long du jour, c’est-à-dire depuis cinq heures du matin jusqu’à sept heures du soir.

Travailler à la journée se dit parmi les ouvriers & artisans, par opposition à travailler à la tâche & à la piece. Le premier signifie travailler pour un certain prix & à certaines conditions de nourriture ou autrement, depuis le matin jusqu’au soir, sans obligation de rendre l’ouvrage parfait ; le second s’entend du marché que l’on fait de finir un ouvrage pour un certain prix, quelque tems qu’il faille employer pour l’achever.

Les statuts de la plupart des communautés des Arts & Métiers mettent aussi de la différence entre travailler à la journée, & travailler à l’année. Les compagnons qui travaillent à l’année ne pouvant quitter leurs maîtres sans leur permission, que leur tems ne soit achevé, & les compagnons qui sont simplement à la journée, pouvant se retirer à la fin de chaque jour.

Quant à ceux qui sont à la tâche, il leur est défendu de quitter sans congé que l’ouvrage entrepris ne soit livré. Dict. de Comm.

JOÛTE, s. f. (Hist. de la Cheval.) joûte étoit proprement le combat à la lance de seul à seul ; on a ensuite étendu la signification de ce mot à d’autres combats, par l’abus qu’en ont fait nos anciens écrivains qui, en confondant les termes, ont souvent mis de la confusion dans nos idées.

Nous devons par conséquent distinguer les joûtes des tournois ; le tournois se faisoit entre plusieurs chevaliers qui combattoient en troupe, & la joûte étoit un combat singulier, d’homme à homme. Quoique les joûtes se fissent ordinairement dans les tournois après les combats de tous les champions, il y en avoit cependant qui se faisoient seules, indépendamment d’aucun tournois ; on les nommoit joûtes à tous venans, grandes & plénieres. Celui qui paroissoit pour la premiere fois aux joûtes, remettoit son heaume ou casque au héraut, à moins qu’il ne l’eût déja donné dans le tournois.

Comme les dames étoient l’ame des joûtes, il étoit juste qu’elles fussent célébrées dans ces combats singuliers d’une maniere particuliere ; aussi les chevaliers ne terminoient aucune joûte de la lance,