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sissement, ou la trop grande quantité de sang par les signes propres à ces différens états. Voyez Raréfaction, Epaississement, Pléthore. Si l’inflammation survient à la fin d’une fievre putride, maligne, pestilentielle, &c. & sur-tout si elle est accompagnée d’une diminution dans les symptômes, elle est censée critique. Ces inflammations ordinairement phlegmoneuses, ont leur siége dans les glandes parotides ou inguinales, d’où leur est venu le nom de parotides ou bubons ; ce n’est pas qu’il n’en survienne dans d’autres parties, j’en ai vû plusieurs fois. Quant aux érésipeles, on juge qu’ils doivent être attribués à un sang bilieux, ou à quelque dérangement dans le foie, lorsqu’ils viennent sur-tout au visage sous cause évidente, qu’ils sont périodiques & très-opiniâtres.

Le prognostic. Les jugemens qu’on peut porter sur les suites de l’inflammation sont extrèmement différens ; le siége, la grandeur, les causes, l’espece d’inflammation, la vivacité des symptômes, des accidens, les terminaisons, & mille circonstances, en font varier le prognostic à l’infini ; c’est ce qui fait que les généralités dans ces cas-ci sont souvent si fautives, & presque toujours inutiles ; ce qui me donne occasion de faire observer 1°. que ceux qui ont voulu donner un prognostic générique pour toute inflammation, & qui ont dit que c’étoit une maladie aiguë, par conséquent toujours dangereuse, & qui ont fait sonner bien haut qu’elle attaquoit le principe vital, &c. n’ont donné que des mots vuides de sens & pleins de faussetés ; car il est très-certain qu’il y a des inflammations sans danger tout comme il y en a avec danger ; & bien plus il y en a qui loin d’apporter aucune incommodité, sont souvent très-salutaires.

2°. Quand je dirai que telle ou telle inflammation est plus ou moins dangereuse que telle ou telle autre, je prie qu’on ne prenne pas cela à la lettre, de façon qu’on regarde la proposition comme rigoureusement vraie, & à l’abri de toute exception ; je ne parle que de ce qui arrive ordinairement, & je regarderois même comme un grand point de rencontrer juste le plus souvent. Il faut pour réaliser une pareille assertion, un concours de circonstances, qu’il est bien rare, pour ne pas dire impossible, de rassembler : il faut placer deux inflammations, dont on compare le prognostic dans des cas absolument semblables ; si l’on veut par exemple, décider sur deux inflammations, dont l’une est à la tête & l’autre aux extrémités, supposer le même degré d’inflammation, la même cause, la même constitution de sang, le même tempérament, le même sujet, le même siége, le même engorgement, &c. & quand on aura réuni toutes ces circonstances, il faudra, pour ne pas courir le risque de se tromper, dire qu’ordinairement l’inflammation à la tête est plus dangereuse que celle qui est aux extrémités ; & cela arrivera effectivement le plus souvent. Il est assez reçû qu’une inflammation intérieure est pleine de danger, tandis que celle qui est externe, n’a pour l’ordinaire aucune suite fâcheuse ; cependant un panaris, un charbon, seront suivis d’une mort prompte, tandis qu’une pleurésie se terminera heureusement. Autre exemple, la résolution est communément regardée comme la terminaison la plus favorable ; cependant elle seroit nuisible dans toutes les inflammations critiques, dans celles qui dépendent d’un virus ; & enfin, je crois que dans toutes celles qui ont quelque cause intérieure, la suppuration est préférable. On voit par-là que ces signes généraux qui regardent le prognostic, & surtout le prognostic comparé, dont tous les traités de Medecine regorgent, & moyennant lesquels on prétend s’afficher praticien consommé, ne sont souvent que des corollaires théoriques, qui ne menent pas

à grand’chose. Le véritable prognostic ne peut bien se saisir qu’au lit du malade ; les circonstances & les accidens qu’on observe, &c. le décident. Je vais néanmoins, pour me conformer aux usages reçûs, & suivre l’ordre proposé, donner là-dessus quelques généralités peu rigoureuses, & dont je ne garantis pas l’utilité dans la pratique.

1°. Les inflammations qui attaquent quelque partie considérable interne, quelque viscere, sont plus dangereuses que celles qui ont leur siége extérieur ; parmi celles-ci, celles qui occupent la tête ou le col, comme les érésipeles qui l’entourent en forme de collier, que les Grecs appellent ζωστὴρ, sont plus à craindre que celles qui sont aux piés, aux mains, &c. Leur siége dans les parties tendineuses, aponévrotiques, glanduleuses, nerveuses, dans les membranes tendues, extrèmement sensibles, les rend plus fâcheuses que celles qui sont dans les cas opposés.

2°. Les inflammations formées & entretenues par quelque vice général du sang, sont plus difficiles à guérir, & plus dangereuses que celles qui ne supposent qu’un dérangement local dans la partie affectée ; & parmi les causes extérieures, il y en a qui agissent plus violemment, comme le feu, les caustiques actifs, fractures, &c. & qui augmentent par-là le péril de l’inflammation.

3°. La grandeur de l’inflammation contribue rarement à la rendre plus fâcheuse ; c’est sur-tout la vivacité de la douleur & la violence des accidens qui la suivent, qui peuvent rendre le danger plus ou moins pressant, comme la fievre, les veilles, convulsions, délire, &c.

4°. On croit communément que l’inflammation érésipélateuse est plus dangereuse que le phlegmon, parce, dit-on, que le sang est plus âcre, la douleur plus vive, la gangrene plus prochaine, &c.

5°. La constitution du sujet, le tempérament, l’âge, &c. peuvent aussi faire varier le prognostic ; chez les personnes cacochymes, les scorbutiques, hydropiques, &c. les inflammations se résolvent rarement ; elles dégénerent en suppuration de mauvais caractere, ou en gangrene, de même que dans les tempéramens phlegmatiques & les vieillards. Dans les jeunes gens d’un tempérament vif & sanguin, chez les personnes extrèmement sensibles, les accidens sont toujours plus graves ; la terminaison est bien-tôt décidée en bien ou en mal.

6°. De toutes les terminaisons, la résolution est ordinairement la plus heureuse, la seule qui soit vraîment & entierement curative ; les autres terminaisons sont des maladies où la mort succede à l’inflammation. Il est des cas particuliers où la suppuration est plus avantageuse ; & quoique la gangrene soit l’état de mort, la terminaison la plus fâcheuse, il est des cas au-moins à l’extérieur, où elle est plus à souhaiter qu’à craindre ; c’est lorsque les accidens qui surviennent à l’inflammation sont extrèmement violens, le corps est prêt à succomber aux efferts trop actifs & trop long-tems soutenus d’une fievre opiniâtre ; alors la mort d’une partie est nécessaire pour sauver la vie de tout le corps.

La partie du prognostic la plus certaine & la plus utile dans la pratique, est celle qui comprend les signes qui présagent la terminaison de l’inflammation. On doit s’attendre à la résolution lorsque les symptômes de l’inflammation sont modérés, que la douleur est légere, ou plutôt n’est qu’une simple demangeaison, lorsqu’on commence à voir une diminution graduée & insensible dans le volume & la dureté de la tumeur, & qu’on observe une humidité sur la partie enflammée. 2°. La suppuration s’annonce par l’augmentation des symptomes, par le caractere de la douleur, qu’on appelle pulsative, par la figure