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prise intérieurement à ceux aussi qui sont encore convalescens d’une maladie aiguë. La matiere de la semence est employée chez eux à l’accroissement & à la nutrition qui sont alors plus considérables ; & enfin, aux personnes épuisées & affoiblies par toutes sortes de débauches.

2°. Une des grandes causes d’érection est l’imagination remplie d’idées voluptueuses, frappée de quelque bel objet, bouillante de le posséder : le sang & les esprits semblent alors agités par cette idée ; ils se portent avec rapidité à la verge, en dilatent & distendent toutes les petites cellules, & la mettent en état de remplir les desirs déja formés. Lorsque cette cause vient à manquer, l’érection ne se fait que mollement, ou même point du tout : ainsi un mari sera impuissant vis-à-vis d’une femme laide, dégoutante, libertine, gâtée, qui au lieu d’amour excitera chez lui l’aversion, le mépris, ou la crainte. La pudeur peut être aussi un obstacle à l’érection ; elle est gravée si profondément dans le cœur, que les libertins les plus outrés ne pouvant la secouer, il leur est impossible d’ériger devant beaucoup de monde : c’est ce qui fait encore voir l’absurdité des congrès établis autrefois pour constater la virilité. L’étude trop forcée, des méditations profondes, un état permanent de mélancolie, dissipent les pensées amoureuses, semblent empêcher la génération de la semence, rendent impuissant. Manget rapporte une observation d’un jeune homme qui tomba dans cette maladie après avoir passé plusieurs nuits à l’étude. Biblioth. medic. pratiq. lib. IX. La crainte d’un maléfice, l’imagination frappée des menaces des noueurs d’éguillette, a eu très-souvent l’effet attendu & n’a que trop accrédité ce préjugé dans l’esprit du bas peuple, toûjours ignorant, & par conséquent crédule. Il y a une foule d’observations très-bien constatées de paysans, qui la premiere nuit de leurs noces, quoique très-bien conformés, n’ont jamais pû ériger malgré le voisinage, les caresses, les attouchemens d’une femme jolie, aimable, & aimée, parce qu’ils étoient, disoient-ils, enchantés, ensorcelés, parce qu’on leur avoit noué l’éguillette. Il est à remarquer que ceux qui veulent s’amuser ou se venger de ces gens-là par ce prétendu maléfice, ont toûjours soin de les en avertir, de les en menacer ; ils pratiquent même en leur présence quelques-uns des secrets qui passent pour avoir cette vertu : ce qui leur frappe l’imagination, de façon que lorsqu’ils veulent se joindre amoureusement à leurs femmes, ils n’osent presque pas ; ils sont tristes, abattus, languissans. Ayant des causes aussi évidentes de ce fait, il seroit ridicule de l’attribuer aux effets magiques, ou à la puissance du démon : le seul magique ou miraculeux tire son origine du secret des causes ; mais finissons, c’est une folie, dit un auteur ancien, de s’arrêter trop à réfuter & approfondir les folles opinions. 3°. Une condition nécessaire à l’érection, est le bon état & l’action des muscles qui vont de l’os ischium sur le dos de la verge sous le nom d’érecteurs ; ainsi la paralysie de ces muscles est une raison suffisante d’impuissance par défaut d’érection ; elle peut dépendre des causes générales de la paralysie, voyez Paralysie, ou être une suite d’un exercice trop violent, trop continué de cette partie, ou même du non-exercice ; ces muscles perdent par un trop long repos leurs forces, leur jeu, & leurs actions ; les tuyaux nerveux qui y portent les esprits animaux s’engorgent ou se flétrissent ; la même chose arrive aux conduits séminaires, aux testicules, à la verge. Vidus Vidius rapporte qu’on trouva dans un jeune ecclésiastique qui avoit toûjours gardé la continence propre à son état, les testicules flétris, les vaisseaux spermatiques desséchés, & le membre viril extrèmement diminué. L’équitation trop long-tems con-

tinuée produit aussi quelquefois cette maladie. Jacques Fontanus raconte qu’un jeune seigneur devint

