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rare qu’on en réchappe ; il y a plus à espérer si elle est la suite d’une hernie, parce qu’on peut rentrer l’intestin, ou du moins on a toujours le pis-aller de l’opération ; elle se guérit assez facilement lorsqu’elle est la suite d’une constipation opiniâtre, d’un rentrement d’intestin, &c. La guérison est prochaine lorsque le malade prend les lavemens & qu’il les rend facilement, que les douleurs ne sont point fixes ni continues ; il n’y a plus de danger lorsque les remedes laxatifs qu’on prend par la bouche, operent par les selles ; mais le péril est pressant, & il ne reste plus d’espérance, lorsque les douleurs qui étoient extrémement aiguës, viennent à cesser tout-à-coup sans que les autres symptomes diminuent, alors l’abbatement des forces est plus sensible, l’haleine est puante, la foiblesse & la vîtesse du pouls augmentent, les sincopes sont fréquentes, la gangrene est formée, & la mort est prochaine ; le hoquet, la convulsion, le délire survenans à la passion iliaque sont des signes d’un très-mauvais augure. Hippocr. aphor. 10. lib. VII.

Curation. Cette maladie est une de celles où la nature n’opere rien pour sa guérison ; elle exige les secours de l’art les plus prompts & les plus appropriés ; ils doivent être variés suivant les différentes causes : lorsqu’il y a inflammation ou qu’elle est à craindre, il est à propos de faire une ou deux saignées, de donner des lavemens émolliens, anodins, d’appliquer sur le bas-ventre des fomentations de la même nature ; intérieurement on doit avoir recours aux remedes rafraichissans, tempérans, anti-orgastiques, calmans ; tels sont les eaux de poulet, tisanes émulsionées, le nitre, la liqueur minérale anodine d’Hoffman ; si les douleurs sont trop vives, il faut donner les narcotiques, mais à petite dose ; on peut essayer quelques légers purgatifs en les associant aux calmans même narcotiques. S’il y a hernie, il faut en tenter la réduction, ou en venir de bonne heure à l’opération. Voyez Hernie. Lorsqu’on n’a à craindre ni l’inflammation ni l’hernie, on peut donner des lavemens plus actifs, plus stimulans ; la fumée du tabac injectée dans l’anus par l’instrument de Dekkers, est très-convenable ; Hippocrate conseille d’enfler les boyaux avec de l’air ; il y a des souflets propres à cette opération : Celse recommande avec raison les ventouses. Les Chinois guérissent cette maladie par le cautere actuel. On a vû quelquefois de bons effets de l’application des animaux tout chauds sur le ventre ; il ne faut pas trop perdre du tems à employer ces remedes ; pour peu qu’ils tardent à produire de bons effets, il faut recourir au remede de Vanhelmont, aux balles de plomb, d’argent ou d’or ; avec ce remede, dit-il, neminem volvulo perire sivi ; ou ce qui est encore mieux, au mercure, dont il faut faire avaler une ou deux livres, & agiter, promener en voiture, s’il est possible, le malade ; mille observations constatent l’efficacité de ce remede. Ne seroit-il pas à propos de faire marcher ces malades piés nuds sur un terrein froid & mouillé ? Les personnes saines à qui il arrive de faire pareille chose, sont punies de cette imprudence par la diarrhée. Enfin tous ces secours inutilement employés, quelques auteurs proposent d’ouvrir le ventre, de dénouer & raccommoder les intestins ; cette opération est cruelle, elle peut être inutile, dangereuse ; mais c’est une derniere ressource dans des cas absolument désespérés. Article de M. Menuret.

ILIBOBOCA, s. m. (Ophiolog. exot.) serpent du Brésil nommé par les Portugais, cobra de coral. Il est de la longueur de deux piés & de la grosseur du pouce, qui s’amenuise encore davantage vers la queue, & se termine en pointe ; son ventre est tout blanc, mais d’un blanc argentin & lustré ; sa tête est couverte d’écailles blanches de forme cubique, bordées

de quelques autres écailles noires ; son corps est tacheté de blanc, de noir & de rouge. Il rampe avec lenteur, & passe pour très-dangereux. Ray, syn. anim. pag. 327. (D. J.)

