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Appelles étoient dans la sculpture, & les travaux de ceux-ci n’existent plus.

L’avantage que les auteurs ont sur ces grands maîtres, vient de ce qu’on peut multiplier leurs écrits, en tirer, en renouveller sans cesse le nombre d’exemplaires qu’on desire, sans que les copies le cedent en valeur aux originaux.

Que ne payeroit-on pas d’un Virgile, d’un Horace, d’un Homere, d’un Cicéron, d’un Platon, d’un Aristote, d’un Pline, si leurs ouvrages étoient confinés dans un seul lieu, ou entre les mains d’une personne, comme peut l’être une statue, un édifice, un tableau ?

C’est donc à la faveur du bel art de l’Imprimerie que les hommes expriment leurs pensées dans des ouvrages qui peuvent durer autant que le soleil, & ne se perdre que dans le bouleversement universel de la nature. Alors seulement, les œuvres inimitables de Virgile & d’Homere périront avec tous ces mondes qui roulent sur nos têtes.

Puisqu’il est vrai que les livres passent d’un siecle à l’autre, quel soin ne doivent pas avoir les auteurs d’employer leurs talens à des ouvrages qui tendent à perfectionner la nature humaine ? si par notre condition de particuliers nous ne pouvons pas faire des choses dignes d’être écrites, disoit Pline le jeune, tâchons du moins d’en écrire qui soient dignes d’être lûes.

Les personnes qui seroient avides de discussions détaillées sur l’origine de l’Imprimerie, & sur ses inventeurs, pourront se satisfaire dans Baillet, Chevillier, la Caille, Mallinkroot, Mentel, Pancirolle, Polydore Virgile de rerum inventoribus, Michael Mayer verba Germanorum inventa, Almeloveen de novis inventis, les Transact. philosoph. &c. Schefflin, Fournier.

Mais les personnes curieuses d’acquérir la connoissance des premieres & des meilleures éditions des livres en tout genre, doivent feuilleter la plume à la main, la bibliotheque de Fabricius & les annales typographiques de Maittaire. Cette étude fait une branche d’érudition, qu’on aime beaucoup dans les pays étrangers, & à laquelle je ne me repens pas de m’être autrefois attaché. Elle est du-moins indispensable aux bibliothécaires des rois, & aux libraires qui recherchent l’acquisition des livres précieux, ou qui s’adonnent à en faire des catalogues. (D. J.)

Imprimerie, c’est l’art de rendre le discours, parlé ou écrit, par des caracteres mobiles convenablement assemblés & contenus, & d’en attacher l’empreinte sur des feuilles de papier.

La main d’œuvre de l’Imprimerie en lettres, ou Typographie, consiste dans deux opérations principales ; savoir la composition ou l’assemblage des caracteres, & l’impression ou l’empreinte des caracteres sur le papier. On appelle, dans l’Imprimerie, compositeur ou ouvrier de la casse celui qui travaille à l’assemblage des caracteres ; on appelle imprimeur ou ouvrier de la presse celui qui travaille à l’impression ou à l’empreinte des caracteres sur le papier par le moyen de la presse.

Nous allons commencer par les opérations du compositeur, qui sont la distribution, l’assemblage des lettres ou la composition, l’imposition, & la correction

Il prend d’abord dans les rayons ou tablettes de l’imprimerie, deux casses du caractere destiné pour l’ouvrage sur lequel il doit travailler, une casse de romain & une d’italique. Il dresse ces deux casses dans le rang ou la place qu’il doit occuper. Le rang le plus clair est le plus avantageux ; & il doit être arrangé de façon que quand le compositeur travaille à sa casse, il présente le côté gauche à l’endroit d’où il

tire son jour. Le caractere romain étant ordinairement celui dont il entre le plus dans la composition, la casse de romain se place le plus près du jour, & la casse d’italique à côté. S’il y a quelque tems que les casses n’ont servi & qu’elles soient poudreuses, le compositeur prend un soufflet, & souffle tous les cassetins l’un après l’autre pour en faire sortir la poussiere, en commençant par le haut de la casse. Il regarde ensuite s’il n’y a point dans ses deux casses quelques lettres d’un autre corps ; s’il en trouve, il les ôte & les donne au prote (qui est celui qui a soin des caracteres & des ustenciles de l’imprimerie) pour les mettre à leur place. S’il y a quelques sortes de trop, il les survuide & les met dans des cornets. Voyez l’article Casse, & nos Planches d’Imprimerie.

Distribution. Après que le compositeur a donné à ses deux casses le plus de propreté qu’il lui a été possible, il doit distribuer. Pour cela le prote lui donne des paquets de lettre si le caractere est en paquet. Le compositeur en ôte l’enveloppe, les arrange sur le marbre (voyez Marbre) ou sur un ais, l’œil en dessus & le cran tourné de son côté, prend de l’eau claire avec une éponge, en mouille la quantité qui lui est nécessaire pour emplir sa casse, & délie les paquets à mesure qu’il les distribue. Si le caractere est en forme, le prote indique au compositeur une forme de distribution. Il va la prendre, l’apporte, met sur le marbre un grand ais ou le plus souvent deux demi-ais, met la forme sur ces ais, l’œil du caractere en dessus, prend un marteau, l’y desserre, mouille le caractere avec l’éponge, ôte le chassis (voyez Chassis), ôte aussi la garniture (voyez Garniture), la met arrangée sur un autre ais, garde ce chassis & cette garniture s’ils doivent lui servir, sinon les donne au prote pour les serrer. Le compositeur prend une réglette (voyez Réglette), qui doit être un peu plus longue que les lignes de distribution, & enleve les titres courans des pages, les lignes de quadrats (voyez Quadrats), les vignettes (voyez Vignettes), les réglets doubles ou simples (voyez Réglets), en un mot tout ce qu’il croit pouvoir lui servir dans sa composition, & le met dans une galée. Voyez Galée.

Ensuite il pose le plat de sa réglette contre le corps du caractere du côté du cran, & du côté de la main gauche le bout de la réglette au niveau des lignes de distribution ; il appuie le doigt annullaire de chaque main contre la réglette ; & pressant les lignes de côté également en sens contraire avec l’indicateur & le doigt du milieu aussi de chaque main, & tirant un peu vers lui, il sépare, puis enleve une quantité de caractere qui s’appelle une poignée, plus ou moins grosse à proportion de la longueur des lignes de distribution. La main droite soutient seule un instant cette poignée, pendant lequel la gauche s’ouvre & se présente les doigts écartés pour la recevoir & la soutenir sur le doigt annullaire ou sur le petit doigt, appuyée contre le pouce dans toute sa hauteur. Le compositeur commence à distribuer. Il prend avec le doigt du milieu, l’index & le pouce de la main droite, en commençant par la fin de la ligne qui se trouve la premiere en dessus, un, deux ou trois mots de la distribution, à proportion de leur longueur ; & soutenus sur le doigt annullaire, il les lit, & par un petit mouvement du pouce, de l’index & du doigt du milieu, en met chaque lettre l’une après l’autre dans le cassetin (voyez Cassetin) de la casse, qui lui est destiné. Il prend ensuite deux ou trois autres mots, il les distribue de même, & encore deux ou trois autres après jusqu’à ce que la premiere ligne soit finie. Il entame de même la ligne suivante qui se trouve la premiere en-dessus, & ainsi successivement les autres lignes jusqu’à ce que la poignée soit