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ouvriers de la presse monte ses balles. Pour cela il commence par attacher légerement le cuir & la doublure au bois de balle, avec un clou qu’il met sur le bord du bois de balle, & au bord du cuir & de la doublure, de façon que le côté de la laine se trouve en-dessus ; puis il fait faire un demi-tour à son bois de balle, étale bien le cuir & la doublure ; ensuite le bois de balle couché & le manche tourné de son côté, il prend avec ses deux mains la quantité de laine qu’il juge nécessaire pour former son pain de laine, & la met dans la capacité du bois de balle appuyé contre son estomac. Il prend l’extrémité du cuir & de la doublure diamétralement opposée à celle qu’il a déjà attachée, & l’attache aussi. Il examine ensuite s’il a pris assez de laine pour donner à sa balle une figure ronde, & qu’elle soit un peu ferme ; il attache un troisieme clou au milieu des deux qui viennent d’être attachés. Ces trois clous sont seulement pour maintenir le cuir & la doublure, pendant que l’imprimeur les attache plus solidement sur le bord du bois de balle, au moyen de dix ou douze clous qu’il met à la distance de trois doigts l’un de l’autre en plissant les extrémités du cuir & de la doublure l’un sur l’autre, & en les appliquant le plus ferme qu’il peut dessus le bord du bois de balle, afin qu’en touchant la laine ne sorte pas.

Quand les balles sont montées, il faut les ratisser pour enlever les ordures qui se sont attachées aux cuirs en les corroyant, & en montant les balles : l’imprimeur verse sur le milieu du cuir d’une balle environ plein une cuilliere à bouche de petit vernis, tourne la balle pour que le vernis ne tombe point, prend l’autre balle, les met l’une sur l’autre, & les distribue comme après avoir pris de l’encre, pour que ce vernis s’étende bien sur toute la surface des cuirs des deux balles, & en détache les ordures. Ensuite il en met une sur les chevilles de la presse, prend un coûteau dont la lame soit non tranchante, & avec cette lame il enleve le petit vernis & toutes les ordures qui se rencontrent sur la superficie du cuir d’une balle. Il met cette balle aux chevilles, & prend l’autre qu’il ratisse de même, puis la suspend au dessus de la premiere à une corde attachée à la jumelle. L’imprimeur ratisse les balles toutes les fois qu’il les a montées ; il doit les ratisser aussi dans le courant de la journée, pour enlever de dessus les cuirs les ordures qui s’y attachent en travaillant, & qui viennent de l’encre & du papier. En un mot il ne doit rien négliger pour avoir de bonnes balles, car elles sont l’ame de l’ouvrage ; & il est impossible de faire de bonne impression avec de mauvaises balles.

Pendant la préparation des balles & du papier, un des deux imprimeurs a dû coller une frisquette, c’est-à-dire coller au chassis de la frisquette un parchemin ou deux ou trois feuilles de papier fort, pour l’usage dont nous allons parler. On se sert ordinairement de vieilles peaux de tympan ; on colle par-dessus une feuille de papier blanc.

Laver les formes. L’imprimeur doit aussi laver les formes avant que de les mettre sous presse. Comme il n’y a point de forme prête, sur laquelle il n’y ait eu deux ou trois épreuves, & même davantage, & qu’il faut plus d’encre pour une épreuve que pour une feuille ordinaire quand la forme est en train, l’œil du caractere se trouve encré ; ce qui rendroit l’impression pâteuse, si on n’avoit pas le soin de laver les formes auparavant. Un des deux imprimeurs prend donc une forme une heure ou deux avant de la mettre sous presse, pour qu’elle ait le tems de sécher, la porte au bacquet, en bouche le trou avec un tampon, la couche, verse dessus une quantité de lessive pour la couvrir, la brosse jusqu’à ce que l’œil du caractere soit net, & le chassis & la garniture propres, débouche le trou pour laisser

