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terrein abondant en fruits exquis, & très-riche en soie, au pié d’une montagne, à 16 lieues N. de Grenade, 6 S. O. de Bacca, 46 N. E. de Seville, 72 S. E. de Madrid. Long. 14. 45. lat. 37. 38. (D. J.)

JAFA, (Géog.) autrefois dite par les étrangers Joppé, ancienne ville d’Asie dans la Palestine, & fameuse dans l’Ecriture-sainte, à 8 lieues de Jérusalem, avec un mauvais port. Saladin la ruina ; quelques années après, S. Louis tâcha de la rétablir, & y donna des exemples de sa charité ; elle est aujourd’hui si misérable, qu’on y comptoit à peine 300 pauvres habitans, au rapport de Paul Lucas, qui la vit en 1707. Le plus beau bâtiment consiste en deux vieilles tours quarrées, où demeure un aga du grand-seigneur, qui y reçoit quelque tribut des pélerins du lieu. Long. 52. 55. lat. 32. 20. (D. J.)

JAFANAPATAN, (Géog.) ville forte des Indes orientales, capitale d’un royaume ou d’une presqu’île de même nom, dans l’île de Ceylan. Les Hollandois la prirent sur les Portugais le 21 Juin 1658, & depuis ce tems-là elle leur est demeurée. Long. 98. lat. 9. 30. (D. J.)

JAFISMKE, s. m. (Commerce.) c’est ainsi que les Russes appellent les écus blancs d’Allemagne, de la figure de S. Joachim empreinte sur cette monnoie, qui fut battue en 1519 à Joachimstal, en Bohème. Les jafismkes passent en Russie sur le pié des écus de France.

JAGARA, s. m. (Hist. nat.) nom que les Indiens donnent à une espece de sucre que les Indiens tirent d’une liqueur, qu’on obtient en coupant la pointe des bourgeons du tenga ou cocotier ; ce sucre est fort blanc, mais il n’a point la délicatesse de celui qu’on tire des cannes.

JAGAS, GIAGAS ou GIAGUES, s. m. (Hist. mod. & Géog.) peuple féroce, guerrier, & anthropophage, qui habite la partie intérieure de l’Afrique méridionale, & qui s’est rendu redoutable à tous ses voisins par ses excursions & par la desolation qu’il a souvent portée dans les royaumes de Congo, d’Angola, c’est-à-dire sur les côtes occidentales & orientales de l’Afrique.

Si l’on en croit le témoignage unanime de plusieurs voyageurs & missionnaires qui ont fréquenté les Jagas, nulle nation n’a porté si loin la cruauté & la superstition : en effet, ils nous presentent le phénomene étrange de l’inhumanité la plus atroce, autorisée & même ordonnée par la religion & par la législation. Ces peuples sont noirs comme tous les habitans de cette partie de l’Afrique ; ils n’ont point de demeure fixe, mais ils forment des camps volans, appellés kilombos, à-peu-près comme les Arabes du désert ou Bédouins ; ils ne cultivent point la terre, la guerre est leur unique occupation ; non seulement ils brûlent & détruisent tous les pays par où ils passent, mais encore ils attaquent leurs voisins, pour faire sur eux des prisonniers dont ils mangent la chair, & dont ils boivent le sang ; nourriture que leurs préjugés & leur éducation leur fait préférer à toutes les autres. Ces guerriers impitoyables ont eu plusieurs chefs fameux dans les annales africaines, sous la conduite desquels ils ont porté au loin le ravage & la desolation : ils conservent la mémoire de quelques héroïnes qui les ont gouvernés, & sous les ordres de qui ils ont marché à la victoire. La plus célebre de ces furies s’appelloit Ten-ban-dumba ; après avoir mérité par le meurtre de sa mere, par sa valeur & par ses talens militaires de commander aux Jagas, elle leur donna les lois les plus propres qu’elle put imaginer pour étouffer tous les sentimens de la nature & de l’humanité, & pour exciter une valeur féroce, & des inclinations cruelles qui font frémir la raison ; ces lois, qui s’appellent Quixillos, méritent d’être rappor-

