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sement ; elles acquierent des propriétés qu’elles n’avoient point par elles mêmes, & présentent des phénomenes extraordinaires. On peut dire en général que nulle eau n’est parfaitement pure ; elle est plus ou moins chargée de parties terreuses, de parties salines, de parties sulfureuses & métalliques, &c. ce qui vient de la disposition qu’elle a de dissoudre presque tous les corps de la nature. Toutes ces substances influent sur sa pesanteur, sur sa saveur, sur son odeur, & même sur sa couleur ; ces accidens varient en raison des proportions dans lesquelles ces matieres étrangeres se trouvent mêlées ou combinées avec les eaux.

Toutes ces circonstances ont déterminé quelques naturalistes modernes à distribuer les eaux suivant un ordre systématique, & à en faire plusieurs classes fondées sur les différentes substances auxquelles elles se trouvent jointes dans la nature. Plusieurs auteurs avoient déja donné des descriptions des eaux tant en général qu’en particulier ; & nous ne manquons point d’ouvrages qui nous parlent des eaux minérales que l’on rencontre en différens endroits du monde. Le celebre M. Wallerius, est le premier qui ait donné une division méthodique des eaux, dans son Hydrologie, dont la traduction françoise se trouve à la suite de sa Minéralogie, qui a paru à Paris en 1753. Cet habile physicien divise les eaux en deux classes générales, qui sont 1°. les eaux douces, 2°. les eaux minérales ; il soudivise les premieres en eaux du ciel & en eaux de la terre ; & les secondes en eaux minérales froides & en eaux minérales chaudes. Les eaux du ciel sont de différens genres ; il y en a de fluides, telles que l’eau de pluie, de solides ou de gelées telle que la neige. Parmi les eaux terrestres sont les eaux coulantes, les eaux stagnantes, l’eau de la mer, la glace. Les eaux minérales sont ou spiritueuses ou grossieres, ou acidules, ou thermales.

A cette distribution méthodique des eaux, M. Wallerius ajoute un appendix ou supplément, dans lequel il donne une division des eaux étrangeres, c’est-à-dire, de celles qui se trouvent dans les minéraux, les plantes, & les animaux ; il les divise en naturelles & en artificielles. Sous ces dernieres, il comprend toutes les liqueurs que l’art sait tirer des différentes substances de la nature.

Depuis M. Wallerius nous avons encore une nouvelle Hydrologie ; elle a été publiée en 1758 par M. Frédéric-Auguste Cartheuser, sous le titre de Rudimenta hydrologiæ systematicæ, & est imprimée à Francfort sur l’Oder. Cet auteur divise toutes les eaux en insipides & en sapides, c’est-à-dire, en eaux douces & en eaux minérales. Il fait trois genres des premieres ; savoir, 1°. les eaux du ciel, 2°. les eaux de la terre, & 3°. les eaux ou sucs lapidifiques. Il soudivise les eaux qui ont de la saveur, 1°. en eaux alkalines, 2°. en eaux qui contiennent du natron, 3°. en eaux muriatiques, ou qui contiennent du sel marin, 4°. en eaux martiales, ou chargées de fer, 5°. en eaux cuivreuses, 6°. en eaux sulfureuses. 7°. en eaux bitumineuses, 8°. en eaux savoneuses, auxquelles il joint les eaux alumineuses.

Telles sont les divisions systématiques des eaux que l’on nous a données jusqu’à présent, ainsi que toutes les méthodes : elles sont sujettes à un grand nombre d’objections ; cependant elles ont l’avantage de guider la mémoire de ceux qui s’appliquent à l’étude de l’histoire naturelle. (—)

HYDROMANTIE, s. f. l’acte ou l’art de prédire l’avenir par le moyen de l’eau. Voyez Divination. Ce mot est grec & composé d’ὕδωρ, eau, & μαντεία, divination.

