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plonge plusieurs fois la doublure en la maniant pour la rendre douce ; y plonge aussi le cuir à l’envers, & le frotte à deux mains principalement quand il est neuf ; étale la doublure & le cuir par dessus, & les roule l’un sur l’autre jusque sur l’extrèmité du bois de balle : le cuir & la doublure roulés ensemble font alors comme une espece de bourlet, que l’imprimeur plonge plusieurs fois dans l’eau & presse avec la main. Il en fait autant à l’autre balle ; puis il les met l’une auprès de l’autre à terre dans un lieu humide, & les couvre d’un vieux blanchet ramoiti.

Quand il y a mille ou douze cent cinquante de papier tiré des deux côtés, les imprimeurs le chargent. On le met entre deux ais, sous un poids de quarante ou cinquante livres, plus que moins, & on l’y laisse pendant cinq ou six heures. Après que le papier a été chargé, le foulage étant applati, l’impression paroît plus unie, plus nourrie, & sort davantage. Cet article est du Prote de l’Imprimerie de M. Le Breton.

Il nous reste à parler de l’impression en rouge & noir, c’est-à-dire de celle dans laquelle on imprime sur la même forme avec ces deux couleurs. Pour y procéder, quand les épreuves ont été faites en noir, on doit laver la forme avec une plus grande attention qu’à l’ordinaire, de façon qu’il ne reste point de noir sur le caractere ; on doit la laver avec de la lessive bien chaude. De-là on la met en train sur la presse avec une grande précaution : on serre bien les coins de registre, de maniere que la forme ne puisse nullement se déranger ; on fait ensorte que les couplets du tympan & de la frisquette ne puissent vaciller aucunement. On découpe ensuite sur la frisquette la partie qui doit venir en rouge, & les morceaux de parchemin que l’on en ôte doivent se coller sur le tympan, au même endroit où ils étoient à la frisquette ; ou on les met sous chacun des mots de la forme qui doivent se trouver en rouge ; c’est ce qu’on appelle taquonner, ces morceaux détachés de la frisquette se nomment taquons. Par ce moyen on donne plus de hauteur au caractere. (Dans les imprimeries où l’on fait souvent des livres d’église, & autres où cette impression est plus usitée, il y a des caracteres plus hauts destinés à cet usage). On imprime comme à l’ordinaire la partie rouge ; quand elle est finie sur une forme, on la lave encore fortement pour détacher le rouge, on ôte les mots ou les lignes qui ont été imprimés, on y substitue des quadrats, on reporte la forme sur la presse, & avec les mêmes précautions on imprime la partie noire. Il n’est pas aisé de faire rencontrer exactement & en ligne cette sorte d’impression ; le moindre dérangement dans le jet du tympan ou de la frisquette, ou dans les pointures, suffit pour la gâter. Peu d’imprimeurs y réussissent ; & c’est ce qu’ils ont de plus difficile à exécuter.

Les peaux dont on se sert pour les balles à l’impression rouge sont des peaux blanches. Pour la composition de cette espece d’encre, voyez au mot Encre d’imprimerie.

Imprimerie en taille douce, (Art méchanique.) c’est l’art de porter sur une feuille de papier, un morceau de satin, ou quelqu’autre substance semblable, l’empreinte des traits qu’on a tracés à l’eau-forte, ou au burin, ou autrement sur une planche de cuivre ou de bois.

Cette opération se fait par le moyen de deux rouleaux, entre lesquels on fait passer la planche, après qu’elle est encrée. Ces rouleaux font partie d’une machine qu’on appelle la presse.

L’action des rouleaux attache l’encre qui remplit les traits dont la planche est gravée, à la feuille de papier, au vélin, ou au satin dont on l’a couverte.

La feuille chargée de ces traits, s’appelle une estampe.

La fonderie en caracteres, & l’Imprimerie proprement dite, ont concouru pour multiplier à l’infini les productions de l’esprit, ou plutôt les copies de ces productions. La gravure & l’imprimerie en taille douce ont rendu à la peinture le même service, ou à peu près. Je dis à peu près, parce que l’estampe ne conserve pas tout le mérite du tableau.

Grace à ces deux derniers arts, avec un peu de goût, on peut sans grande opulence renfermer dans quelques porte-feuilles choisis, plus de morceaux en gravure, que le potentat le plus riche ne peut avoir de tableaux dans ses galeries. La gloire des grands maîtres ne passe pas tout-à-fait.

Description de la presse. La presse des imprimeurs en taille douce est composée de deux forts assemblages de charpente A, B, C, D, Planche de l’imprimerie en taille douce, fig. 6. Ces assemblages sont entretenus l’une avec l’autre par deux traverses. Ils sont composés chacun d’un patin A, B, aux extrémités duquel sont des billots ou calles l, m, qui élevent la presse.

La face supérieure du patin est percée de cinq mortoises. Celle du milieu reçoit le tenon de la jumelle CD. Les deux plus voisines sont destinées aux tenons inférieurs des jambettes IK, qui maintiennent les jumelles dans la position verticale. Les deux autres sont les lieux des tenons inférieurs des colonnes GH, qui portent les bras OF de la presse.

Il faut imaginer un assemblage tout à fait semblable à celui-ci, & tenu parallellement par les deux traverses dont nous avons parlé.

Dans ces deux assemblages, chaque jumelle est percée des deux grandes ouvertures quadrangulaires rsx, yzx, arrondies en plein ceintre du côté qu’elles se regardent. C’est dans ces ouvertures que passent les tourillons des rouleaux, comme nous l’expliquerons plus bas.

Chaque jumelle est encore percée sur chaque face latérale de deux mortaises ; l’une, qui est la supérieure, est double, & reçoit le double tenon du bras, dont l’autre extrémité est portée par la colonne. La mortaise inférieure reçoit le tenon supérieur de la jambette.

Les deux assemblages ou fermes de l’un desquels on vient de donner la description, sont arrêtés ensemble par deux traverses de deux piés de longueur. La traverse inférieure qu’on voit en PO, fig. 5, & en P, fig. 1, est fixée par un tenon & une vis L dans chaque jumelle. On voit, fig. 1 & 6, cette place L. La traverse supérieure HH, fig. 5 & 6, que l’on nomme aussi le sommier, l’est par des queues d’hironde & communément ornée de quelques moulures. Le tout est fait de bon bois de chêne ou de noyer.

Les rouleaux, fig. 7 & 8, qui ont environ sept pouces de diametre, & sont terminés par des tourillons, dont le diametre est de quatre pouces & demi, doivent être de bon bois de noyer sans aubier, de quartier, & non de rondin. On peut aussi y employer l’orme.

Un des tourillons du rouleau supérieur, fig. 7, est terminé par un quarré, auquel on adapte un moulinet croisé, par le moyen duquel on fait tourner ce rouleau, comme on le dira plus bas.

Les tourillons des rouleaux, fig. 7 & 8, s’appliquent aux parties arrondies des ouvertures rsx, yzx des jumelles, fig. 6 ; & le reste de leur espace est rempli des boëtes, des hausses & des calles.

Les boëtes O P, fig. 9, au nombre de quatre, sont des pieces de bois de même dimension, soit en largeur, soit en épaisseur, que l’ouverture de la jumelle. Elles ont trois pouces & demi ; elles sont évuidées cylindriquement pour s’appliquer sur le