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jaloux de la correction des livres qu’il publioit. Il eut des enfans qui se distinguerent dans la république des lettres, & il leur fit promettre en mourant de donner au public les œuvres de saint Jérome, ce qu’ils exécuterent avec fidélité.

Badius (Josse), en latin Jodocus Badius, Ascensius, parce qu’il étoit d’Assche, bourg du territoire de Bruxelles, où il naquit en 1462. Il se rendit célebre par son savoir & par ses éditions : ayant été reçu professeur en grec à Paris, il y établit une belle imprimerie, sous le nom de prælum ascensianum, de laquelle sortirent entr’autres ouvrages, nos meilleurs auteurs classiques, imprimés en caracteres ronds, peu connus avant lui dans ce royaume, & qu’il substitua au gothique, dont on se servoit auparavant. Cependant ses caracteres n’ont pas l’agrément de ceux des Etiennes, mais ses éditions sont correctes. Il mettoit d’ordinaire ce vers latin à la premiere page de ses livres.

Ære meret Badius, laude auctorem, arte legentem.

Il mourut à Paris en 1535. Deux de ses filles épouserent de fameux imprimeurs, l’une Michel Vascosan, l’autre Robert Etienne. Cette derniere savoit très-bien le latin. Son fils Conrard Badius prit le parti de se retirer à Genève, où il fut à son tour imprimeur & auteur. Les fils, filles & gendre de Josse Badius, firent tous à l’envi prospérer avec zele l’art admirable de l’Imprimerie.

Blœuv (Guillaume), dit Jansonius Cæsius, né en Hollande dans le xvij. siecle avoit été ami particulier & disciple de Tycho-Brahé. Ses ouvrages géographiques & ses magnifiques impressions rendent sa mémoire honorable.

Bomberg (Daniel), natif d’Anvers dans le xv. siecle, alla s’établir à Venise, où après avoir appris l’hébreu, il s’acquit une gloire durable par ses éditions hébraïques de la bible, en toutes sortes de formats, & par les commentaires des Rabbins qu’il mit au jour. Il commença ce travail en 1511, & le continua jusqu’à sa mort arrivée vers l’an 1550. On fait grand cas de sa bible hébraïque publiée l’an 1525, en quatre volumes in-fol. Il a donné le Thalmud en xj. volumes in-folio : il imprima trois fois cet ouvrage, & chaque édition lui coûta cent mille écus. On dit qu’il dépensa quatre millions d’or en impressions hébraïques, & qu’il mourut fort pauvre. Alors l’imprimerie étoit glorieuse, aujourd’hui ce n’est qu’un art lucratif.

Camusat (Jean) se distingua dans le xvij. siecle à Paris, en recherchant par préférence à n’imprimer que de bons livres en eux-mêmes, sans en envisager le profit, de sorte qu’on regardoit comme une preuve de bonté pour l’ouvrage, lorsqu’il sortoit de son imprimerie.

Colines (Simon de), en latin Colinœus, né au village de Gentilly près de Paris, dans le xvj. siecle ; il épousa la veuve de Henri Etienne l’aîné, employa d’abord les caracteres d’Etienne, mais dans la suite il en fondit lui-même de beaucoup plus beaux. Il introduisit en France l’usage du caractere italique, avec lequel il imprima des ouvrages entiers ; & son italique est préférable à celui d’Alde Manuce, qui en fut l’inventeur. Les éditions des livres grecs donnés par Colines, sont d’une beauté & d’une correction admirable. Il y a de lui une édition du testament grec, où le fameux passage de l’épitre de Saint Jean des trois témoins manque. J’ai une fois acheté par curiosité un petit testament latin dédié au pape, approuvé & imprimé à Louvain, où ce passage ne se trouvoit pas mieux. Colines mourut, à ce qu’on croit, vers l’an 1647 ; mais on ignore l’année de sa naissance.

