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Concluons que c’est à l’imitation que les modernes doivent leur gloire, & que c’est de cette même imitation que les anciens ont tiré leur grandeur. (D. J.)

Imitation, s. f. (Morale.) c’est, dit Bacon, la traduction des préceptes en exemples. Un jeune homme qui veut s’avancer dans la carriere de la gloire & de la vertu, doit commencer par se proposer d’excellens modeles, & ne pas prendre d’après eux quelques traits de ressemblance, pour une parfaite conformité ; mais avec le tems, il doit devenir lui-même son modele ; c’est-à-dire régler ses actions par ses actions, & donner des exemples après en avoir suivi. (D. J.)

Imitation en Musique, est l’emploi d’un même tour de chant dans plusieurs parties qui se font entendre l’une après l’autre. A l’unisson, à la tierce, à la quarte, ou à quelqu’autre intervalle que ce soit, l’imitation est toujours bien prise, même en changeant plusieurs notes, pourvû que le même chant se reconnoisse toûjours, & qu’on ne s’écarte point des lois d’une bonne modulation. Souvent pour rendre l’imitation plus sensible, on la fait précéder d’un silence. On traite l’imitation comme on veut ; on la prend, on l’abandonne, on en commence une autre à sa liberté ; en un mot les regles en sont aussi relachées que celles de la fugue sont séveres : c’est pourquoi les grands maîtres la dédaignent, & toute imitation trop affectée décele presque toûjours un écolier en composition.

IMITATIVE, Phrase, (Gram. & Poésie). J’appelle phrase imitative avec M. l’abbé du Bos (qui me fournira cet article de Grammaire philosophique) toute phrase qui imite en quelque maniere le bruit inarticulé dont nous nous servons par instinct naturel, pour donner l’idée de la chose que la phrase exprime avec des mots articulés.

L’homme qui manque de mots pour exprimer quelque bruit extraordinaire, ou pour rendre à son gré le sentiment dont il est touché, a recours naturellement à l’expédient de contrefaire ce même bruit, & de marquer ses sentimens par des sons inarticulés. Nous sommes portés par un mouvement naturel à dépeindre par des sons inarticulés le fracas qu’une maison aura fait en tombant, le bruit confus d’une assemblée tumultueuse, & plusieurs autres choses. L’instinct nous porte à suppléer par ces sons inarticulés, à la stérilité de notre langue, ou bien à la lenteur de notre imagination.

Mais les Ecrivains latins, particulierement leurs poëtes qui n’ont pas été gênés comme les nôtres, & dont la langue est infiniment plus riche, sont remplis de phrases imitatives qui ont été admirées & citées avec éloge par les Ecrivains du bon tems. Elles ont été louées par les Romains du siecle d’Auguste qui étoient juges compétens de ces beautés.

Tel est le vers de Virgile qui dépeint Poliphème.

Monstrum horrendum, informe, ingens, cui lumen ademptum.

Ce vers prononcé en supprimant les syllabes qui font élision, & en faisant sonner l’u comme les Romains le faisoient sonner, devient si l’on peut s’exprimer ainsi, un vers monstrueux. Tel est encore le vers où Perse parle d’un homme qui nazille, & qu’on ne sauroit aussi prononcer qu’en nazillant.

Rancidulum quiddam balbâ de nare locutus.

Le changement arrivé dans la prononciation du latin, nous a voilé, suivant les apparences, une partie de ces beautés, mais il ne nous les a point toutes cachées.

Nos poëtes qui ont voulu enrichir leurs vers de ces phrases imitatives, n’ont pas réussi au goût des François, comme ces poëtes latins réussissoient au goût des Romains. Nous rions du vers où du Bartas

dit en décrivant un coursier, le champ plat, bat, abbat. Nous ne traitons pas plus sérieusement les vers où Ronsard décrit en phrase imitative le vol de l’aloüette.

Elle guindée du zéphire,
Sublime en l’air, vire & revire,
Et y décligne un joli cri,
Qui rit, guérit, & tire l’ire
Des esprits mieux que je n’écris.

Pasquier rapporte plusieurs autres phrases imitatives des poëtes françois, dans le chap. x. liv. VIII. de ses recherches, où il veut prouver que notre langue n’est pas moins capable que la latine de beaux traits poétiques ; mais les exemples que Pasquier rapporte, réfutent seuls sa proposition.

En effet, parce qu’on aura introduit quelques phrases imitatives dans des vers, il ne s’ensuit pas que ces vers soient bons. Il faut que ces phrases imitatives y ayent été introduites, sans préjudicier au sens & à la construction grammaticale. Or on citeroit bien peu de morceaux de poésie françoise, qui soient de cette espece, & qu’on puisse opposer en quelque façon à tant d’autres vers, que les latins de tous les tems ont loué dans les ouvrages des poëtes qui avoient écrit en langue vulgaire. M. l’abbé du Bos ne connoissoit même en ce genre que la description d’un assaut qui se trouve dans l’ode de Despreaux sur la prise de Namur ; le poëte, dit-il, y dépeint en phrase imitative le soldat qui gravit contre une breche, & qui vient le fer & la flamme en main,

Sur les monceaux de piques,
De corps morts, de rocs, de briques,
S’ouvrir un large chemin.

Je n’examinerai pas si l’exemple de l’Abbé du Bos est très-bon ; je dirai seulement qu’on en citeroit peu de meilleurs dans notre langue. Les poëtes anglois sont plus fertiles que les nôtres en phrases imitatives, comme Adisson l’a prouvé par plusieurs traits admirables tirés de Milton. J’en trouve aussi quelquefois dans le Virgile de Dryden, où il peint avec plaisir les objets par des phrases imitatives ; témoin la description suivante du travail des Cyclopes.

One stirs the fire and one the bellows blows,
The hissing steel in the smithy drownd ;
The grot with beating anvils groans around,
By turns their arms advance in equal time,
By turns their hand descend, and hammers chime.
They turn the glowing mass with crooked tongs
The fiery work proceeds with rustick songs.

(D. J.)

IMMACULÉ, adj. (Théolog.) qui est sans tache ou sans péché.

Les Catholiques se servent de ce terme en parlant de la conception de la Vierge qu’ils appellent immaculée, pour signifier qu’elle est née sans péché originel. Voyez Pêché originel.

Quand on donne le bonnet à un docteur de sorbonne, on lui fait jurer qu’il soutiendra l’immaculée conception de la Vierge. La sorbonne fit ce decret dans le 14e siecle, & quatre-vingt autres universités l’ont fait depuis à son imitation. Voyez Sorbonne.

Au reste il faut observer que dans cette savante faculté on ne regarde pas ce point comme un article de foi, mais comme une opinion pieuse & catholique, & c’est en ce sens-là que ses candidats la soutiennent tous les jours dans leurs theses : mais il leur est défendu aussi bien qu’aux professeurs de tenir l’opinion contraire.

Les ordres militaires d’Espagne se sont obligés à soutenir cette prérogative de la Vierge. Voyez Conception.