Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/847

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poursuivi. Voyez Entonner & Ton. Intonation se prend encore dans un autre sens : on dit d’un musicien, qu’il a l’intonation juste, lorsqu’il exécute avec précision les intervalles de la musique. La justesse de l’intonation dépend de la voix, de l’oreille & de l’exercice.

INTRA-COSTAUX, en Anatomie, sont des muscles qui paroissent aussi-tôt qu’on a enlevé la plevre ; il sont six, sept, huit ou neuf de chaque côté, & naissent auprès de la tubérosité des côtes : ils montent obliquement & finissent à la premiere côte qui leur est supérieure, ou à la seconde ; on les appelle les intra-costaux de Verrheyen, & les sous-costaux de M. de Winslow. Voyez Sous-costaux.

INTRADOS, (Coupe des pierres.) Voyez Doele.

* INTRADUISIBLE, adj. (Gramm.) qu’on ne peut traduire. Un auteur est intraduisible, lorsqu’il y a peu de termes dans la langue du traducteur qui rendent ou la même idée, ou précisément la même collection d’idées qu’ils ont dans la langue de l’auteur.

* INTRAITABLE, adj. (Gram.) Un homme est intraitable lorsque la dureté de son caractere, la férocité de son esprit, l’inflexibilité de son humeur, la fierté rude de ses mœurs repoussent tous ceux qui ont à traiter, agir, ou converser avec lui. Les honneurs & la richesse rendent quelquefois intraitables. La maladie en fait autant.

* INTRANT, s. m. (Litt.) c’est celui qui est choisi & député par la nation, pour l’élection d’un nouveau recteur. Il y a quatre intrans, parce qu’il y a quatre nations dans l’université : ce sont ces vocaux qui font le recteur ; ils votent en particulier. Lorsque leurs voix sont partagées, c’est le recteur en exercice qui débarre.

INTRÉPIDITÉ, s. f. (Morale.) L’intrépidité est une force extraordinaire de l’ame qui l’éleve au-dessus des troubles, des desordres, & des émotions que la vûe des grands périls pourroit exciter en elle ; & c’est par cette force que les héros se maintiennent en un état paisible, & conservent l’usage libre de leur raison dans les accidens les plus surprenans & les plus terribles.

L’intrépidité doit soutenir le cœur dans les conjurations, au lieu que la seule valeur lui fournit toute la fermeté qui lui est nécessaire dans les périls de la guerre.

Souvent entre l’homme intrépide & le furieux il n’est de différence visible que la cause qui les anime. Celui-ci pour des biens frivoles, pour des honneurs chimériques qu’on acheteroit encore trop cher par un simple desir, sacrifiera ses amusemens, sa tranquillité, sa vie même. L’autre au contraire connoît le prix de son existence, les charmes du plaisir, & la douceur du repos : il y renoncera cependant pour affronter les hasards, les souffrances, & la mort même, si la justice & son devoir l’ordonnent ; mais il n’y renoncera qu’à ce prix. Sa vertu lui est plus chere que sa vie, que ses plaisirs & son repos ; mais c’est le seul avantage qu’il préfere à tous ceux-là.

Un moyen propre à redoubler l’intrépidité, c’est d’être homme de bien. Votre conscience alors vous donnant une douce sécurité sur le sort de l’autre vie, vous en serez plus disposé à faire, s’il en est besoin, le sacrifice de celle-ci. « Dans une bataille, dit Xenophon, ceux qui craignent le plus les dieux, sont ceux qui craignent le moins les hommes ».

Pour ne point redouter la mort, il faut avoir des mœurs bien pures, ou être un scélérat bien aveuglé par l’habitude du crime. Voilà deux moyens pour ne pas fuir le danger : choisissez.

INTRIGUE, s. f. (Morale.) conduite détournée de gens qui cherchent à parvenir, à s’avancer, à obtenir des emplois, des graces, des honneurs, par la cabale & le manege. C’est la ressource des

ames foibles & vitieuses, comme l’escrime est le métier des lâches.

Intrigue, (Belles-Lettres.) assemblage de plusieurs évenemens ou circonstances qui se rencontrent dans une affaire, & qui embarrassent ceux qui y sont intéressés.

Ce mot vient du latin intricare, & celui-ci, suivant Nonius, de triæ, entrave qui vient du grec τρίχες, cheveux : quod pullos gallinaceos involvant & impediant capilli. Tripand adopte cette conjecture, & assure que ce mot se dit proprement des poulets qui ont les piés empêtrés parmi des cheveux, & qu’il vient du grec ἐν, Θρίξ, cheveux.

Intrigue, dans ce sens, est le nœud ou la conduite d’une piece dramatique, ou d’un roman, c’est-à-dire, le plus haut point d’embarras où se trouvent les principaux personnages, par l’artifice ou la fourbe de certaines personnes, & par la rencontre de plusieurs événemens fortuits qu’ils ne peuvent débrouiller. Voyez Nœud.

Il y a toujours deux desseins dans la tragédie, la comédie ou le poëme épique. Le premier & le principal est celui du héros ; le second comprend tous les desseins de ceux qui s’opposent à ses prétentions. Ces causes opposées produisent aussi des effets opposés, savoir, les efforts du héros pour l’exécution de son dessein, & les efforts de ceux qui lui sont contraires.

Comme ces causes & ces desseins sont le commencement de l’action, de même ces efforts contraires en sont le milieu, & forment une difficulté & un nœud qui fait la plus grande partie du poëme ; elle dure autant de tems que l’esprit du lecteur est suspendu sur l’événement de ces efforts contraires. La solution ou dénouement commence, lorsque l’on commence à voir cette difficulté levée & les doutes éclaircis. Voyez Action, Fable, &c.

Homere & Virgile ont divisé en deux chacun de leurs trois poëmes, & ils ont mis un nœud & un dénouement particulier en chaque partie.

La premiere partie de l’iliade est la colere d’Achille, qui veut se venger d’Agamemnon par le moyen d’Hector & des Troïens. Le nœud comprend le combat de trois jours qui se donne en l’absence d’Achille, & consiste d’une part dans la résistance d’Agamemnon & des Grecs ; & de l’autre, dans l’humeur vindicative & inexorable d’Achille, qui ne lui permet pas de se reconcilier. Les pertes des Grecs & le desespoir d’Agamemnon disposent au dénouement, par la satisfaction qui en revient au héros irrité. La mort de Patrocle, jointe aux offres d’Agamemnon, qui seules avoient été sans effet, levent cette difficulté, & font le dénouement de la premiere partie. Cette même mort est aussi le commencement de la seconde partie, puisqu’elle fait prendre à Achille le dessein de se venger d’Hector ; mais ce héros s’oppose à ce dessein, & cela forme la seconde intrigue, qui comprend le combat du dernier jour.

Virgile a fait dans son poëme le même partage qu’Homere. La premiere partie est le voyage & l’arrivée d’Enée en Italie ; la seconde est son établissement. L’opposition qu’il essuie de la part de Junon dans ces deux entreprises, est le nœud général de l’action entiere.

Quant au choix du nœud & à la maniere d’en faire le dénouement, il est certain qu’ils doivent naître naturellement du fond & du sujet du poëme. Le P. le Bossu donne trois manieres de former le nœud d’un poëme ; la premiere est celle dont nous venons de parler ; la seconde est prise de la fable & du dessein du poëte ; la troisieme consiste à former le nœud, de telle sorte que le dénouement en soit une suite naturelle. Voyez Catastrophe & Dénouement.