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Dans le poëme dramatique, l’intrigue consiste à jetter les spectateurs dans l’incertitude sur le sort qu’auront les principaux personnages introduits dans la scene ; mais pour cela elle doit être naturelle, vraissemblable & prise, autant qu’il se peut, dans le fond même du sujet. 1°. Elle doit être naturelle & vraissemblable ; car une intrigue forcée ou trop compliquée, au lieu de produire dans l’esprit ce trouble qu’exige l’action théatrale, n’y porte au contraire que la confusion & l’obscurité, & c’est ce qui arrive immanquablement, lorsque le poëte multiplie trop les incidens ; car ce n’est pas tant le surprenant & le merveilleux qu’on doit chercher en ces occasions, que le vraissemblable ; or rien n’est plus éloigné de la vraissemblance que d’accumuler dans une action, dont la durée n’est tout au plus supposée que de 24 heures, une foule d’actions qui pourroient à peine se passer en une semaine, ou en un mois. Dans la chaleur de la représentation ces surprises multipliées plaisent pour un moment, mais à la discussion on sent qu’elles accablent l’esprit, & qu’au fond le poëte ne les a imaginées que faute de trouver dans son génie les ressources propres à soutenir l’action de sa piece par le fond même de sa fable. De-là tant de reconnoissances, de déguisemens, de suppositions d’état dans les tragédies de quelques modernes dont on ne suit les pieces qu’avec une extrème contention d’esprit ; le poëte dramatique doit à la vérité conduire son spectateur à la pitié par la terreur, & réciproquement à la terreur par la pitié. Il est encore également vrai que c’est par les larmes, par l’incertitude, par l’espérance, par la crainte, par les surprises & par l’horreur, qu’il doit le mener jusqu’à la catastrophe ; mais tout cela n’exige pas une intrigue pénible & compliquée. Corneille & Racine, par exemple, prodiguent-ils à tout propos les incidens, les reconnoissances & les autres machines de cette nature, pour former leur intrigue ? L’action de Phedre marche sans interruption, & roule sur le même intérêt, mais infiniment simple, jusqu’au troisieme acte où l’on apprend le retour de Thesée. La présence de ce prince, & la priere qu’il fait à Neptune, forment tout le nœud, & tiennent les esprits en suspens. Il n’en faut pas davantage pour exciter l’horreur pour Phedre, la crainte pour Hyppolite, & ce trouble inquiétant dont tous les cœurs sont agités dans l’impatience de découvrir ce qui doit arriver. Dans Athalie, le secret du grand-prêtre sur le dessein qu’il a formé de proclamer Joas roi de Juda, l’empressement d’Athalie à demander qu’on lui livre cet enfant inconnu, conduisent & arrêtent comme par degré l’action principale, sans qu’il soit besoin de recourir à l’extraordinaire & au merveilleux. On verra de même dans Cinna, dans Rodogune, & dans toutes les meilleures pieces de Corneille, que l’intrigue est aussi simple dans son principe, que féconde dans ses suites. 2°. Elle doit naître du fond du sujet autant qu’il se peut ; car lorsque la fable ou le morceau d’histoire que l’on traite, fournit naturellement les incidens & les obstacles qui doivent contraster avec l’action principale, qu’est-il besoin de recourir à des épisodes qui ne font que la compliquer, ou partager & refroidir l’intérêt ? Princip. pour la lect. des Poëtes. tom. II.

INTRINSEQUE, adj. (Gramm.) ou appartenant à toute la substance du corps ; c’est ainsi qu’il faut l’entendre dans les phrases de philosophes, où il est joint à vertu, à qualité, & où il est vuide d’idée.

Il a un sens plus déterminé dans les cas où il est appliqué à la valeur des objets ; ainsi la valeur intrinseque d’un bijou d’or, c’est la matiere même, sans aucun égard à la façon. La valeur intrinseque d’une piece de monnoye, c’est le métal considéré

relativement au grain de fin, & non au travail.

Ainsi la valeur intrinseque est celle des choses indépendamment de nos conventions, de nos caprices, de nos idées, &c.

INTRODUCTEUR des Ambassadeurs, (Hist. cérémoniale.) legatorum admissioni præfectus ; c’est celui qui, entr’autres fonctions de sa charge, reçoit & conduit les ministres étrangers dans la chambre de leurs majestés & des enfans de France ; ils s’adressent encore à lui pour les particularités qu’il leur convient de savoir au sujet du cérémonial.

Cette charge n’est établie dans ce royaume que de la fin du dernier siecle, & dans la plupart des autres cours, elle est confondue avec celle de maître des cérémonies.

On peut appeller admissionales, les introducteurs des ambassadeurs. Ces officiers étoient connus des Romains dans le troisieme siecle : Lampride dit d’Alexandre qui monta sur se trône en 208 : quid salutaretur quasi unus de senatoribus, patente velo, admissionalibus remotis. Il en est fait mention dans le code Théodosien, ainsi que dans Ammian Marcellin, lib. XV. cap. v, où l’on voit que cet emploi étoit très honorable. Corippus, lib. III. de laudib. Justini, qui fut élu empereur en 518, donne à cet officier le titre de magister.

Uti lætus princeps solium conscendit in altum,
Membraque purpureâ proecelsus veste locavit,
Legatos … jussos intrare magister.

(D. J.)

INTRODUCTIF, adj. (Jurisprud.) se dit en parlant du premier exploit par lequel on commence une contestation. On l’appelle exploit introductif, ou la demande introductive, parce que c’est ce qui a introduit la contestatton. (A)

INTRODUCTION, s. f. (Jurisprud.) signifie commencement ; quand on dit depuis l’introduction de l’instance, c’est depuis le premier exploit qui a commencé l’affaire. (A)

INTRONATI, (Hist. littéraire.) nom d’une académie de Sienne en Italie. Voyez Académie.

Les membres de cette académie se contenterent d’établir à sa naissance six lois fondamentales fort courtes : 1°. prier ; 2°. étudier ; 3°. se réjouir ; 4°. n’offenser personne ; 5°. ne pas croire légerement ; 6°. laisser dire le monde.

INTRUS, adject. (Jurisprud.) est celui qui s’est emparé de quelque bien sans titre légitime.

Ce terme est principalement usité en matiere bénéficiale, pour exprimer celui qui s’est mis en possession d’un bénéfice par voie de fait, sans institution légitime & canonique, ou sans avoir observé les formalités requises, par exemple s’il n’a pas obtenu le visa.

Cette possession vicieuse est qualifiée d’intrusion, laquelle emporte une incapacité perpétuelle de la part de l’intrus de posséder le bénéfice. (A)

INTUITIF, adject. (Théolog.) il se dit de la vision ou connoissance claire & distincte d’une chose. Les Théologiens promettent aux hommes dans ce monde-ci, que s’ils sont du nombre des bienheureux dans l’autre, ils auront la vision intuitive de la majesté de Dieu, & la connoissance des mysteres de la religion.

INTUS-SUSCEPTION, s. f. (Physique.) Voyez Juxta-position.

INVALIDE, adj. (Gramm.) qui ne peut valoir. On dit, cette seule phrase marque que cette homme ne jouissoit pas de sa raison quand il a fait son testament, & elle suffit pour le rendre invalide. Voilà une de ces circonstances sur lesquelles il a été impossible