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les phalenes sur le corcelet, les bourdons sur la partie postérieure du corps ; on en voit sur les aîles & sur les jambes. Tous ces poils ont différentes couleurs, qui changent lorsque l’insecte vieillit, ou lorsqu’il est prêt à former sa coque. Il y a aussi sur différens insectes des touffes de poils disposés en forme de brosses rondes ou quarrées, & souvent terminées en pointe comme un pinceau. Certains insectes ont des poils si gros qu’on leur a donné le nom d’épine, ils ont quelquefois plusieurs branches. Ces poils & ces épines se brisent lorsqu’on tient l’insecte, & leurs débris entrent dans la peau & y causent de la demangeaison ; c’est ce qui a fait croire que les chenilles étoient venimeuses : celles qui sont rases ne font pas le même effet à ceux qui les manient.

Plusieurs insectes ont des cornes dures qui sont mobiles ou immobiles, qui different des antennes, en ce qu’elles n’ont point d’articulations. Quelques uns portent sur la tête une corne recourbée ou droite ; tel est le scarabé du tan appellé rhinoceros, à cause de sa corne. D’autres insectes ont sur le devant de la tête deux cornes qui s’étendent en haut ou en dehors ; ces cornes sont courtes, un peu recourbées & unies, ou branchues comme celles du cerf-volant : quelquefois elles sont plus longues l’une que l’autre. Il y a des insectes qui ont trois cornes perpendiculaires sur la tête ou sur les épaules.

Tous les insectes ont les sens du tact & du goût ; mais il y en a qui sont privés de la vûe, d’autres n’ont point d’odorat ; aucun n’a des oreilles apparentes à l’extérieur ni même à l’intérieur ; cependant il paroît qu’ils ne sont pas tous privés du sens de l’oüie.

Plusieurs insectes ont des qualités fort extraordinaires ; il y en a qui jettent de la lumiere pendant la nuit, tels sont les vers-luisans & les portes-lanternes de la Chine & d’Amérique ; la lumiere de ceux-ci est si vive qu’ils peuvent servir de chandelle pour lire & pour faire différens ouvrages pendant la nuit.

Les insectes n’ont à proprement parler point de voix, mais il y en a plusieurs qui rendent des sons & qui font différens bruits, comme les cigales, les grillons, les abeilles, &c. Ces sons viennent du frottement de la nuque du cou contre le corcelet, du frottement des aîles l’une contre l’autre ou contre le dos, ou d’une conformation particuliere de quelque partie du corps ; c’est par ces sons que les grillons des champs appellent leurs femelles.

Il y a des insectes qui répandent une odeur très-desagréable ; telles sont les cantharides, les panaises, &c. au contraire il y a des scarabés qui sentent le musc, la violette, la rose.

Une grande quantité d’insectes offrent aux yeux les couleurs les plus vives & les plus belles, principalement les papillons & même les chenilles, les scarabés, les buprestes, &c.

La plûpart des insectes n’ont pas toûjours la même forme ; la plûpart en changent au point de n’être pas reconnoissables ; ce changement est ce qu’on appelle transformation ou métamorphose des insectes. Swammerdam (Biblia naturæ) en distingue de quatre sortes.

Dans la premiere sorte de métamorphose, les insectes ne subissent d’autre transformation que celle qu’ils éprouvent, en sortant de l’œuf, ils croissent ; la plûpart changent de peau, quelques-unes de leurs parties grandissent quelquefois un peu plus que d’autres, & prennent une couleur différente de celle qu’elles avoient auparavant ; telles sont les araignées & les diverses especes de poux des hommes & des animaux, les vers de terre, les sangsues, les mille-piés, &c.

Dans les trois autres sortes de métamorphose, lorsque les insectes ont mué la plûpart diverses fois,

& qu’ils sont parvenus à leur point d’accroissement, ils prennent la forme de sémi-nymphe, de nymphe, ou de chrysalide ; après être restés quelque tems sous l’une de ces formes, ils la quittent & deviennent des insectes parfaits & propres à la génération.

La seconde sorte de métamorphose est une transformation incomplette ; car les insectes, tels que les demoiselles aquatiques, les sauterelles, les grillons, les punaises volantes, &c. n’acquierent par ce changement que des aîles qui leur manquoient auparavant ; lorsque ces aîles se forment, on donne à l’insecte le nom de sémi-nymphe ; dans cet état on voit sur le dos au-delà du corcelet, des étuis qui renferment les aîles naissantes ; auparavant elles ne paroissent que très-peu ou point du tout. Les insectes dans l’état de sémi-nymphe, mangent, marchent, courent, sautent ou nagent comme à l’ordinaire. La forme de la plûpart de ces insectes ne differe guere après l’état de sémi-nymphe de celle qu’ils avoient auparavant, que par les aîles qu’ils ont de plus ; cependant il s’en trouve qui sont très-différens de ce qu’ils étoient dans leur premier état.

Dans la troisieme & quatrieme sorte de métamorphose, les insectes perdent l’usage de tous leurs membres ; ils ne peuvent ni manger ni agir, & ne ressemblent en rien à ce qu’ils étoient auparavant ; tel de ces insectes qui auparavant n’avoit point de jambes, ou en avoit jusqu’à cinq ou six, sept, huit, neuf, dix & onze paires, n’en a alors jamais ni plus ni moins que trois paires, qui avec ses aîles & ses antennes sont ramenées sur son estomac, & s’y tiennent immobiles.

Dans la troisieme sorte de métamorphose, les insectes, tels que les abeilles, sont revêtus d’une fine membrane ; on leur donne lorsqu’ils sont dans cet état, le nom de nymphe. Dans la quatrieme sorte de métamorphose, les insectes, tels que les papillons, les phalenes, sont renfermés dans une enveloppe dure & crustacée, qui réunit toutes les parties de l’animal en une seule masse ; dans cet état on les nomme chrysalides.

« Les insectes qui se changent en chrysalides, subissent une transformation de plus que les autres insectes ; avant de devenir nymphes ils prennent sous cette peau la forme d’une ellipsoide, ou d’une boule allongée, dans laquelle on ne reconnoît aucune partie de l’animal ; dans cet état la tête, le corcelet, les aîles & les jambes de la nymphe sont renfermées dans la cavité intérieure du ventre, dont elles sortent successivement par le bout antérieur, à peu-près de la même maniere qu’on feroit sortir l’extrémité d’un doigt de gant qui seroit rentré dans sa propre cavité. Les insectes de cette classe ne se distinguent pas des autres seulement en ce qu’ils se changent en nymphes sous leur peau, mais sur-tout en ce que pour devenir nymphes, ils subissent une double transformation. Suivant cette idée on pourroit réduire les différences des quatre ordres de transformation à des termes plus aisés & plus simples, disant que les insectes du premier ordre, après être sortis de l’œuf, parviennent à leur état de perfection, sans s’y disposer par aucun changement de forme ; que ceux de la seconde classe s’y disposent par un changement de forme incomplet ; ceux de la troisieme par un changement de forme complet, & ceux de la quatrieme par un double changement de forme ».

Indépendamment de ces métamorphoses, les insectes changent de peau ; les uns tels que les araignées une seule fois, & les autres plusieurs fois, par exemple les grillons des champs & les chemlles du chou en changent quatre fois ; d’autres enfin se dépouillent jusqu’à six fois, & même plus. Les uns fendent leur peau près de la tête pour la quitter, & les au-