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maîtres de cet art. On croit que Vitré étoit capable de les surpasser, s’il se fût avisé d’observer, comme on a fait depuis, la distinction de la consonne d’avec la voyelle dans les lettres i & j, u & v.

Quoi qu’il en soit la polyglotte de Guy Michel le Jay qu’il a imprimée, est un chef-d’œuvre de l’art, tant par la nouveauté & la beauté des caracteres, que par l’industrie & l’exactitude de la correction. Sa bible latine in folio & in-4°. va de pair avec tout ce qu’on connoît de mieux. En un mot il a égalé Robert Etienne pour la beauté de l’imprimerie ; mais il a terni sa gloire en faisant fondre les caracteres précieux des langues orientales, qui avoient servi à imprimer la bible de M. le Jay, pour n’avoir aucun rival après sa mort.

M. de Flavigny s’étant avisé de censurer dans une brochure, non l’action de Vitré, mais quelques endroits de la bible magnifique qu’il avoit mise au jour, & qu’il étoit bien permis de critiquer, celui-ci éprouva des chagrins incroyables, par une seule faute d’impression qui n’étoit point dans son manuscrit. Il avoit cité le passage de S. Matthieu, ejice primùm trabem de oculo tuo. Gabriel Sionita prenant un vif intérêt à la défense de la bible où il avoit travaillé, ayant lû la critique de M. Flavigny, l’accusa par sa réponse de mœurs corrompues, de sacrilege, & d’une impiété sans exemple, d’avoir osé corriger le texte sacré, en substituant un mot infame, à la place du terme honnête de l’evangéliste. Qui croiroit que tous ces sanglans reproches n’avoient d’autre fondement qu’une inadvertance d’imprimerie ? La premiere lettre du mot oculo s’étoit échapée fortuitement de la forme, après la revûe de la derniere épreuve, lorsque le compositeur toucha une ligne mal dressée, pour la remettre droite.

Wechels (les) Chrétien & André son fils imprimeurs de Paris & de Francfort, sont trés-estimés dans leur art, par les éditions qu’ils ont mises au jour. On dit qu’ils possédoient une bonne partie des caracteres de Henri Etienne. Mais ce qui a le plus contribué à rendre leurs éditions précieuses, c’est d’avoir eu pour correcteur de leur imprimerie Fréderic Sylburge, un des premiers grecs & des meilleurs critiques d’Allemagne. L’errata d’un in-folio qu’il avoit corrigé, ne contenoit pas quelquefois plus de deux fautes. Chrétien Wechels vivoit encore en 1552, & André qui se retira de Paris après le massacre de la saint Barthelemy, où il courut le plus grand danger, mourut à Francfort en 1582. Jean Wechels son fils lui succéda.

Westphale (Jean) « le premier de ma connoissance, dit Naudé, qui se soit mêlé de l’imprimerie dans les Pays-bas, fut un Jean de Westphale, lequel s’établit à Louvain l’an 1475, & commença son labeur par les morales d’Aristote. Cet imprimeur se nomma tantôt Johannes de Westphalia, tantôt Johannes Westphalia, Paderbonensis ».

Voilà depuis l’origine de l’Imprimerie les principaux maîtres qui se sont rendu célebres. Dans cette liste je n’ai point parlé des Anglois, parce que les noms de leurs habiles artistes en ce genre, ne sont guere connus hors de leurs pays. D’ailleurs, il me semble que c’est seulement au commencement du dernier siecle que cet art fut poussé en Angleterre au point de perfection où il s’est toujours soutenu depuis ; alors on vit des chefs-d’œuvres sortir de leurs imprimeries. Rien dans le monde n’est supérieur à l’édition greque de saint Jean Chrysostome, en huit volumes in-folio, de l’imprimerie de Norton, achevée en 1613 dans le college-royal d’Eaton (Etonæ) près de Windsor, par les soins du docte Henri Savile.

