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successivement à plusieurs créanciers, & le débiteur n’est réputé stellionataire que lorsqu’il fait une fausse déclaration sur l’état de ses dettes ; si on ne lui demande point cette déclaration, il n’est pas obligé de la faire.

L’hypotheque dérive de la convention expresse ou tacite des parties ; car celle-même qu’on appelle hypotheque légale, dérive d’un consentement que la loi présume être donné par celui sur les biens duquel elle accorde cette hypotheque.

Mais le consentement exprès ou tacite ne suffit pas parmi nous pour constituer l’hypotheque ; il faut aussi l’intervention du juge ou du notaire, & que l’un & l’autre ayent caractere pour instrumenter dans le lieu, & pour les personnes qui s’obligent ; c’est pourquoi les jugemens & contrats passés en pays étrangers n’emportent point d’hypotheque en France, que du jour que l’exécution en a été ordonnée par les juges de France.

Les effets de l’hypotheque sont 1°. que le débiteur ne peut plus vendre, engager, ni hypothéquer les mêmes biens à d’autres personnes au préjudice de l’hypotheque qui est déja acquise à un premier créancier.

2°. Que si le bien hypothéqué sort des mains du débiteur, le créancier le peut suivre en quelques mains qu’il passe, tellement que le tiers détenteur est obligé de reconnoître l’hypotheque, & d’en acquitter les causes, ou de laisser le bien hypothéqué pour être vendu, & le créancier être payé sur le prix d’icelui. Voyez Délaissement par hypotheque, & Loyseau en son traité du déguerpissement, liv. III.

3°. Le créancier hypothécaire a l’avantage d’être préféré aux créanciers chil ographaires.

L’ordre des hypotheques entr’elles se regle par la date des contrats : prior tempore, potior jure ; il faut néanmoins excepter les hypotheques privilégiées qui passent les premieres, quoique leur date ne soit pas la plus ancienne. L’édit du mois d’Août 1669 attribue aux deniers royaux un privilege sur les biens des comptables, par préférence à tous créanciers hypothécaires.

Celui qui est mis au lieu & place d’un créancier en vertu d’un transport, cession ou délegation, se fait ordinairement subroger aux privileges & hypotheques de l’ancien créancier. Voyez Subrogation.

Purger les hypotheques, signifie effacer l’impression qu’elles avoient faite sur les biens du débiteur, de maniere que le créancier ne peut plus y exercer aucun droit.

Le decret volontaire ou forcé purge les hypotheques sur les héritages & rentes foncieres & constituées ; à l’égard des rentes sur le roi, on obtient des lettres de ratification ; le sceau fait le même effet pour les offices, lorsque les nouvelles provisions sont scellées sans aucune opposition.

Voyez au Digeste les titres de pignoribus & hypothecis, in quibus causis pignus vel hypotheca tacite contrahitur. Quæ res pignori vel hypothecæ datæ obligari non possunt. Qui potiores in pignore vel hypothecâ habeantur. Quibus modis pignus vel hypotheca solvitur. De distractione pignorum vel hypothecarum. Voyez aussi au code, liv. VIII. tit. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 26. 28. 29. 30. & 31. la novelle 17. ch. xv. & la nov. 164. ch. j. Regusantius de pignoribus & hypothecis. Basnage & Olivier-Etienne en leurs traités des hypotheques. Loyseau en son traité du déguerpissement, liv. III. (A.)

Hypotheque conventionnelle est celle qui dérive d’un contrat ; chez les Romains, il n’y avoit d’hypotheque conventionnelle que celle qui étoit stipulée expressément ; l’hypotheque tacite étoit celle qui procédoit de la loi ; parmi nous toute convention

authentique produit une hypotheque ; soit que la stipulation d’hypotheque soit expresse ou non, elle y est toûjours sousentendue. (A)

Hypotheque expresse est celle qui est stipulée nommément dans l’usage : les notaires abregent cette stipulation, & se contentent de mettre le mot obligeant avec un &c. par où l’on sousentend obligeant tous ses biens présens & à venir à l’exécution des présentes. (A)

Hypothéque générale est celle qui comprend tous les biens présens & à venir du débiteur, à la différence de l’hypotheque spéciale, qui est limitée à certains biens comme aux biens présens, & non aux biens à venir, ou qui est restrainte à certains biens nommément.

Une des principales différences entre l’hypotheque générale & la spéciale, c’est que la même chose peut être obligée généralement à plusieurs créanciers, au lieu qu’elle ne peut être hypothéquée spécialement qu’à un seul sous peine de stellionat.

L’hypotheque spéciale oblige le créancier de discuter le bien qui lui est ainsi hypothéqué avant de pouvoir s’adresser aux autres ; mais pour prévenir cette difficulté, on a coûtume de stipuler que l’hypotheque générale ne dérogera point à la spéciale, ni la spéciale à la générale. Voyez Basnage des hypotheques, chap. v. (A)

Hypotheque légale est celle qui procéde de la loi sans aucune convention expresse des parties, mais qui est fondée néanmoins sur un consentement tacite que la loi présume, donné par celui sur les biens duquel elle accorde cette hypotheque ; c’est pourquoi elle est aussi appellée en droit hypotheque tacite.

Telle est l’hypotheque que le mineur a sur les biens de son tuteur du jour que celui-ci accepte sa commission ; le tuteur a pareillement hypotheque sur les biens de son mineur pour le reliquat qui lui est dû ; en Normandie, cette hypotheque du tuteur est du jour de son institution ; à Paris & ailleurs, elle n’est que du jour de la clôture de son compte.

La loi donne aussi à la femme une hypotheque pour sa dot, tant sur les biens de son mari que sur les biens de ceux qui l’ont promise, quoique cette hypotheque n’ait point été stipulée.

L’Eglise, les hôpitaux & les communautés ont pareillement une hypotheque légale sur les biens des bénéficiers & autres administrateurs du jour de leur administration.

Celui qui commet quelque crime, contracte tacitement une hypotheque tant pour les amendes que pour les intérêts.

Le maître du navire a aussi une hypotheque tacite, & même un privilege pour son fret & pour les avaries sur les marchandises qu’il a dans son navire.

Le propriétaire acquiert de même une hypotheque pour ses loyers sur les meubles des locataires & sous-locataires.

Enfin les locataires ont une hypotheque semblable pour leur legs sur les biens du testateur. Voyez le traité des hypotheques de Basnage, chap. vj. (A)

Hypotheque nécessaire est la même que l’hypotheque légale. Voyez Basnage, traité des hypotheques, ch. vj. (A)

Hypotheque privilegiée est celle qui dérive d’une cause privilegiée, & qui donne la préférence sur les créanciers qui n’ont qu’une simple hypotheque.

Telle est l’hypotheque du baillement de fond qui est préferée à tous autres pour son payement sur le fond qu’il a vendu.

Telle est aussi l’hypotheque de celui qui est créancier pour un fait de charge.

L’ordre des privileges entr’eux ne se regle pas