Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/6

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commence le mot, la lettre finale du mot précédent, soit voyelle, soit consonne, est réputée suivie immédiatement d’une voyelle. Ainsi au lieu de dire sans élision titr-e honorable, comme titr-e favorable, on dit titr’ honorable avec élision, comme titr’ onéreux : au contraire, au lieu de dire au pluriel titre’ honorables, comme titre’ favorables, on dit, en prononçant s, titre-s honorables, comme titre-s onéreux.

Notre distinction de l’h aspirée & de l’h muette répond à celle de l’esprit rude & de l’esprit doux des Grecs ; mais notre maniere est plus gauche que celle des Grecs, puisque leurs deux esprits avoient des signes différens, & que nos deux h sont indiscernables par la figure.

Il semble qu’il auroit été plus raisonnable de supprimer de notre orthographe tout caractere muet ; & celle des Italiens doit par-là même arriver plûtôt que la nôtre à son point de perfection, parce qu’ils ont la liberté de supprimer les h muettes ; nomo, homme ; uomini, hommes ; avere, avoir, &c.

Il seroit du-moins à souhaiter que l’on eût quelques regles générales pour distinguer les mots où l’on aspire h, de ceux où elle est muette : mais celles que quelques-uns de nos grammairiens ont imaginées sont trop incertaines, fondées sur des notions trop éloignées des connoissances vulgaires, & sujettes à trop d’exceptions : il est plus court & plus sûr de s’en rapporter à une liste exacte des mots où l’on aspire. C’est le parti qu’a pris M. l’abbé d’Olivet, dans son excellent Traité de la Prosodie françoise : le lecteur ne sauroit mieux faire que de consulter cet ouvrage, qui d’ailleurs ne peut être trop lû par ceux qui donnent quelque soin à l’étude de la langue françoise.

II. Lorsque la lettre h est précédée d’une consonne dans la même syllabe, elle est ou purement étymologique, ou purement auxiliaire, ou étymologique & auxiliaire tout à-la-fois. Elle est-étymologique, si elle entre dans le mot écrit par imitation du mot radical d’où il est dérivé ; elle est auxiliaire, si elle sert à changer la prononciation naturelle de la consonne précédente.

Les consonnes après lesquelles nous l’employons en françois sont c, l, p, r, t.

1°. Après la consonne c, la lettre h est purement auxiliaire, lorsqu’avec cette consonne elle devient le type de l’articulation forte dont nous représentons la foible par j, & qu’elle n’indique aucune aspiration dans le mot radical : telle est la valeur de h dans les mots chapeau, cheval chameau, chose, chûte, &c. L’orthographe allemande exprime cette articulation par sch, & l’orthographe angloise par sh.

Après c la lettre h est purement étymologique dans plusieurs mots qui nous viennent du grec ou de quelque langue orientale ancienne, parce qu’elle ne sert alors qu’à indiquer que les mots radicaux avoient un k aspiré, & que dans le mot dérivé elle laisse au c la prononciation naturelle du k, comme dans les mots, Achaïe, Chersonèse, Chiromancie, Chaldée, Nabuchodonosor, Achab, que l’on prononce comme s’il y avoit Akaie, Kersonèse, Kiromancie, Kaldée, Nabukodonosor, Akab.

Plusieurs mots de cette classe étant devenus plus communs que les autres parmi le peuple, se sont insensiblement éloignés de leur prononciation originelle, pour prendre celle du ch françois. Les fautes que le peuple commet d’abord par ignorance deviennent enfin usage à force de répétitions, & font loi, même pour les savans. On prononce donc aujourd’hui à la françoise, archevêque, archiépiscopal ; Achéron prédominera enfin, quoique l’opéra paroisse encore tenir pour Akéron. Dans ces mots la lettre h est auxiliaire & étymologique tout à-la-fois.

Dans d’autres mots de même origine, où elle n’étoit qu’étymologique, elle en a été supprimée totale-

ment ; ce qui assûre la durée de la prononciation originelle

& de l’orthographe analogique : tels sont les mots caractere, colere, colique, qui s’écrivoient autrefois charactere, cholere, cholique. Puisse l’usage amener insensiblement la suppression de tant d’autres lettres qui ne servent qu’à défigurer notre orthographe ou à l’embarrasser !

2°. Après la consonne l la lettre h est purement auxiliaire dans quelques noms propres, où elle donne à l la prononciation mouillée ; comme dans Milhaud (nom de ville), où la lettre l se prononce comme dans billot.

3°. H est tout à-la-fois auxiliaire & étymologique dans ph ; elle y est étymologique, puisqu’elle indique que le mot vient de l’hébreu ou du grec, & qu’il y a à la racine un p avec aspiration, c’est-à-dire un phé פ, ou un phi φ : mais cette lettre est en même tems auxiliaire, puisqu’elle indique un changement dans la prononciation originelle du p, & que ph est pour nous un autre symbole de l’articulation déjà désignée par s. Ainsi nous prononçons, Joseph, philosophe, comme s’il y avoit Josef, filosofe.

Les Italiens employent tout simplement f au lieu de ph ; en cela ils sont encore plus sages que nous, & n’en sont pas moins bons étymologistes.

4°. Après les consonnes r & t, la lettre h est purement étymologique ; elle n’a aucune influence sur la prononciation de la consonne précédente, & elle indique seulement que le mot est tiré d’un mot grec ou hébreu, où cette consonne étoit accompagnée de l’esprit rude, de l’aspiration, comme dans les mots rhapsodie, rhétorique, théologie, Thomas. On a retranché cette h étymologigue de quelques mots, & l’on a bien fait : ainsi l’on ecrit, trésor, trône, sans h ; & l’orthographe y a gagné un degré de simplification.

Qu’il me soit permis de terminer cet article par une conjecture sur l’origine du nom ache que l’on donne à la lettre h, au lieu de l’appeller simplement he en aspirant l’e muet, comme on devroit appeller be, pe, de, me, &c. les consonnes b, p, d, m, &c.

On distingue dans l’alphabet hébreu quatre lettres gutturales, א, ה ,ח ,ע, aleph, hé, kheth, aïn, & on les nomme ahécha (Grammaire hébraïque par M. l’abbé Ladvocat, page 6.). Ce mot factice est évidemment résulté de la somme des quatre gutturales, dont la premiere est a, la seconde , la troisiéme kh ou ch, & la quatriéme a ou ha. Or ch, que nous prononçons quelquefois comme dans Chalcédoine, nous le prononçons aussi quelquefois comme dans chanoine ; & en le prononçant ainsi dans le mot factice des gutturales hébraïques, on peut avoir dit de notre h que c’étoit une lettre gutturale, une lettre ahécha, par contraction une acha, & avec une terminaison françoise, une ache. Combien d’étymologies reçûes qui ne sont pas fondées sur autant de vraissemblance ! (B. E. R. M.)

* h, (Ecriture.) Il y a dans l’Ecriture trois sortes d’h, l’italienne, la coulée, & la ronde : l’italienne se forme de la partie du milieu de l’f, de la premiere partie de l’x pour sa tête, avec la premiere & la septieme partie de l’o : la coulée a les mêmes racines, si l’on en excepte sa tête, qui se tire aussi des sixieme, septieme, huitieme, & premiere parties de l’o : la ronde est un assemblage des huitieme, premiere & seconde parties de l’o ; elle prend son milieu de l’f, & la partie inférieure de l’j consonne rond ; pour son extrémité supérieure, c’est la deuxieme partie de la courbe supérieure de la seconde partie de l’o. Ces trois h se forment toutes du mouvement mixte des doigts & du poignet. Voyez nos Planches d’Ecriture.