ILIMSK, (Géog.) province & ville de Sibérie, située sur la riviere d’Ylim qui se jette dans celle de Tungus, qui elle même se perd dans le fleuve de Jenisci. Elle est habitée par des Tartares Tunguses & par des Russes, & releve du woinde ou gouverneur d’Irkusk.

ILION, (Géog. anc. & Littér.) voilà le nom qui nous est si cher dans l’ancienne ville de Troie, dans l’Asie mineure.

Ilion, ton nom seul a des charmes pour moi !
Ne verrai-je jamais rien de toi ; ni la place
De ces murs élevés & détruits par les dieux,
Ni ces champs où couroient la fureur & l’audace,
Ni des tems fabuleux enfin la moindre trace
Qui pût me présenter l’image de ces lieux !

Non, on ne verra rien de tous ces précieux restes de l’antiquité ! L’Ilion dont il s’agit, fut détruite 850 ans avant l’arrivée d’Alexandre en Troade ; il ne trouva qu’un village qui portoit son nom, bâti à trente stades au-delà. Ce prince fit de riches présens à ce pauvre village, lui donna le titre de ville, & laissa des ordres pour l’aggrandir.

Après la mort d’Alexandre, Lysimaque amplifia le nouvel Ilion, & l’environna d’un mur de quarante stades ; mais cette ville n’avoit plus de murailles, quand les Gaulois y passerent, l’an 477 de Rome ; & la premiere fois que les Romains entrerent en Asie, c’est-à-dire l’an de Rome 564, Ilion avoit plûtôt l’air d’un bourg que d’une ville ; Fimbria, lieutenant de Sylla, acheva de la ruiner en 668, dans la guerre contre Mithridate.

Cependant Sylla consola les habitans de leur perte, & leur fit du bien. Jules César qui se regardoit comme un des descendans d’Enée, s’affectionna entiérement à cette petite ville, & la réédifia. Il donna non seulement de nouvelles terres à ses habitans, mais la liberté & l’exemption des travaux publics. En un mot, il étendit si loin ses bienfaits sur Ilion, qu’au rapport de Suétone, on le soupçonna d’avoir voulu quitter Rome pour s’y établir, & y transporter les richesses de l’empire.

On eut encore la même frayeur sous Auguste, qui en qualité d’héritier de Jules-César, auroit pû exécuter ce grand projet. L’un & l’autre montrerent en plusieurs occasions, un penchant très-marqué pour la ville d’Ilion. Nous venons de voir ce que le premier fit pour elle ; le second y établit une colonie avec de nouveaux privileges, & rendit aux Rhétiens la belle statue d’Ajax, qu’Antoine avoit fait transporter en Egypte.

Enfin, M. le Fevre, Dacier, & le P. Sanadon, sont persuadés que ce fut pour détourner adroitement Auguste du dessein qu’il pourroit avoir de relever l’éclat de l’ancienne Troie, qu’Horace composa cette ode admirable, chef-d’œuvre de la poésie lyrique, qui commence par justum & tenacem propositi virum, dans laquelle ode il fait tenir à Junon ce discours.

Ilion, Ilion !
Fatalis incestusque judex,
Et mulier peregrina vertit
In pulverem.

Ilion, la détestable Ilion ! c’est par cette répétition qu’il tâche d’imprimer des sentimens d’aversion pour cette ville ; par mépris encore, il ne daigne faire nommer à Junon, ni Paris, ni Hélene ; l’une est une femme étrangere, l’autre un juge fatal à sa patrie, un violateur de l’hospitalité ; Laomédon & les Troyens sont des perfides, des parjures, livrés de-