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d’injections, ayant toujours soin de les remuer continuellement, de crainte que la poudre qui leur donne la couleur ne se précipite au fond & ne se brûle. L’esprit de térébenthine n’a pas besoin d’être chauffé plus qu’il ne convient pour qu’on y tienne le doigt ; l’injection ordinaire doit presque bouillir. On aura avant tout cela enveloppé la seringue avec plusieurs bandes de linge qu’on mettra principalement aux endroits où l’opérateur doit la tenir, & qu’on affermira avec un fil ; il faut bien échauffer la seringue, en pompant à plusieurs reprises de l’eau bien chaude ; il faut aussi chauffer le tuyau attaché au vaisseau, en appliquant dessus une éponge trempée dans de l’eau bouillante. Tout étant prêt, & la seringue bien vuidée d’eau, l’opérateur la remplit de l’injection la plus fine ; & introduisant le tuyau monté sur la seringue dans celui qui est lié avec le vaisseau, il les presse l’un contre l’autre, tient avec une main ce dernier tuyau, prend la seringue de l’autre, & portant le piston contre la poitrine, il le pousse en s’avançant dessus ; ou bien il donne à un assistant le soin de tenir fermement le tuyau attaché au vaisseau ; & prenant la seringue d’une main, il pousse le piston de l’autre, & introduit ainsi l’injection, ce qui doit se faire lentement & sans beaucoup de force, d’une maniere cependant proportionnée à la longueur, à la masse de la partie que l’on injecte & à la force des vaisseaux. La quantité qu’il faut de cette injection fine s’apprend par l’usage ; la seule regle que l’on puisse suivre en cela est de continuer à pousser l’injection fine jusqu’à ce qu’on sente quelque résistance, qui demanderoit une force considérable pour être surmontée. Mais il n’en est pas de même lorsqu’on veut injecter toutes les branches d’un vaisseau ; comme, par exemple, si l’on veut injecter les vaisseaux de la poitrine seulement ; car l’aorte est trop grande, eu égard aux branches qui en partent, & il faut moins d’injection fine. Aussi-tôt qu’on a senti cette résistance, il faut tirer l’épiploon de la seringue, afin de desemplir les gros vaisseaux ; on ôte alors la seringue, on la vuide de ce qu’elle contient d’injection fine, & on la remplit de l’injection ordinaire qu’il faut pousser promptement & avec force, ayant toujours égard à la grandeur & à la solidité des vaisseaux & à la grosseur de la partie, &c. on continue à pousser le piston jusqu’à ce qu’on sente une entiere résistance, ou que la liqueur reflue, on doit s’arrêter alors, & ne plus pousser de l’injection ; autrement on ouvriroit quelques vaisseaux, & toute la préparation ou au moins une grande partie seroit perdue par l’extravasation. Il faut boucher le tuyau avant que de retirer la seringue pour la nettoyer, & donner à la matiere injectée en dernier lieu le tems de se refroidir, & de se coaguler avant que de disséquer aucune partie. C’est par ce moyen, & en observant les précautions qui viennent d’être indiquées, qu’on parvient à injecter les vaisseaux les plus déliés du corps, comme ceux de la substance corticale du cerveau, de la tunique choroïde & vasculeuse de l’œil, du périoste, des os de l’oreille, enfin des vaisseaux des dents, de la peau des os & des visceres. J’ai crû faire plaisir à mes lecteurs en donnant ce détail sur un art aussi curieux que l’est celui des injections, & je l’ai fait avec d’autant plus de confiance que j’ai trouvé un guide sûr en M. Alexandre Monro, professeur d’Anatomie en l’université d’Edimbourg & de la société royale de Londres. En effet, je n’ai eu besoin que de transmettre & rédiger en forme d’article la dissertation que cet habile professeur a insérée dans les essais & observations de Medecine de la société d’Edimbourg, & qui se trouve dans la traduction francoise de cet ouvrage, tom. l. art. jx. pag. 113. & suiv.

INJECTION, s. f. en Anatomie. Voyez Injecter.

Injection en Chirurgie est un médicament liquide qu’on pousse au moyen d’une seringue dans quelque cavité du corps, soit naturelle, ou faite par maladie. Plusieurs auteurs modernes se sont déclarés contre les injections. Ils leur trouvent plusieurs inconvéniens, comme de dilater les cavités, de presser leurs parois, de débiliter les solides, d’enlever le suc nourricier préparé par la nature pour la consolidation des plaies, d’introduire dans les cavités des plaies & des ulceres une certaine quantité d’air qui leur est nuisible ; enfin on leur reproche d’avoir trop peu de durée dans leur action. L’usage méthodique des injections annulle tous ces inconvéniens. Il est certain que par leur moyen on est parvenu à déterger des ulceres caverneux & fistuleux, & qu’elles ont évité aux malades des incisions, des contre-ouvertures qui sont des moyens plus douloureux. Les injections ont souvent entraîné des matieres étrangeres adhérentes aux parois des cavités où leur croupissement auroit eu des suites funestes, & qu’elles ont préparé à l’application salutaire d’un bandage expulsif qui auroit été sans effet, sans l’usage primitif des injections. Argumenter contre les injections de ce qu’elles ne font pas ce à quoi elles ne doivent point être employées, ou les mettre en parallele avec d’autres moyens, qui ne les admettent que préparatoirement ou concurremment, pour les condamner par un jugement absolu, c’est moins décrier les injections que les raisons par lesquelles on voudroit les proscrire. Elles transmettent des médicamens dans des lieux où il seroit impossible d’en introduire sous une autre forme. Tous les auteurs sont remplis d’observations sur leurs bons effets. M. de la Peyronie s’en est servi avec le plus grand succès dans le cerveau. Voyez dans le premier volume des mémoires de l’académie royale de Chirurgie un mémoire de M. Quesnay sur les plaies de ce viscere. Dans les épanchemens purulens de la poitrine, l’ouverture est nécessaire pour donner issue aux matieres épanchées. L’on donne encore pour regle, de mettre dans les pansemens les malades en une situation qui favorise l’écoulement du pus, de lui faire faire de fortes inspirations, de mettre une canule qui empêche le séjour des matieres. Malgré toutes ces précautions, on ne sera pas dispensé d’avoir recours aux injections, si le pus est visqueux, si la substance du poumon en est abreuvée. M. Quesnay nous apprend dans son traité de la suppuration purulente que M. de la Peyronie étant réduit au seul secours des injections dans la cure d’un abscès à la poitrine, qui avoit formé une cavité fort considérable, où les matieres qui s’y accumuloient se multiplioient prodigieusement, fut obligé de réitérer les injections jusqu’à cinq fois & davantage en vingt-quatre heures. Par cette méthode, suivie avec application, il vint à bout d’arrêter la propagation des matieres, de les tarir entierement, & de terminer heureusement cette cure. Ce que M. de la Peyronie a fait si utilement dans les abscès du cerveau & du poumon, pourroit-il être exclus raisonnablement du traitement des abscès au foie ? On dira envain qu’il faut avoir grande attention à ne pas caverner ce viscere, dont le tissu lâche & tendre peut aisément se laisser pénétrer & abreuver. Le cerveau & le poumon sont-ils d’une texture moins délicate, & destinés à des fonctions moins importantes ? Il n’y a pas de réponse à cette observation.

Dans le cas d’épanchement sanguin dans la cavité du bas-ventre ou de la poitrine, qui exige qu’on fasse une ouverture, elle ne rempliroit pas la fin qu’on se propose, à moins qu’on ne parvienne à dégrumeler le sang épanché qu’on peut trouver adhérent aux parties qui forment les parois du vuide