impuissant par cette cause ; il y a beaucoup d’autres semblables observations. Les chûtes sur le dos, sur l’os sacrum, & autres parties voisines, peuvent être suivies de la paralysie des muscles érecteurs, comme il est arrivé à une personne dont Fabrice de Hilden nous a donné l’histoire, Cent. vj. observ. 59. qui quoique dans l’impossibilité d’ériger, avoit des desirs extremement lubriques, & sentoit cette douce irritation dans les parties génitales, qui prépare, dispose au plaisir, & en augmente la vivacité. Il arrive quelquefois même qu’on éjacule dans cet état-là ; Raymond-Jean Forns a une observation qui le prouve. Consult. medic. Tom. I.

2°. La seconde cause d’impuissance est le défaut d’intromission qui arrive ordinairement par quelque vice de conformation, lorsque la verge manque tout-à-fait, lorsqu’elle n’est pas droite, lorsqu’elle est d’une grosseur monstrueuse, ou d’une extrème petitesse ; quoiqu’elle entre alors dans le vagin, elle est incapable d’exciter une femme à l’éjaculation, & il est bien difficile que la matrice puisse recevoir comme il faut la semence qui en sort, quoiqu’elle s’abaisse ou s’allonge à un certain point pour la pomper & l’absorber entierement. D’ailleurs un homme si mal partagé manque de force, de chaleur, d’esprits, & de semence. L’intromission peut aussi être empêchée par la grosseur du ventre dans les hommes qui ont trop d’embonpoint, sur-tout s’ils ont affaire à une femme qui soit dans le même cas ; si ce vice est considérable, c’est inutilement qu’on cherche des situations plus avantageuses & commodes, il est ordinairement suivi d’impuissance.

3°. La troisieme cause enfin dépend de l’éjaculation : si elle ne se fait pas du tout, ou si elle se fait autrement qu’elle ne doit, l’éjaculation manque totalement, 1°. par l’absence des arteres spermatiques, ainsi que l’a observé Riolan, Anthropogr. lib. II. cap. xxiij. 2°. par le défaut des testicules qui peuvent manquer, être obstrués, desséchés, relâchés, &c. 3°. par le vice des canaux deférens, qu’on a quelquefois trouvés nuls, dérangés, flétris, desséchés, racornis, Plater. Prax. lib. I. cap. xvij. Scholizius rapporte que dans un jeune homme mort impuissant & épileptique, les tuyaux déférens étoient à peine sensibles, les vaisseaux préparans ou spermatiques manquoient d’un côté, & les testicules étoient retirés dans le ventre. Journal des curieux, ann. 1671. observ. 62. 4°. par la foiblesse, le relâchement des vésicules séminales, ou l’obstruction de leurs tuyaux excrétoires. Ces conduits qui donnent issue à la semence peuvent être bouchés par les cicatrices des ulceres qui se trouvent dans ces parties à la suite des gonorrhées, par des caruncules, par des calculs. Marcus Donatus dit avoir trouvé dans la prostate une pierre qui empêchoit l’élaboration de l’humeur prostatique, & l’excrétion de la vraie semence. Histor. mirab. lib. IV. cap. vj. Il y a une autre observation parfaitement semblable dans Frédéric Lossius, lib. I. observ. 33. Il peut aussi arriver que la constriction dans laquelle sont ces parties durant l’acte vénérien, soit si forte qu’elle ferme totalement l’ouverture des conduits excréteurs ; c’est ce qui fait que souvent le trop d’ardeur empêche l’éjaculation ; c’est le cas d’un jeune homme bien constitué, dont le docteur Cockburne rapporte l’histoire, Essai & observat. d’Edimbourg. Lorsqu’il vaquoit aux devoirs & plaisirs conjugaux avec sa femme, il se tourmentoit inutilement sans pouvoir éjaculer ; cependant en même tems il éprouvoit des pollutions nocturnes, ce qui donna lieu de penser au medecin que l’érection trop forte, la trop grande vivacité du jeune homme étoient la cause