écouler la lessive, leve la forme, la laisse égoutter quelque tems, regarde attentivement s’il n’en est rien tombé, la retire du bacquet, la rince avec de l’eau nette, & la laisse sécher. La lessive dont on se sert pour laver les formes n’est autre chose que de la lessive de blanchisseuse, dans laquelle on met de la potasse ou une espece de sel blanc qu’on appelle drogue, qui fond dans la lessive, & qui la rend plus douce. Quand le tirage d’une forme est fini, l’imprimeur est obligé de la laver. Il doit y avoir dans toutes les imprimeries un endroit destiné à tremper le papier, laver les formes, laisser les formes de distribution, mettre les cuirs tremper, &c. on le nomme tremperie. Voyez ce mot & nos Pl.

Il doit ensuite préparer son encre ; cette fonction n’est pas longue ; il ne faut que bien nettoyer l’encrier, prendre avec la palette une quantité d’encre dans le barril, la mettre dans l’encrier, la bien broyer avec le broyon, la ramasser avec la palette, la broyer encore, puis la mettre dans un des coins de l’encrier. Un ouvrier de la presse curieux de son ouvrage, ne manque pas le matin de broyer toute l’encre qu’il a dans son encrier, avant que de se mettre au travail, pour l’entretenir dans un état de liquidité convenable.

Nous avons laissé les balles, l’une aux chevilles de la presse, & l’autre suspendue à la jumelle ; il faut leur faire prendre l’encre ; l’imprimeur en broie sur le bord de l’encrier, & en prend avec une de ses balles, puis avec l’autre, & les distribue, c’est-à-dire les fait passer & repasser l’une sur l’autre, en les frottant & les appuyant avec force l’une contre l’autre, jusqu’à ce que toute la surface des deux cuirs, de grise qu’elle étoit, soit d’un beau noir luisant, & également noire par tout. Si l’imprimeur voit qu’il y ait quelqu’endroit sur les cuirs qui n’a pas bien pris l’encre, & qu’il s’apperçoive que cela vient de ce que les cuirs sont humides, il brûle une feuille de papier, & passe les cuirs par-dessus la flamme, en distribuant les balles. Si après cela les cuirs refusent encore de prendre, il les frotte sur une planche ou dans les cendres, pour en dissiper l’humidité, puis y met du petit vernis, les ratisse, prend de l’encre, & les distribue jusqu’à ce que les cuirs paroissent bien pris également. Quand les cuirs n’ont pas été bien corroyés, ils ont de la peine à prendre, sur-tout l’hiver tems pendant lequel les imprimeries sont fort humides ; de façon que l’imprimeur est quelquefois obligé de les démonter, c’est-à-dire de les détacher entierement du bois de balle, & de les corroyer de nouveau. Pour éviter cet inconvénient qui fait perdre du tems, il ne s’agit que de les bien corroyer avant de les monter. Dans les imprimeries où il y a d’autres ouvriers de la presse, ceux qui ont des cuirs bien pris, pour faire plaisir à ceux qui en ont deux nouveaux, prennent une de leurs balles, & leur en donnent une des leurs ; au moyen de cet arrangement les deux cuirs neufs sont bientôt pris, les deux vieux cuirs aidant à faire prendre les nouveaux.

Mettre en train. Après que le compositeur a corrigé la derniere épreuve d’une feuille, il porte les formes auprès de la presse des imprimeurs qui doivent les tirer, & leur donne en même tems cette épreuve. Le premier des deux ouvriers, qui est celui qui doit mettre en train, essuie le marbre de la presse avec un morceau de papier, prend une forme (on commence ordinairement par le côté de deux & trois), la met sur la presse, l’ajuste bien au milieu de la presse & sous le milieu de la platine, & l’arrête avec six coins par le moyen des cornieres. Il abaisse ensuite le tympan sur la forme, le mouille en dedans avec une éponge, le laisse quelque tems prendre son eau, pendant lequel il frotte ses blanchets, puis après