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On joncha de fleurs les chemins qui conduisoient à son palais.

De joncher on a fait jonchée. Les Juifs firent des jonchées de palmes à l’entrée de Jesus-Christ dans Jérusalem. Les Grecs firent des jonchées de fleurs à l’arrivée d’Iphigénie en Aulide.

JONCHETS, les s. m. pl. (Jeux) sorte de jeu ancien dont parle Ovide. On jouoit autrefois aux jonchets avec de petits brins de joncs, auxquels ont succédé de petits brins de paille, & ensuite de petits bâtons d’ivoire ; c’est des brins de joncs que lui vient son nom, comme il paroît par le Diction. étymolog. de Ménage. Rabelais n’a pas oublié ce jeu dans la longue liste de ceux auxquels Gargantua passoit la meilleure partie de son tems. Jonchée, dit Nicod, signifie « la poignée de petites branches d’ivoire dont les filles s’ébattent, & qu’on appelle le jeu des jonchées ». On empoigne ces brins de joncs pour les faire tomber tous ensemble, de maniere qu’ils s’éparpillent en tombant : nos enfans y jouent encore avec des allumettes. (D. J.)

JONCTION ou UNION, (Synonymes.) quoique ces deux mots désignent également la liaison de deux choses ensemble, les Latins ont rendu communément le premier par junctio, & le second par consensus ; nous ne les employons pas non plus indistinctement en françois, & l’abbé Girard en a marqué la différence avec beaucoup de justesse ; il suffira presque de le copier ici.

La jonction, dit-il, regarde proprement deux choses éloignées qu’on rapproche, ou qui se rapprochent l’une auprès de l’autre ; l’union regarde particulierement deux différentes choses qui se trouvent bien ensemble. Le mot de jonction semble supposer une marche ou quelque mouvement ; celui d’union renferme une idée d’accord ou de convenance : on dit la jonction des armées, & l’union des couleurs ; la jonction des deux rivieres, & l’union de deux voisins ; ce qui n’est pas joint, est séparé ; ce qui n’est pas uni est divisé. On se joint pour se rassembler & n’être pas seuls ; on s’unit pour former des corps de société.

Union s’emploie souvent au figuré, & toujours avec grace, mais on ne se sert de jonction que dans le sens littéral. La jonction des ruisseaux forme les rivieres ; l’union soutient les familles & la puissance des états. La jonction de l’Océan & de la Méditerranée par le canal de Languedoc, est un projet magnifique, conçu d’abord sous François I. renouvellé sous Henri IV. & finalement exécuté sous Louis XIV. par les soins de M. Colbert. La sympathie qui forme si promtement l’union des cœurs, qui fait que deux ames assorties se cherchent, s’aiment, s’attachent l’une à l’autre, est une chose aussi rare que délicieuse. (D. J.)

Jonction, (Jurisprud.) est l’union d’une cause, instance ou procès à un autre, pour les juger conjointement par un seul & même jugement.

Appointement de jonction, est le réglement qui unit ainsi deux instances ou procès qui étoient auparavant séparés.

Dans les instances ou procès appointés, on appointe en droit & joint les nouvelles demandes qui sont incidentes au fond.

On joint même quelquefois au fond des requêtes contenant demande provisoire, lorsqu’on ne trouve pas qu’il y ait lieu de statuer sur le provisoire.

Quand on joint simplement la requête, il n’y a point d’instruction à faire, on statue sur la requête en jugeant le fond.

Mais quand on appointe en droit & joint, il faut écrire & produire en exécution de ce réglement. (A)

Jonction du procureur-général, ou du procureur du roi, ou du ministere public en général, c’est

lorsque dans une affaire criminelle où il y a une partie civile, le ministere public intervient pour conclure à la vengeance & punition du délit. Cette intervention s’appelle jonction, parce que le ministere public se joint à l’accusateur, lequel requiert la jonction du ministere public, parce qu’en France les particuliers ne peuvent conclure qu’aux intérêts civils ; le droit de poursuivre la punition du crime, & la vindicte publique, résident en la personne du ministere public. (A)

JONE, (Géog.) petite île d’Ecosse au S. O. de celle de Mull ; elle a deux milles de long & un mille de large. Je n’en parle que parce qu’elle étoit le lieu où résidoient les évêques des îles, & celui du tombeau des rois d’Ecosse : on compte quarante rois d’Ecosse, quatre d’Irlande, & autant de Norwege, qui y sont enterrés. (D. J.)

JONGLEURS, s. m. pl. (Littérat.) joueurs d’instrumens qui, dans la naissance de notre poésie, se joignoient aux troubadours ou poëtes provençaux, & couroient avec eux les provinces.

L’histoire du théatre françois nous apprend qu’on nommoit ainsi des especes de bâteleurs, qui accompagnoient les trouveurs ou poëtes provençaux, fameux dès le xj. siecle. Le terme de jongleur paroît être une corruption du mot latin joculator, en françois joueur. Il est fait mention des jongleurs dès le tems de l’empereur Henri II. qui mourut en 1056. Comme ils jouoient de différens instrumens, ils s’associerent avec les trouveurs & les chanteurs, pour exécuter les ouvrages des premiers, & ainsi de compagnie ils s’introduisirent dans les palais des rois & des princes, & en tirerent de magnifiques présens. Quelque tems après la mort de Jeanne premiere du nom, reine de Naples & de Sicile & comtesse de Provence, arrivée en 1382, tous ceux de la profession des trouveurs & des jongleurs se séparerent en deux différentes especes d’acteurs. Les uns, sous l’ancien nom de jongleurs, joignirent aux instrumens le chant ou le récit des vers ; les autres prirent simplement le nom de joueurs, en latin joculatores, ainsi qu’ils sont nommés par les ordonnances. Tous les jeux de ceux ci consistoient en gesticulations, tours de passe-passe, &c. ou par eux mêmes, ou par des singes qu’ils portoient, ou en quelques mauvais récits du plus bas burlesque. Mais leurs excès ridicules & extravagans les firent tellement mépriser, que pour signifier alors une chose mauvaise, folle, vaine & fausse, on l’appelloit jonglerie ; & Philippe-Auguste dès la premiere année de son regne les chassa de sa cour & les bannit de ses états. Quelques-uns néanmoins qui se réformerent s’y établirent & y furent tolérés dans la suite du regne de ce prince & des rois ses successeurs, comme on le voit par un tarif fait par S. Louis pour régler les droits de péage dûs à l’entrée de Paris sous le petit-châtelet. L’un de ces articles porte, que les jongleurs seroient quittes de tout péage en faisant le récit d’un couplet de chanson devant le péager. Un autre porte « que le marchand qui apporteroit un singe pour le vendre, payeroit quatre deniers ; que si le singe appartenoit à un homme qui l’eût acheté pour son plaisir, il ne donneroit rien, & que s’il étoit à un joueur, il joueroit devant le péager ; & que par ce jeu il seroit quitte du péage tant du singe que de tout ce qu’il auroit acheté pour son usage ». C’est de-là que vient cet ancien proverbe, payer en monnoie de singe, en gambades. Tous prirent dans la suite le nom de jongleurs comme le plus ancien, & les femmes qui se mêloient de ce métier celui de jongleresses. Ils se retiroient à Paris dans une seule rue qui en avoit pris le nom de rue des jongleurs, & qui est aujourd’hui celle de saint Julien des Menétriers. On y alloit louer ceux que l’on jugeoit à propos pour