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justice, exhortant aussi ces mêmes commissaires ou les comtes, s’ils vouloient mériter l’honneur de ses bonnes graces, d’apporter un fort grand soin, que par leur négligence les pauvres ne souffrissent quelque préjudice, & que S. M. n’en reçût aucune plainte.

Vers la fin de la seconde race, & au commencement de la troisieme, tems où les fiefs & les justices seigneuriales furent établies, les rois envoyerent aussi dans les provinces des commissaires choisis dans leur conseil, pour y maintenir leur autorité, connoître des cas royaux, & protéger le peuple, recevoir les plaintes que l’on avoit à faire contre les seigneurs ou leurs officiers. Ces plaintes se devoient juger sommairement, si faire se pouvoit, sinon être renvoyées aux grandes assises du roi. Les seigneurs se plaignirent de cette inspection, qui les rappelloit à leur devoir, & contestoit leurs officiers : on cessa quelque tems d’en envoyer, & nos rois se contenterent d’en fixer quatre ordinaires sous le titre de baillifs, qui étoient les quatre grands baillifs royaux. Saint Louis & ses successeurs envoyerent néanmoins des enquêteurs, pour éclairer la conduite de ces quatre grands baillifs eux-mêmes, & des autres officiers. En Normandie, on devoit en envoyer tous les trois ans : on les appelloit aussi commissaires du roi ; ils devoient aller prendre leurs lettres à la chambre des comptes, qui leur donnoit les instructions nécéssaires, & taxoit leurs gages. Mais ces commissaires n’avoient pas chacun à eux seuls le département d’une province entiere, comme ont aujourd’hui les intendans.

Il y avoit dans une même province autant de commissaires qu’il y avoit d’objets différens que l’on mettoit en commission, pour la justice, pour les finances, pour les monnoies, pour les vivres, pour les aides, &c. mais il ne devoit point y avoir de commissaires pour la levée des revenus ordinaires du roi. Chacune de ces différentes commissions étoit donnée, soit à une seule personne ou à plusieurs ensemble, pour l’exercer conjointement.

Ceux qui étoient chargés de l’administration de quelque portion de finance, rendoient compte à la chambre des comptes, aussi-tôt que leur commission étoit finie ; & elle ne devoit pas durer plus d’un an ; si elle duroit davantage, ils rendoient compte à la fin de chaque année : il leur étoit défendu de recevoir ni argent, ni autre rétribution pour leurs sceaux.

Les commissaires avoient quelquefois le titre de réformateurs généraux ; & dans ce cas la commission étoit ordinairement remplie par des prélats & des barons ; c’est pourquoi l’ordonnance de Charles IV. du mois de Novembre 1323, taxe les gages que devoient prendre ceux qui étoient chargés de commissions pour le service du roi.

Les maîtres des requêtes auxquels les commissions d’intendans de province ont depuis été en quelque sorte affectées, étoient dejà institués ; mais ils étoient d’abord en très-petit nombre, & ne servoient qu’auprès du roi.

Dans la suite, la moitié alloit faire des visites dans les provinces, & l’autre restoit auprès du roi. Ceux qui avoient été dans les provinces revenoient rendre compte au roi & à son chancelier des observations qu’ils y avoient faites pour le service de Sa Majesté, & le bien de ses peuples ; ils proposoient aussi au parlement ce qui devoit y être réglé, & y avoient entrée & séance.

Les ordonnances d’Orléans & de Moulins leur enjoignirent de faire tous les ans des chevauchées. L’ordonnance de 1629 renouvelle cette disposition ; mais ces tournées n’étoient que passageres, & ils ne résidoient point dans les provinces.

Ce fut Henri II. qui en 1551, établit les intendans

de province, sous le titre de commissaires départis pour l’exécution des ordres du roi.

En 1635 Louis XIII. leur donna celui d’intendant du militaire, justice, police & finance.

L’établissement des intendans éprouva d’abord plusieurs difficultés. Sous la minorité de Louis XIV. la levée de quelques nouveaux impôts dont ils furent chargés, ayant excité des plaintes de la part des cours assemblées à Paris, elles arrêterent en 1648. que le roi seroit supplié de révoquer les commissions d’intendans ; & par une déclaration du 13 Juillet suivant, elles le furent pour quelques provinces seulement, dans d’autres elles furent limitées à certains objets, mais elles furent ensuite rétablies ; elles ne l’ont été cependant en Béarn qu’en 1682, & en Bretagne qu’en 1689.

La fonction d’un intendant ne concerne en général, que ce qui a rapport à l’administration. Il a une inspection générale sur tout ce qui peut intéresser le service du roi, le bien de ses peuples. Il doit veiller à ce que la justice leur soit rendue, à ce que les impositions soient bien reparties, à la culture des terres, à l’augmentation du commerce, à l’entretien des chemins, des ponts & des édifices publics ; en un mot à faire concourir toutes les parties de son département au bien de l’état, & informer le ministre de tout ce qu’il peut y avoir à améliorer ou à réformer dans sa généralité.

Les intendans sont souvent consultés par les ministres sur des affaires qui s’élevent dans leur département, & ils leur envoient les éclaircissemens & les observations dont ils ont besoin pour les terminer.

Quelquefois ils sont commis par des arrêts du conseil pour entendre les parties, dresser procès-verbal de leurs prétentions, & donner leurs avis sur des affaires qu’il seroit trop long & trop dispendieux d’instruire à la suite du conseil. Quelquefois même, quoique plus rarement, ils sont commis par arrêt pour faire des procédures & rendre des jugemens, avec un nombre d’officiers ou de gradués, même en dernier ressort ; mais leur objet est plutôt de faire rendre la justice par ceux qui y sont destinés, que de juger les affaires des particuliers.

Une de leurs principales fonctions, est le département des tailles dans les pays où elle est personnelle. Ils font aussi les taxes d’office, & ils peuvent nommer d’office des commissaires pour l’assiete de la taille.

Les communautés ne peuvent intenter aucune action, sans y être autorisés par leur ordonnance.

Ils font les cottisations ou répartitions sur les possesseurs des fonds, pour les réparations des églises & des presbyteres ; mais s’il survient à cette occasion des questions qui donnent lieu à une affaire contentieuse, ils sont obligés de la renvoyer aux juges ordinaires.

On leur expédie des commissions du grand sceau, qui contiennent tous leurs pouvoirs. Autrefois elles étoient enregistrées dans les parlemens, & alors c’étoit les parlemens qui connoissoient de l’appel de leurs ordonnances ; mais l’usage ayant changé, l’appel des ordonnances & jugemens des intendans se porte au conseil, & y est instruit & jugé, soit au conseil des parties, soit en la direction des finances, soit au conseil royal des finances, selon la nature de l’affaire.

Mais comme ces ordonnances ne concernent ordinairement que des objets de police, elles sont de droit exécutoires par provision, & nonobstant l’appel, à-moins que le conseil n’ait jugé à propos d’accorder des défenses ; ce qu’il ne fait que rarement & en connoissance de cause.

Les intendans nomment des subdélégués dans les différentes parties de leur généralité ; ils les char-