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au lieu de la retourner, ou la retournant au lieu de la renverser ; met la feuille de papier gris ; met le blanchet par-dessus, abaisse le tympan, roule la presse, imprime le second côté comme il a imprimé le premier ; déroule la presse, leve le tympan & le blanchet, observe le foulage, remédie aux défauts, leve la feuille, la plie en trois ou quatre, selon le format, la presse un peu avec la main sur le tympan pour abaisser le foulage, & la porte au prote avec la copie, tandis que le compagnon porte la seconde forme auprès du compositeur, & la met avec la premiere. Il y a de l’art à faire une bonne épreuve ; tous les ouvriers qui travaillent à la presse n’y réussissent pas également, parce qu’ils négligent souvent les précautions indiquées ici.

Le prote déploie l’épreuve & la laisse sécher : quand elle est seche, il la plie & la coupe : alors il fait venir un lecteur, qui est ordinairement un apprenti, qui lit la copie, pendant que le prote le suit attentivement mot à mot sur l’épreuve, & marque à la marge, au moyen de différens signes usités dans l’Imprimerie, & qu’on voit dans nos Planches, les fautes que le compositeur a faites en composant, comme les lettres renversées, les coquilles, les fautes d’orthographe, les fautes de grammaire & de ponctuation, les bourdons ou omissions, les doublons ou répétitions ; observant de rendre ses corrections intelligibles, de les placer par ordre, & autant que faire se peut, à côté des lignes où elles se trouvent. Après que l’épreuve a été lûe sur la copie, le prote la repasse encore seul, s’il en a le tems, & marque les fautes qui lui ont échappé à la premiere lecture. Enfin il vérifie les folio, les signatures & la réclame ; après quoi il porte l’épreuve au compositeur, & lui explique les endroits où par la multiplicité des corrections il pourroit y avoir quelque difficulté, & qui ont besoin d’explication.

Correction. Le compositeur examine son épreuve : c’est là qu’il trouve ou la récompense de sa capacité & de son application, ou la peine dûe à son impéritie & à son inattention. Etant obligé de corriger ses fautes, moins il y en a sur son épreuve, plutôt il en est quitte ; au lieu que quand l’épreuve est chargée de corrections, il faut y employer un tems considérable, ce qui le fatigue beaucoup, la correction étant la fonction la plus pénible du compositeur ; encore est-il presqu’impossible que l’ouvrage n’en souffre. Après donc avoir examiné son épreuve & bien compris toutes les corrections, il va prendre une de ses formes à corriger, la premiere qui se présente, s’il n’y a point dans la correction à reporter d’une forme à l’autre : s’il y a à reporter d’une forme à l’autre, le compositeur ne commence pas à corriger celle dans laquelle il y aura à reporter, pour éviter de desserrer deux fois la même forme. Il prend donc une des deux formes, la met sur un marbre, l’y couche, & la desserre avec le marteau. Il revient ensuite à sa casse, prend un composteur, & leve sa correction, c’est-à-dire prend dans sa casse les lettres dont il aura besoin pour faire les corrections marquées sur son épreuve. En levant sa correction exactement, le compositeur ne peut manquer de tout corriger ; car s’il oublie de faire quelque correction, les lettres qu’il trouve dans son composteur, autres que celles qu’il a ôtées dans la forme corrigée, l’avertissent de l’omission. On suppose encore que l’ouvrage est in-8o. & que la forme desserrée sur le marbre est le côté de deux & trois. Il commence par lever les lettres qui sont marquées à la deux, puis il va à la trois ; passe la quatre & la cinq, leve la correction de la six & la sept ; passe la huit & la neuf, leve la correction de la dix & la onze ; passe la douze & la treize, leve la correction de la quatorze & de la quinze, & laisse la seize. Il met ensuite une pincée ou deux d’espaces sur

un papier, prend sa pointe, & va au marbre pour corriger. Il regarde si les coins de la forme sont assez desserrés pour donner tant-soit-peu de jeu au caractere, sans cependant qu’aucune lettre puisse se déplacer.

Le compositeur tenant donc de la main gauche le composteur dans lequel sont les lettres nécessaires pour la correction, & la pointe de la main droite, exécute sur la forme de la façon que nous allons l’expliquer, les corrections marquées sur son épreuve, dans le même ordre qu’il en a levé les lettres : il commence par corriger la deux, puis il va à la trois, à la six & à la sept, à la dix & à la onze, à la quatorze & à la quinze. Chaque ligne où il y a de la correction (à-moins que ce ne soit simplement un espace à abaisser, ce qui se corrige en appuyant sur cet espace le bout de la pointe), il faut l’élever tant-soit-peu au-dessus des autres, en pressant avec le bout de la pointe une extrémité de la ligne (le commencement ou la fin, selon que la page est tournée relativement au compositeur) & en pressant en sens contraire l’autre extrémité avec le bout du doigt du milieu ou du doigt annullaire de la main gauche. Au moyen de cette petite élévation, il peut piquer avec sa pointe les lettres à changer, sans craindre d’affecter l’œil des lettres qui se trouvent au-dessus ou au-dessous. Il est cependant mieux d’enlever la lettre que l’on veut ôter avec le pouce & l’index de la main droite ; on ne risque nullement alors de gâter la lettre ; les bons compositeurs l’exécutent ainsi. Quand donc il n’y a qu’une lettre à changer, il pique cette lettre du côté du cran ou du côté opposé, relativement à la position de la page, il l’enleve, la met dans le composteur après les lettres de la correction, prend la lettre qui se trouve la premiere dans le composteur, la met à la place de celle qu’il vient d’ôter, & l’enfonce avec le bout du doigt du milieu de la main droite, ou avec le bout du manche de la pointe, en frappant légérement dessus. Si cette lettre substituée est precisément de la même force, il n’y a rien à ajouter ni à diminuer dans la ligne. Si la lettre substituée est plus forte, il faut diminuer à proportion dans les espaces de la ligne : si au contraire cette lettre substituée est plus foible, il faut ajouter aux espaces dans la même proportion ; il en est de même quand il y a dans la ligne quelque lettre à ajouter ou à supprimer. S’il y a à ajouter quelque lettre, il faut autant diminuer dans les espaces qui sont entre les mots : s’il y a quelque lettre à supprimer, il faut ajouter dans les espaces. Quand il y a quelque mot à changer, & que le mot à substituer est à-peu-près égal en nombre de lettres, cette correction est très-facile à faire, & s’exécute le plus souvent dans la même ligne & sans aucun remaniment, c’est-à-dire sans aucun mouvement d’une ligne à l’autre. Mais s’il y a quelque mot à ajouter ou à supprimer, cela ne peut se faire qu’en remaniant plusieurs lignes, & quelquefois même toutes les lignes jusqu’à la fin de l’alinéa. S’il y a un mot à ajouter, le compositeur enleve la ligne de la forme, la met dans le composteur de la justification, ôte de la fin de la ligne autant de syllabes qu’il est nécessaire pour faire place au mot à ajouter, met ces syllabes à part, justifie la ligne & la met à sa place. Il prend ensuite ce qu’il a mis à part, le met d’abord dans son composteur, enleve de la forme la ligne suivante, en met ce qu’il peut dans le composteur, diminue dans les espaces le plus qu’il lui est possible, s’il croit par ce moyen pouvoir s’exempter de remanier le reste de l’alinéa, ôte le surplus de la ligne, le met encore à part, justifie cette ligne, & la met dans la forme. Il continue ainsi de porter d’une ligne à l’autre ce qu’il a de trop, jusqu’à ce qu’il ne lui reste plus rien & qu’il tombe juste en ligne. Quand