Commelin (Jérome) né à Douay, s’établit & mou-

rut à Heidelberg en 1597. Non-seulement ses éditions sont recherchées des curieux, mais il étoit lui-même

très-savant dans la langue greque ; nous en avons pour preuve des notes de sa façon sur Héliodore, Apollodore, & quelques autres auteurs.

Coster (Laurent), natif de Harlem, est celui à qui ses compatriotes attribuent l’invention de l’imprimerie. Ils disent qu’avant l’an 1440 il forma les premiers caracteres de bois de hêtre, qu’ensuite il en fit d’autres de plomb & d’étain, & qu’enfin il trouva l’encre dont l’Imprimerie se sert encore. En conséquence de cette opinion on grava sur la porte de la maison de cet homme ingénieux, l’inscription suivante : Memoriæ sacrum, typographia, ars artium omnium conservatrix, nunc primùm inventa, circà annum 1440. On conserve encore soigneusement dans la ville de Harlem le premier livre fait par cet artiste, & qui porte pour titre, speculum humanæ salvationis ; mais le lecteur peut voir ce qu’on a lieu de penser de la découverte de Coster, au mot Imprimerie.

Cramoisi (Sébastien), né à Paris dont il fut échevin. Il obtint par son mérite la direction de l’imprimerie du louvre, établie par Louis XIII. mourut en 1669, & eut pour successeur son petit-fils. Mais quoique plusieurs de leurs éditions méritent fort d’être recherchées, elles n’ont ni l’exactitude, ni la beauté de celles qui sont sorties des imprimeries des Etienne, des Manuce, des Plantin, & des Froben. Les Martin, Coignard & Muguet ont succédé aux Cramoisi, & ont à leur tour enrichi la république des lettres, d’éditions très-belles & très-estimées.

Crespin (Jean), en latin Crispinus, natif d’Arras au commencement du xvj. siecle, & fils d’un jurisconsulte, étoit fort versé dans le droit, le grec & les belles-lettres ; fut reçu avocat au parlement de Paris ; mais s’étant retiré à Genève vers l’an 1548, pour y professer en sûreté le calvinisme, il y fonda une belle imprimerie dans laquelle il publia entr’autres ouvrages un excellent lexicon grec & latin, in-folio, dont la premiere édition vit le jour en 1560. Crespin mourut de la peste en 1572. Eustache Vignon son gendre continua & perfectionna l’imprimerie que son beau-pere avoit établie.

Dolet né à Orléans dans le xvj. siecle, imprimeur & Libraire à Lyon, a mis au jour quelques-uns des ouvrages recherchés d’Etienne Dolet, bon humaniste, & brûlé à Paris le 3 Août 1546, pour ses sentimens sur la religion. Il auroit encore imprimé la version françoise de la plûpart des œuvres de Platon, du malheureux Etienne Dolet, s’il n’eût été prévenu par son supplice.

Elzévirs (les), bien des gens regardent les Elzévirs comme les plus habiles imprimeurs, non-seulement de la Hollande, mais de toute l’Europe. Bonaventure, Abraham, Louis, & Daniel Elzévirs, sont les quatre de ce nom, qui se sont tant distingués dans leur art. A la vérité, ils ont été fort au-dessous des Etiennes, tant pour l’érudition, que pour les éditions greques & hébraïques ; mais ils ne leur ont cédé, ni dans le choix des bons livres qu’ils ont imprimés, ni dans l’intelligence du métier ; & ils les ont surpassé pour l’agrément & la délicatesse des petits caracteres. Leur Virgile, leur Térence, leur Nouveau-Testament grec, & quelques autres livres de leur presse, où il se trouve des caracteres rouges, sont des chefs-d’œuvres de leur art. Ils ont imprimé plusieurs fois le catalogue de leurs éditions, qui comprennent entre autres tous les auteurs classiques, dont les petits caracteres sont aussi jolis, que nuisibles à la vûe.

Etienne (les), je les regarde comme les rois de l’Imprimerie, tant pour l’érudition, que pour les éditions greques & hébraïques. On nomme huit