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cteurs, quelles sont les sources où nous avons puisé. Nous regrettons que la réfutation de la lettre de Wagstaffe au docteur Freind par le docteur Arbuthnott, sous le nom de Maitland (Londres 1723) ; l’analyse de l’inoculation, par le docteur Kirk-Patrick, (Londres 1754) ; le traité hollandois sur les avantages de cette méthode, par une société de medecins & de chirurgiens de Rotterdam, n’ayent pas été traduits en françois. Les meilleurs ouvrages sur l’inoculation en notre langue, & dont nous conseillons la lecture à ceux qui desirent s’instruire plus amplement sur cette matiere, sont la lettre de M. de la Coste à M. Dodart, (Paris 1723) ; le recueil de pieces concernant l’inoculation, (Paris 1756), par M. de Montucla, auteur de l’histoire des Mathématiques ; on y trouvera la traduction des écrits latins de Timoni & Pilarini ; celle des relations angloises, des succès de la petite vérole artificielle, par Messieurs Jurin & Scheuchzer, depuis 1721 jusqu’en 1729, & une notice de la plûpart des écrits pour & contre, &c. Un autre recueil imprimé à la Haie en 1756 ; le traité de l’inoculation de M. Butini, Paris 1752 ; le mémoire de M. Guyot, tome II. des Mem. de l’académie de Chirurgie ; l’essai apologétique de M. Chais, la Haie 1754 ; l’inoculation justifiée de M. Tissot, Lausane 1754 ; la lettre du même à M. de Haen, ibid. 1759 : enfin, les deux mémoires & les lettres imprimées de M. de la Condamine, dont nous avons fait le plus d’usage dans cet article.

Quant aux écrits contre l’inoculation, nous les avons indiqués dans l’histoire que nous avons donnée de la méthode ; mais quand on a lû la lettre de Wagstaffe, doyen des anti-inoculistes, au docteur Freind, qui a été imprimée plusieurs fois en françois, on ne trouve plus rien de nouveau dans les ouvrages des autres, qui n’ont fait que répéter ses objections, & dissimuler les réponses qu’on y a faites.

Inoculation, terme que l’usage a consacré à l’opération par laquelle on communique au corps sain la petite vérole par application, ou par insertion.

Les plus anciens monumens de cette opération bien constatés, se trouvent chez un peuple dénué des Arts, & en particulier de celui de la Medecine. Il est vraissemblable que les ravages de la petite vérole inspirerent aux Arméniens la crainte qui accompagne & qui suit par tout ses funestes effets. Il se joignit un second intérêt à celui de la vie qui ne vaut que quelques sols par jour pour un million d’Européens. Les Arméniens font un commerce honteux à l’humanité, des femmes de Georgie & de Circassie, qui sont les plus belles de l’Orient ; on sait qu’ils les achettent & les revendent à raison de leur beauté. La perte que la petite vérole leur causoit, combinée avec une observation très-simple, que les effets funestes de cette maladie sur la vie & sur la beauté, augmentoient avec l’âge, fixa leur attention sur une expérience que quelque heureux hasard vraissemblablement leur fit faire. L’esprit de calcul, toûjours ingénieux, y trouva son compte, & consacra une méthode qui sans danger pour les enfans assûroit la valeur, en conservant la vie & la beauté des adultes. Cette méthode très simple & très informe dans son origine, se répandit insensiblement à Constantinople & à Smyrne. Les Arméniens l’enseignerent aux Grecs qui y sont établis, & qui, selon les apparences, n’en ont jamais connu ni l’inventeur ni la date. Un italien nommé Pilarini, qui étoit à Constantinople au commencement de ce siecle, fut le premier medecin qui fit l’heureux essai de cette méthode sur quatre enfans d’un grec de ses amis ; il en informa la société royale de Londres ; & sa lettre qui est pleine de bon sens

& de franchise, fut imprimée dans les Transactions philosophiques, en 1716. Il assuroit dès lors que le succès de cette méthode n’étoit plus contesté chez les Grecs ; il n’y est point question des Turcs qui ne peuvent pas inoculer.

Timoni, autre medecin italien demeurant à Constantinople, avoit adressé deux ans auparavant à la même société royale, une relation à-peu-près semblable, moins sage cependant que la précédente. Le peu d’attention qu’il y donne à la préparation, induisit à erreur bien des gens qui n’imaginent pas que ceux qui vivent pour manger, doivent être tout autrement traités que ceux qui ne mangent que pour vivre. Ce dernier cas étoit celui des Circassiens ; l’autre malheureusement n’étoit que trop celui des Anglois & de quantité d’Européens, pour qui les précautions de la préparation sont d’autant plus nécessaires que leurs mœurs sont plus altérées.

Ce fut à la sollicitation du chevalier Hans Sloane, & du fameux Sherard, consul d’Angleterre en Turquie, que Pilarini fit sa relation. Ce n’étoit jusqu’ici pour les Anglois qu’un objet de curiosité ; mais Miladi Wortley-Montaigu, ambassadrice à la Porte, y ayant fait inoculer en 1717, son propre fils âgé de six ans, fixa sur elle les regards de sa nation, & préparant dès lors les esprits, de retour à Londres en 1721, elle les gagna tout-à-fait, en faisant inoculer sa fille. Le mois d’Avril de cette année fut donc l’époque de l’inoculation en Angleterre.

L’état dangereux de la princesse royale qui fut alors très-mal de la petite vérole naturelle, donna de l’inquiétude à la princesse de Galles pour ses autres enfans ; elle fit demander au roi par le chevalier Hans-Sloane, la permission de les faire inoculer. Le roi y consentit, & permit à Charles Maitland, chirurgien de Milady Montaigu, d’en faire l’expérience sur six malfaiteurs condamnés à mort. Cette opération se fit le 9 Août 1721, sur trois hommes & trois femmes d’âge & de tempérament différent.

Marie North avoit 36 ans.
Anne Tompion, 25
Jean Cauthery, 25
Jean Alcock, 20
Elisabeth Harrisson, 19
Richard Evans, 19

Quatre jours après, Maitland inquiet de l’effet de l’opération, la répéta de nouveau sur les mêmes criminels ; Richard Evans fut le seul qui ne fut pas inoculé deux fois ; ses plaies étoient seches & fermées le sixieme jour ; il avoit eu dans la prison la petite vérole naturelle au mois de Septembre de l’année précédente. Les cinq autres l’eurent très-heureusement, & sortirent bien portans de prison le sixieme Septembre. Elisabeth Harrisson fut la plus malade avant l’éruption ; on avoit fait sur elle une double expérience, outre l’opération ordinaire ; on porta dans son nez du pus variolique avec un pinceau. Cet essai n’ayant pas paru suffisant, on en fit encore un second sur cinq enfans de la paroisse de S. James ; l’évenement fut également heureux.

Deux des princesses furent alors hardiment inoculées ; & de 182 personnes qui le furent dans le courant de cette année, il n’en mourut que deux. De 897 qui le furent jusqu’en 1728, il en mourut 17, tandis qu’il parut par les bills mortuaires que dans ce même espace de tems, la petite vérole naturelle avoit emporté un douzieme du total des morts.

Ces premiers essais ne furent guere moins heureux dans la nouvelle Angleterre : il n’en mourut que six de 282, qui furent inoculés depuis le commencement jusqu’à la fin de 1722. En rapprochant ces deux nombres, on voit que de 1179 personnes inoculées en Europe & en Amérique, il n’en étoit