Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/832

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a désigné une espece de reglement pour l’Empire, sur les articles de foi qu’il y falloit croire en attendant qu’un concile général les eût plus amplement décidés. Ce mot interim est latin & signifie cependant ou en attendant, comme pour signifier que son autorité ne dureroit que jusqu’à la détermination du concile général.

Pour entendre ce qui regarde l’intérim, il est bon de savoir que le concile de Trente ayant été interrompu en 1548 & transféré à Bologne, l’empereur Charles V. qui n’espéroit pas voir cette assemblée sitôt réunie, & qui vouloit concilier les Luthériens avec les Catholiques, imagina le tempérament de faire dresser un formulaire par des Théologiens qui seroient envoyés pour cet effet à la diete qui se tenoit alors à Augsbourg : ceux-ci n’ayant pu convenir entre eux laisserent à l’empereur le soin de le faire dresser. Il en chargea trois théologiens célebres, qui rédigerent vingt-six articles sur tous les points controversés entre les Catholiques & les Luthériens. Ces articles concernoient l’état du premier homme avant & après sa chute dans le péché ; la rédemption des hommes par J. C. la justification du pécheur ; la charité & les bonnes œuvres ; la confiance qu’on doit avoir en Dieu que les péchés sont pardonnés ; l’église & ses vraies marques, sa puissance, son autorité, ses ministres, le pape & les évêques : les sacremens en général & en particulier ; le sacrifice de la messe, & la commémoration qu’on y fait des Saints leur intercession & leur invocation ; la priere pour les défunts & l’usage des sacremens, auxquels ils faut ajouter la tolérance sur le mariage des prêtres & sur l’usage de la coupe. Quoique les Théologiens qui avoient dressé cette profession de foi, assurassent l’empereur qu’elle étoit très-orthodoxe, à l’exception des deux derniers articles ; le pape ne voulut jamais l’approuver ; & depuis que Charles V. l’eut proposée comme un reglement par une constitution impériale donnée en 1548 dans la diete d’Augsbourg qui l’accepta, il y eut des catholiques qui refuserent de se soumettre à l’interim sous prétexte qu’il favorisoit le luthéranisme ; & pour rendre cette ordonnance odieuse, ils la comparerent à l’Hénotique de Zenon, à l’Ecthere d’Héraclius, & au Type de Constant. Voyez Hénotique, Ecthere & Type. D’autres catholiques l’adopterent, & écrivirent pour sa défense.

L’interim ne fut guere mieux reçu des Protestans, la plupart le rejetterent, comme Bucer, Musculus, Osiander, sous prétexte qu’il rétablissoit la papauté qu’ils pensoient avoir détruite ; d’autres écrivirent vivement contre, mais enfin comme l’empereur agit fortement pour soutenir sa constitution jusqu’à mettre au ban de l’empire les villes de Magdebourg & de Constance qui refusoient de s’y soumettre ; les Luthériens se diviserent en rigides ou opposés à l’interim & en mitigés, qui prétendoient qu’il falloit s’accommoder aux volontés du souverain ; on les nomma Intérimistes ; mais ils se réservoient le droit d’adopter ou de rejetter ce que bon leur sembloit dans la constitution de l’empereur. Ensorte qu’on peut regarder cet interim comme une de ces pieces dans lesquelles en voulant ménager deux partis opposés on les mécontenta tous deux ; & c’est ce que produisit effectivement l’interim qui ne remédia à rien, fit murmurer les Catholiques & souleva les Luthériens.

Interim, (Jurisp.) se dit quelquefois figurément & par allusion à l’interim de Charles-quint, pour signifier quelque chose de provisoire ; c’est ainsi qu’on dit jouir par interim ou exercer quelque fonction par interim, en attendant la décision de quelque contestation. (A)

INTERIMISTES, s. m. pl. (Hist. Ec.) est le nom qu’on donna aux Luthériens, qui joignirent à

leurs erreurs les 26 articles du decret fait à Augsbourg en 1548, dit interim, & accordé par l’empereur Charles V. aux Protestans, en attendant un concile général.

INTERLIGNES. f. f. (Imprim.) ce sont des parties minces, de bois ou de métal, que l’on met entre chaque lignes, pour leur donner plus de blanc. On s’est servi long-tems d’interlignes de bois, faute d’autres ; ce sont de minces reglettes de bois que l’on coupe à la longueur des lignes : mais l’eau qui les pénétre lorsqu’on lave les formes, les fait bomber en différens sens, ce qui produit de mauvais effets, & les rend, en peu de tems, hors d’usage. On y a d’abord suppléé par des petites parties de métal dites interlignes brisées, parce qu’elles sont en forme d’espaces fondues sur différens corps pour les avoir de plusieurs largeurs, afin de les faire servir à différens formats de livres. Ces secondes sortes d’interlignes ont un grand inconvénient, c’est qu’il arrive souvent qu’elles ne sont pas justes d’épaisseur entr’elles ; comme elles se font sur quatre ou cinq moules différens, pour peu qu’un d’eux péche en tête, en pié, ou à une des extrémités du corps, il en résulte un défaut général. Enfin on a inventé des moules pour en faire d’une seule piece pour chaque format, ce qui rend l’ouvrage plus prompt, plus solide & plus propre. Voyez la fig. de ce moule dans les Planches de la Fonderie en Caracteres.

L’épaisseur des interlignes est de deux sortes ; la plus usitée, & celle qui donne plus de grace à l’impression, est de trois points, mesure de l’échelle pour la proportion des caracteres, c’est-à-dire que les deux font l’épaisseur de la nompareille ; l’autre est de deux points ou trois interlignes pour le corps de ladite nompareille. Celle-ci donne la distance juste qu’il y a d’un caractere à celui qui le suit dans l’ordre des corps, c’est-à-dire qu’un petit-romain & une de ces interlignes font ensemble le corps du cicéro ; ou unie au cicéro font le saint-augustin.

INTERLINÉATION, s. f. (Gram.) ce qui se trouve écrit entre deux lignes. On donne aussi le nom d’interligne à l’espace vuide qu’on observe entre deux lignes, & qui peut être rempli de notes & de corrections.

INTERLOCUTEUR, s. m. (Gram.) nom que l’on donne aux différens personnages que l’on introduit dans un dialogue. Il faut attacher des caracteres différens à ses interlocuteurs, & les leur conserver depuis le commencement du dialogue jusqu’à la fin. Ces caracteres seront plus vrais, marqueront plus de goût, donneront lieu au poëte de montrer son génie, beaucoup plus s’ils sont différens que s’ils sont contrastés. Le contraste donne à tout un ouvrage un tour épigrammatique petit, factice & déplaisant.

INTERLOCUTOIRE, adj. (Jurisprud.) se dit d’un jugement qui n’est point définitif, c’est-à-dire, qui ne décide pas le fond de la contestation, mais seulement ordonne quelque chose pour l’instruction ou l’éclaircissement de cette contestation : on dit quelquefois un jugement interlocutoire, & quelquefois pour abréger un interlocutoire simplement.

Tout interlocutoire est un préparatoire & un préalable à remplir avant le jugement définitif, mais il differe du simple préparatoire en ce que celui-ci ne concerne ordinairement que l’instruction, au lieu que l’autre touche aussi le fond. Un jugement qui ordonne que l’on fournira des défenses ou que l’on donnera copie ou communication d’une piece, est un simple préparatoire qui ne préjuge rien sur le fond, au lieu que l’interlocutoire ou préjuge le fond, ou du moins est rendu après avoir examiné le fond, comme quand on ordonne avant faire droit une enquête ou une descente, un plan, une visite. (A)