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dustrie de M. Colbert à en trouver les fonds ; on prétend cependant que la dépense de ce port n’excéderoit pas celle de vingt vaisseaux de ligne ; son entretien seroit moins coûteux, & la force de cette position équivaudroit à celle de vingt vaisseaux, lorsque les François en auroient soixante & dix en mer. (D. J.)

HOUILLE, (Hist. nat.) nom que l’on donne en Flandre, en Hainault & dans le pays de Liége, au charbon de terre. Voyez Charbon-fossile.

On connoissoit depuis long-tems les cendres de charbon de terre qui se tiroient de Mons : l’usage en a presque cessé, depuis qu’en 1731 il s’est formé à Valenciennes une compagnie pour tirer de Hollande les cendres provenant d’une terre grasse qui fait le chauffage des Hollandois sous le nom de tourbes ; ce sont ces cendres que l’on appelle cendres de mer : on en a fait depuis un commerce très-considérable dans l’Artois, le Hainault, le Cambresis, & dans la partie de la haute Picardie, qui est de notre généralité, où le prix & l’éloignement de ces cendres ont empêché que l’usage n’en devînt plus commun & plus étendu.

A l’imitation de ces cendres de tourbes d’Hollande, on en a fait à Amiens des tourbes de ce pays, dont le débit a eu aussi beaucoup de succès, quoiqu’elles ne paroissent pas avoir autant de qualité que les cendres de Hollande.

Des hasards heureux ont enfin découvert une matiere encore plus utile. Ce sont des mines de terre de houille, qui se sont trouvées à 20, 30, 40 piés de profondeur ; à Beaurains, près de Noyon, en 1753, après avoir cherché long-tems & inutilement du charbon de terre ; en 1756, près de Laon, sur les terroirs de Suzy, Faucoucourt & Cessieres, qui se touchent & ne sont séparés que par un ruisseau ; ce fut en déblayant des terres propres aux verreries ; enfin, au détroit d’Anois & de Rumigny, près de Ribemont, en cherchant de même des mines de charbon de terre.

Différens cultivateurs & laboureurs ayant pensé que ces terres noirâtres & brûlantes contenoient des sels propres à la végétation, comme les cendres de mer, les mirent en cendres, ils en répandirent sur leurs terres ensemencées & dans leurs prairies. Le succès en fut si heureux, qu’il fut bientôt imité ; ce qui engagea plusieurs personnes à demander la permission & le privilege de l’exploitation de ces mines, laquelle, comme de toutes les autres mines, ne peut être faite que par la permission du Roi, suivant l’Arrêt du Conseil de 1744.

Ces permissions d’exploitation ont été accordées après l’examen des effets & de la qualité de la houille de chacune de ces mines.

Il résulte de cet examen, que l’on s’est servi en Angleterre & en Flandres des cendres de charbon de terre pour augmenter la production des prairies ; que les cendres de tourbes, nommées en Hollande cendres de mer, ont été employées depuis pour les prairies & les terres semées en grains de fourrages ; que l’on s’est servi de même des cendres de tourbes d’Amiens & d’autres pays, & que les terres & cendres de houille découvertes dans cette généralité aux trois endroits désignés ci-dessus, paroissent devoir y être préférées, tant par la proximité que par leur effet, parce qu’elles ont plus de qualité bitumineuse, qui est le plus sûr engrais des terres.

L’emploi de ces différentes cendres prouve en général que tout engrais salin & bitumineux est préférable à une terre aride, telle que la marne ou le cran, dont l’effet n’est que de dilater les terres tenaces en se dilatant elle-même dans les temps humides. L’usage de la marne, qui est fort chere, a été même reconnu pour être dangereux. Les terres houilles sont

sulphureuses & bitumineuses ; en les décomposant on y trouveroit du vitriol, & peut-être de l’alun, mais point de nitre : la partie bitumineuse est l’engrais véritable.

Cette terre houille, si on la laisse en tas pendant quelques jours en sortant de la mine, s’échauffe, s’allume d’elle-même, brûle ce qu’elle touche, & répand au loin une odeur de soufre.

Pour la réduire en cendres on la met dans des fossés, où elle fermente & s’allume sans flamme apparente. S’il y avoit du nitre, il produiroit de la flamme.

On peut employer cette terre houille, ou comme elle sort de la mine, sans avoir été brûlée ni calcinée, ou lorsqu’elle a été brûlée & réduite en cendres.

Quand on l’emploie sans avoir été brûlée, il faut l’écraser en poudre grossiere, & n’en couvrir le champ que de l’épaisseur d’un pouce ; car étant ainsi crue, & ayant encore l’acide sulphureux ou vitriolique, qui ne se consume que par le feu, elle pourroit, en s’échauffant, s’allumer, si on en répandoit de l’épaisseur de cinq à six pouces ; ce qui arrêteroit la production des grains au lieu de lui être favorable.

L’effet de ces terres non brûlées est que les pluies du printems développant peu à peu l’acide sulphureux, il trouve pour base la terre même qu’on veut amender ; il forme avec le bitume un nouveau composé, qui est l’engrais qu’on desire.

La seconde façon de s’en servir, est de l’employer en cendres, après que cette terre a été brûlée & calcinée ; on peut pour lors en mettre une plus grande quantité, parce que le soufre étant évaporé par le feu, & n’y ayant plus que le bitume (véritable engrais), on n’a plus à craindre une fermentation tendante à l’inflammation, capable de dessécher les grains, au lieu d’être favorable à leur développement.

Une des manieres des plus commodes & des plus sûres pour répandre ces cendres également, est de faire marcher parallelement deux ou trois hommes tenant en leurs mains des tamis peu serrés, & les frappant l’un contre l’autre.

Tout le monde peut éprouver si les terres noires, que l’on croit être des terres de houille, en sont véritablement. Prenez-en un morceau, gros comme un melon ; placez-le, sans le rompre, sur la braise de l’atre de la cheminée ; si c’est de la terre houille, il s’y allumera comme l’amadou sans flamme, répandant une odeur de soufre suffoquante : s’il s’éleve de la flamme, la terre sera trop sulphureuse, & il ne faudra jamais s’en servir que brûlée & réduite en cendres : retirez ce morceau à demi embrasé, & mettez-le sur un plat de terre à l’air, l’odeur suffoquante disparoîtra, & l’on sentira une odeur douce de bitume terrestre : cette terre continuera de brûler lentement, puis s’éteindra, laissant une masse très-friable de couleurs variées, dont la dominante est le noir. Si on la brûloit davantage, elle ne vaudroit plus rien, parce que le bitume, véritable engrais, en seroit consumé.

M. Hellot, auteur du rapport qui précede, a fait une expérience qu’il rapporte en ces termes. « J’ai mis, dit-il, un demi pouce de terre houille crue, au mois de Juin dernier, sur trois petites caisses d’orangers, dont les feuilles étoient tombées, & qui étoient prêts à périr ; j’ai arrosé tous les jours d’un verre d’eau ; au quinze Septembre les trois petits oranegrs avoient depuis 22 jusqu’à 35 feuilles, & de nouvelles branches ».

On ne peut fixer généralement la quantité que l’on doit employer, soit des terres houilles non brûlées, soit de celles qui sont réduites en cendres ; cela dépend des différens genres de productions & des dif-