tées comme des chefs-d’œuvre de la barbarie, de

la dépravation, & du délire des hommes. Persuadée que la superstition seule étoit capable de faire taire la nature, Ten-ban-dumba l’appella à son secours ; elle parvint à en imposer à ses soldats par un crime si abominable, que leur raison fut réduite au silence ; elle leur fit une harangue, dans laquelle elle leur dit qu’elle vouloit les initier dans les mysteres des Jagas, leurs ancêtres, dont elle alloit leur apprendre les rites & les cérémonies, promettant par-là de les rendre riches, puissans, & invincibles. Après les avoir préparés par ce discours, elle voulut leur donner l’exemple de la barbarie la plus horrible ; elle fit apporter son fils unique, encore enfant, qu’elle mit dans un mortier, où elle le pila tout vif, de ses propres mains, aux yeux de son armée ; après l’avoir réduit en une espece de bouillie, elle y joignit des herbes & des racines, & en fit un onguent, dont elle se fit frotter tout le corps en présence de ses soldats ; ceux-ci, sans balancer, suivirent son exemple, & massacrerent leurs enfans pour les employer aux mêmes usages. Cette pratique abominable devint pour les Jagas une loi qu’il ne fut plus permis d’enfreindre ; à chaque expédition, ils eurent recours à cet onguent détestable. Pour remédier à la destruction des mâles, causée par ces pratiques exécrables, les armées des Jagas étoient recrutées par les enfans captifs qu’on enlevoit à la guerre, & qui devenus grands & élevés dans le carnage & l’horreur, ne connoissoient d’autre patrie que leur camp, & d’autres lois que celles de leur férocité. La vue politique de cette odieuse reine, étoit, sans doute, de rendre ses guerriers plus terribles, en détruisant en eux les liens de la nature & du sang. Une autre loi ordonnoit de préférer la chair humaine à toute autre nourriture, mais défendoit celle des femmes ; cependant on remarque que cette défense ne fit qu’exciter l’appétit exécrable des Jagas les plus distingués, pour une chair qu’ils trouvoient plus délicate que celle des hommes ; quelques uns de ces chefs faisoient, dit-on, tuer tous les jours une femme pour leur table. Quant aux autres, on assure qu’en conséquence de leurs lois, ils mangent de la chair humaine qui se vend publiquement dans leurs boucheries. Une autre loi ordonnoit de réserver les femmes stériles, pour être tuées aux obseques des grands ; on permettoit à leurs maris de les tuer pour les manger. Après avoir ainsi rompu tous les liens les plus sacrés de la nature parmi les Jagas, leur législatrice voulut encore éteindre en eux toute pudeur ; pour cet effet elle fit une loi, qui ordonnoit aux officiers qui partoient pour une expédition, de remplir le devoir conjugal avec leurs femmes en présence de l’armée. A l’égard des lois relatives à la religion, elles consistoient à ordonner de porter dans des boëtes ou châsses les os de ses parens, & de leur offrir de tems en tems des victimes humaines, & de les arroser de leur sang, lorsqu’on vouloit les consulter. De plus, on sacrifioit des hécatombes entieres de victimes humaines aux funérailles des chefs & des rois ; on enterroit tout vifs plusieurs de ses esclaves & officiers pour lui tenir compagnie dans l’autre monde, & l’on ensevelissoit avec lui deux de ses femmes, à qui on cassoit préalablement les bras. Le reste des cérémonies religieuses étoit abandonné à la discrétion des singhillos, ou prêtres de cette nation abominable, qui multiplient les rites & les cérémonies d’un culte exécrable, dont eux seuls savent tirer parti. Quelques Jagas ont, dit-on, embrassé le christianisme, mais on a eu beaucoup de peine à les déshabituer de leurs rites infernaux, & sur-tout de leur goût pour la chair humaine. Voyez the modern. part. of an universal history, vol. XVI.