Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/827

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

corporelles & pécuniaires, il n’est jamais censé remettre les intérêts civils dûs à la partie.

Les condamnés peuvent être retenus en prison faute de payement des intérêts civils.

Ces intérêts sont préférés à l’amende dûe au roi. Voyez l’ordonnance de 1670, tit. XIII. art. xxjx. le journal des aud. tom. II. liv. III. chap. xj. (A)

Intérêts compensatoires, sont ceux qui sont dûs pour tenir lieu des fruits que le créancier auroit retirés d’un fonds, tels que les intérêts du prix de la vente, ceux de la légitime, &c. (A)

Intérêts conventionnels, sont ceux qui n’ont lieu qu’en vertu de la convention. (A)

Intérêts juratoires : on appelle ainsi en quelques pays ceux qui sont adjugés en justice. Voyez la dissertation de M. Catherinot, sur le prêt gratuit, p. 68.

Intérêts lucratoires, sont la même chose que les intérêts conventionnels : on les appelle lucratoires, parce qu’ils sont stipulés comme une estimation du profit que l’argent auroit pû produire, s’il eût été employé autrement. (A)

Intérêts lunaires, c’est le nom qu’on donne dans les échelles du levant aux intérêts usuraires que les Juifs exigent des nations chrétiennes qui ont besoin de leur argent, soit pour commercer, soit pour payer les avances que les officiers Turcs de ces échelles ne leur font que trop souvent. Voyez Avance.

On les appelle lunaires, parce que les débiteurs payent à tant pour cent par lune, & que les mois des Turcs ne sont pas solaires comme ceux des Chrétiens, ce qui augmente encore l’intérêt de plus d’un tiers par cent.

Pour remédier à cet abus, M. de Nointel lorsqu’il alla en ambassade à la Porte en 1670, fut chargé de ne plus souffrir ces intérêts lunaires, ni les emprunts que la nation faisoit aux Juifs pour le payement des avances, & il fut statué qu’en cas d’une nécessité pressante d’emprunter quelque somme, les marchands François établis dans les échelles seroient tenus d’en faire l’avance, qui leur seroit remboursée & répartie sur les premieres voiles qui iroient charger dans lesdites échelles. Dict. de Comm.

Intérêts moratoires, sont ceux qui sont dûs à cause de la demeure du débiteur. (A)

Intérêt dû ex naturâ rei, c’est celui qui a lieu de plein droit & sans stipulation, comme l’intérêt du prix d’une vente, l’intérêt de la dot de la part héréditaire, de la légitime, d’une soute de partage, &c. (A)

Intérêt ex officio judicis, c’est celui qui n’a lieu qu’en vertu d’une demande suivie de condamnation, tel que l’intérêt de l’argent prêté. (A)

Intérêt punitoire, est celui qui est dû propter moram debitoris ; c’est la même chose que l’intérêt moratoire. (A)

Intérêt pupillaire, ou intérêt de deniers pupillaires, est celui que le tuteur doit à son mineur ; ce qui comprend aussi les intérêts des intérêts. (A)

Intérêts usuraires, sont ceux qui n’ont pu être stipulés, ou qui excedent le taux de l’ordonnance. (A)

Intérêt, (Œcon. polit.) L’intérêt est une somme fixée par la loi, que l’emprunteur s’engage à payer au prêteur. Je dis une somme fixée par la loi, c’est ce qui distingue l’intérêt de l’usure.

L’argent n’est pas seulement une représentation des denrées ; il est & doit être marchandise, & il a sa valeur réelle ; ce qui constitue son prix, c’est la proportion de sa masse avec la quantité des denrées dont il est la représentation, avec les besoins de l’état & l’argent des pays voisins.

Lorsqu’il y a beaucoup d’argent, il doit avoir

moins de prix, être moins cher, & par conséquent aliéné à un intérêt plus modique.

Si un état n’avoit ni voisins à craindre ni denrées à prendre de l’étranger, il lui seroit égal d’avoir peu ou beaucoup d’argent ; mais les besoins des particuliers & de l’état demandent que l’on cherche à entretenir chez soi une masse d’argent proportionnée à ces besoins & à celle des autres nations.

L’argent coule de trois sources dans les pays qui n’ont pas de mines. L’agriculture, l’industrie, & le commerce.

L’agriculture est la premiere de ces sources ; elle nourrit l’industrie ; toutes deux produisent le commerce qui s’unit avec elles pour apporter & faire circuler l’argent.

Mais l’argent peut être destructeur de l’agriculture, de l’industrie & du commerce, quand son produit n’est pas proportionné avec le produit des fonds de terre, les profits du commerce & de l’industrie.

Si par exemple la rente de l’argent est de cinq pour cent, ou au denier 20, & que le produit des terres ne soit que de deux, les particuliers trouvent de l’avantage à préférer les fonds d’argent aux fonds de terre, & l’agriculture est négligée. Si le chef de manufacture ne tire par son travail, le négociant par son commerce, que cinq pour cent de leurs fonds, ils aimeront mieux sans travail & sans risque recevoir ces cinq pour cent d’un débiteur.

Pour faire valoir les terres & les manufactures, pour faire des entreprises de commerce, il faut souvent faire des emprunts ; si l’argent est à un trop haut prix, il y a peu de profit à espérer pour l’agriculteur, le commerçant, le chef de manufactures.

S’ils ont emprunté à cinq pour cent ou au denier vingt, ils seront obligés pour se dédommager de vendre plus cher que ceux des pays où on emprunte à trois : de-là moins de débit chez l’étranger, moins de moyens de soutenir la concurrence.

L’argent par lui même ne produit rien, c’est le produit du commerce, de l’industrie, des terres, qui paye l’argent qu’on emprunte : ainsi les rentes de l’argent sont une charge établie sur les terres, le commerce, l’industrie.

Une des premieres opérations du grand Sulli fut de réduire au denier seize l’intérêt de l’argent qui étoit au denier douze. « Nous avons, dit Henri le Grand dans son édit, reconnu au doigt & à l’œil, que les rentes constituées à prix d’argent au denier douze, ont été cause de la ruine de plusieurs bonnes & anciennes familles qui ont été accablées d’intérêt, & souffert la vente de leurs biens...... Elles ont empêché le trafic & commerce de la marchandise qui auparavant avoit plus de vogue dans notre royaume qu’en aucun autre de l’Europe, & fait négliger l’agriculture & les manufactures. Aimant mieux plusieurs de nos sujets sous la facilité d’un gain a la fin trompeur, vivre de leurs rentes en oisiveté parmi les villes, qu’employer leur industrie avec quelque peine aux arts, ou à cultiver & approprier leurs héritages.

On sentit dans les dernieres années du regne d’Henri IV. & les premieres du regne de Louis XIII. le bien qu’avoit fait la réduction des rentes. Le cardinal de Richelieu obtint de son maître un édit pour les réduire au denier 18.

A présent que ce royaume est si florissant & si abondant, dit Louis XIII. la réduction ci-devant faite ne produit plus l’effet pour lequel elle avoit été ordonnée ; d’autant que les particuliers trouvent tant de profit & de facilité au revenu desdites constitutions, qu’ils négligent celui du commerce & de l’agriculture, dont le rétablissement toutefois est si nécessaire pour la puissance & subsistance de cette monarchie.

Il entra bien tôt dans le plan du grand Colbert,