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Ce tribunal inique, inventé pour extirper l’hérésie, est précisément ce qui éloigne le plus tous les protestans de l’Eglise romaine ; il est pour eux un objet d’horreur. Ils aimeroient mieux mourir mille fois que de s’y soumettre, & les chemises ensoufrées du saint office sont l’étendard contre lequel on les verra toujours réunis. De-là vient que leurs habiles écrivains proposent cette question : « Si les puissances protestantes ne pourroient pas se liguer avec justice pour détruire à jamais une jurisdiction cruelle sous laquelle gémit le Christianisme depuis si long-tems ».

Sans prétendre résoudre ce problème, il est permis d’avancer, avec l’auteur de l’esprit des lois, que si quelqu’un dans la postérité ose dire qu’au dix-huitieme siecle tous les peuples de l’Europe étoient policés, on citera l’inquisition pour prouver qu’ils étoient en grande partie des barbares ; & l’idée que l’on en prendra sera telle qu’elle flétrira ce siecle, & portera la haine sur les nations qui adoptoient encore cet établissement odieux. (D. J.)

INQUOFFO, s. m. (Hist. nat. Botan.) plante d’Afrique, commune dans les royaumes de Congo & d’Angola. Elle ressemble à la vigne-vierge, & produit une grande quantité de petites grappes chargées de grains, de la grosseur des grains de coriandre, mais qui ont le goût des grains de poivre. Les habitans s’en servent dans la cuisine, & leur trouvent même plus de force qu’au poivre ordinaire.

* INRAMO, s. f. (Commerce.) sorte de coton en masse & non-filé, qui se tire du Levant & de l’Egypte par la voie du Caire.

INSAG, s. m. (Ornit. exot.) nom vulgaire que les habitans des îles Philippines donnent à une espece de perroquets communs dans leurs bois. Ces sortes de perroquets ont tout le corps d’un beau verd lustré, & la tête d’un rouge vif, éclatant. (D. J.)

INSALITA, (Hist. nat.) Quelques naturalistes entendent par ce mot les corps étrangers au regne minéral, qui étant renfermés sous terre, y ont été pénétrés de quelques sels minéraux, tels sont plusieurs bois fossiles chargés de vitriol ou d’alun. On prétend qu’on a trouvé dans les mines de sel qui sont près de Cracovie en Pologne, une poule avec ses œufs pénétrée & comme pétrifiée par le sel. (—)

INSANDA, (Hist. nat. Bot.) arbre d’Afrique, qui se trouve abondamment au royaume de Congo. On nous dit qu’il ressemble beaucoup au laurier d’Europe. Les Négres mettent son écorce en macération, & en font une étoffe assez fine, dont les plus opulens se vêtissent.

* INSATIABLE, adj. (Gramm.) qui ne peut être assouvi. Il se dit au physique & au moral. Il y a des maladies où l’on est tourmenté d’une faim insatiable. Les passions sont insatiables.

INSCRIPTION, s. f. (Littérat. Antiq. Médailles.) caracteres gravés sur le marbre ou le bronze, pour perpétuer à la postérité la mémoire de quelque événement.

La maniere la plus ordinaire chez les anciens peuples du monde, pour conserver le souvenir des faits qu’ils regardoient comme mémorables, étoit l’usage des monumens matériels. On se contenta, dans les siecles grossiers, pour y parvenir, de dresser en colonnades des monceaux de pierres. Quand Jacob & Laban se reconcilierent, dit la Genese, chap. xxxj. vers. 45. le premier prit une pierre qu’il érigea en forme de colonne, pour servir de témoignage de cette réconciliation ; les freres de Laban prirent à leur tour des pierres, & en firent un monceau. Jacob & Laban donnerent chacun en leur langue, à cet amas de pierres, le nom de monceau du témoignage, parce que ce monceau de pierres

devoit rester pour témoignage solemnel du traité d’amitié qu’ils contractoient ensemble.

Xénophon rapporte, dans l’histoire de la fameuse retraite des dix mille, que les soldats ayant vû le Pont-Euxin, après avoir essuyé beaucoup de fatigues & de dangers, éleverent une grande pile de pierres, pour marquer leur joie, & laisser des vestiges de leurs voyages.

Cependant ces pierres n’avoient rien qui montrât qu’elles signifioient quelque chose, que leur position & leur situation. Elles remettoient bien devant les yeux quelque événement, mais on avoit besoin de la mémoire pour se rappeller cet événement.

Dans la suite, on fit sensément parler ces pierres mêmes, premierement en leur donnant des figures qui representoient des dieux, des hommes, des batailles, & en faisant des bas reliefs, où ces choses étoient dépeintes ; secondement, en gravant dessus des caracteres ou des lettres qui contenoient des inscriptions de noms.

Cette coutume de graver sur les pierres se pratiqua de toute ancienneté chez les Phéniciens & les Egyptiens, d’où les Grecs en emprunterent l’usage pour perpétuer la mémoire des événemens de leur nation. Ainsi dans la citadelle d’Athènes, il y avoit, au rapport de Thucydide, liv. VI. des colonnes où étoit marquée l’injustice des tyrans qui avoient usurpé l’autorité souveraine. Hérodote, liv. VII. nous apprend que, par le decret des Amphictions, on érigea un amas de pierres avec une épitaphe en l’honneur de ceux qui furent tués aux Thermopyles.

On fit plus avec le tems ; on écrivit sur des colonnes & des tables les lois religieuses & les ordonnances civiles. Chez les Juifs, le Décalogue & le Deutéronomne furent inscrits sur des pierres enduites de chaux. Théopompe prétend que les Corybantes inventerent l’art de dresser des colonnes pour y écrire les lois. Sans examiner s’il a tort ou raison, cette coutume prit faveur chez tous les peuples de la Grece, excepté les Lacédémoniens, chez lesquels Lycurgue n’avoit pas voulu permettre que l’on écrivît ses loix, afin que l’on fût contraint de les savoir par cœur.

Enfin, l’on grava sur le marbre, le bronze, le cuivre & le bois l’histoire du pays, le culte des dieux, les principes des sciences, les traités de paix, les guerres, les alliances, les époques, les conquêtes, en un mot tous les faits mémorables ou instructifs. Porphyre nous parle des inscriptions que les Crétois possédoient, & dans lesquelles se lisoit la cérémonie des sacrifices des Corybantes. Evhémerus, au rapport de Lactance, avoit tiré son histoire de Jupiter & des autres dieux, des inscriptions qui se trouvoient dans les temples, & principalement dans celui de Jupiter Triphylien. Pline raconte que les astronomes de Babylone écrivoient leurs observations sur des briques, & se servoient de matieres dures & solides pour conserver les opérations des arts. Aremnestus, fils de Pythagore, selon le témoignage de Porphyre, dédia au temple de Junon, une lame d’airain, sur laquelle il avoit gravé les principes des sciences qu’il avoit cultivés. Ce monument, dit Malchus, avoit deux coudées de diametre, & contenoit sept sciences écrites. Pythagore, selon l’opinion de plusieurs savans, apprit la Philosohie des inscriptions gravées en Egypte sur des colonnes de marbre. Il est dit, dans le dialogue de Platon, intitulé Hipparque, que le fils de Pisistrate fit graver sur des colonnes de pierres des préceptes utiles aux laboureurs.

Numa, second roi de Rome, écrivit les cérémonies de sa religion sur des tables de chêne. Quand Tarquin révoqua les lois de Tullius, il fit ôter du forum