L’Hydromantie est une des quatre especes générales de divination ; les trois autres ont chacune rap-

port à un des élémens, le feu, l’air, la terre ; & on

les appelle Pyromancie, Aëromancie, Géomancie.

Varron dit que l’Hydromantie a été inventée par les Perses, & que Numa Pompilius & Pythagore s’en sont fort servis. Voyez Hydatoscopie.

Ceux qui ont écrit sur l’Optique, nous ont donné la description de plusieurs machines qui sont d’usage dans cette science.

Pour construire une machine hydromantique, par le moyen de laquelle on fera perdre une image ou un objet de vûe au spectateur, & on le lui fera appercevoir de nouveau sans changer la position de l’un ou de l’autre : prenez deux vaisseaux ABF, & CGMK (Pl. hydraul. fig. 31.), dont l’un soit plus haut que l’autre ; remplissez le premier d’eau, & soutenez le sur trois petits piliers, dont l’un doit être creux & muni d’un robinet B ; partagez le vaisseau le plus bas CM en deux parties par une cloison HI, & adaptez un robinet à celle d’en-bas pour pouvoir l’ouvrir & fermer à plaisir.

Placez un objet sur la cloison que le spectateur placé en O, ne pourra appercevoir par le rayon direct NL.

Si l’on ouvre le robinet B, l’eau descendant dans la cavité CI, le rayon NL s’éloignera de la perpendiculaire, & réfléchira vers O, & le spectateur appercevra l’objet par le rayon rompu NO. Si l’on ferme le robinet B, & que l’on ouvre celui qui est marqué par la lettre P, l’eau descendra dans la cavité la plus basse HI ; la réfraction cessera, & il ne viendra aucun rayon de l’objet à l’œil. Mais en fermant de nouveau le robinet P, & ouvrant l’autre B, la cavité se remplira de nouveau, & l’on appercevra l’objet comme auparavant. Voyez Réfraction.

Pour construire un vaisseau hydromantique qui représente les objets extérieurs comme s’ils nageoient dans l’eau, prenez un vase cylindrique ABCD (Pl. hydraul. fig. 32.) partagé en deux par un verre EF, qui ne soit pas exactement poli : appliquez au point G une lentille convexe des deux côtés, & inclinez en H un miroir plan de figure elliptique sous un angle de 45 degrés ; que IH & HG soient un peu moindres que la distance du foyer de la lentille G ; en sorte que l’image de l’objet puisse passer à travers dans la cavité du vaisseau supérieur ; noircissez la cavité intérieure, & remplissez celle de dessus d’eau bien claire.

Ces machines appartiennent à l’hydromantie considérée comme une branche de l’histoire naturelle ; mais, pour y revenir entant qu’elle est divination, nous ajoûtons après Delrio qu’il y a plusieurs especes d’hydromantie, dont voici les principales.

1°. Lorsqu’à la suite des invocations, & autres cérémonies magiques, on voyoit écrits sur l’eau les noms des personnes, ou des évenemens, qu’on désiroit de connoître, ordinairement ces noms se trouvoient écrits à rebours, au moins se rencontrerent-ils de la sorte dans l’évenement que cite Delrio, d’après Nicephore Choniate. Annal. lib. II.

2°. On s’y servoit d’un vase plein d’eau, & d’un anneau suspendu à un fil, avec lequel on frappoit un certain nombre de fois les côtés du vase.

3°. On jettoit successivement, mais à peu de tems l’une de l’autre, trois petites pierres, dans une eau tranquille & dormante, & des cercles que formoit la surface de cette eau, aussi-bien que de leur intersection, on tiroit des présages pour l’avenir.

4°. On examinoit avec soin les divers mouvemens & l’agitation des flots de la mer ; les Siciliens & les Eubéens étoient fort adonnés à cette superstition, & quelques chrétiens orientaux ont eu celle de baptiser tous les ans la mer, comme si c’étoit un être animé & raisonnable ; mais ce n’en est pas