Mais la beauté des caracteres qu’emploient les Imprimeurs anglois, le choix de leur papier, la grandeur des marges ; le petit nombre d’exemplaires qu’ils

tirent, & l’exactitude de la correction qu’ils mettent dans les livres importans, ne sont pas les seuls avantages qui peuvent attirer à l’Imprimerie de la Grande-Bretagne, une attention toute particuliere. (D. J.)

Il y a trois corps & communautés d’Imprimeurs.

Les Imprimeurs de livres, les Imprimeurs en taille-douce, & les Imprimeurs Imagers, Tapissiers & Dominotiers. Voyez Dominotiers.

Avant l’invention des caracteres, le corps des Imprimeurs en lettres étoit composé d’Ecrivains, de Libraires, de Relieurs, d’Enlumineurs, & de Parcheminiers.

Ce corps étoit tout-à-fait dépendant de l’université & de son recteur.

Le parcheminier préparoit les peaux sur lesquelles on écrivoit.

L’écrivain qu’on appelloit stationnaire, copioit sur les peaux l’ouvrage que le libraire fournissoit.

Le relieur mettoit en volume les feuilles copiées.

L’enlumineur peignoit, relevoit d’or bruni ; en un mot décoroit le volume qui retournoit chez le libraire qui le vendoit.

Nos Imprimeurs en lettres ont succédé à l’état & aux privileges des stationnaires. Ils sont aggrégés à l’université, & soumis aux ordonnances & statuts du recteur ; mais le corps ne comprend plus que les Imprimeurs & les Libraires, que le réglement de 1686 affranchit en grande partie de l’autorité de l’Université.

Ce réglement fixe le nombre des Imprimeurs à trente-six.

Depuis ce réglement il est intervenu un grand nombre d’arrêts, d’édits & déclarations relatifs au corps & à la communauté des Imprimeurs-Libraires.

On a rassemblé toutes ces pieces dans un volume considérable, qui forme ce qu’on appelle le code de la Librairie.

Il est traité dans ce code de tout ce qui appartient aux privileges, au nombre, à la demeure, aux presses, aux caracteres, au papier, à la marge, à l’apprentissage, à la réception, aux visites, à la maitrise, aux connoissances, aux permissions, aux approbations, à la censure, aux syndics, aux adjoints, aux correcteurs, aux compositeurs, aux pressiers, &c. voyez l’article Librairie.

Avant 1694 les Imprimeurs en taille-douce n’étoient que de simples compagnons que les Graveurs & Imagers de Paris avoient chez eux.

Ce fut dans cette année qu’ils eurent des statuts, dont les principaux reglent le nombre des syndics, l’apprentissage, la bourse commune, le chef-d’œuvre, la reception, &c.

Il n’y a que deux syndics, dont l’un est le trésorier de la bourse commune. Le fond de la bourse consiste au tiers du salaire. Ce produit se distribue tous les quinze jours, frais & rentes constitués de la communauté déduits. Les veuves des maîtres jouissent de la maîtrise, & ont part à la bourse. Les apprentifs ne peuvent être obligés pour moins de quatre ans, & chaque maître n’en peut avoir qu’un à la fois. Avant que l’apprentif soit admis au chef-d’œuvre, il doit avoir servi compagnon deux années depuis son apprentissage. Il n’y a que les fils de maîtres qui soient dispensés du chef-d’œuvre. Les maîtres ne peuvent demeurer ailleurs que dans le quartier de l’université, & n’y peuvent avoir ou tenir plus d’une imprimerie. Il est défendu expressément à toutes personnes quelles qu’elles soient d’avoir des presses, soit en lettres, soit en taille-douce.

Imprimeur-Libraire ordinaire du Roi (Hist. litt.) Ce sont les titres de ceux qui ont été créés sous Louis XIII. le 22 Février 1620, pour imprimer les édits, ordonnances, réglemens, déclarations, &c. & de ceux qui leur ont succédé.