Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cercles & épisticules (apparemment épicycles), & différences par multiplication des roes sans nombre, avec toutes leurs parties, & a chacune planete en ladite espere, particuliérement son mouvement.

» Par telle nuit on peut voir clairement en quel signe & degré les planetes sont, & étoiles solempnelles du ciel. Et est faite si soubtilement cette espere, que nonobstant la multitude des roes, qui ne se pourroient nombrer bonnement, sans défaire l’instrument ; tout le mouvement d’icelle est gouverné par un tout seul contrepoids, qui est si grant merveille, que les solempnels Astronomiens de loingtaines régions viennent visiter à grant révérence ledit maistre Jehan, & l’œuvre de ses mains ; & dient tous les grant clercs d’Astronomie, de Philosophie & de Medecine, qu’il n’est mémoire d’homme, par escript ne autrement, que en ce monde, ait fait si soubtil, ne si soulempnel instrument du mouvement du ciel, comme l’orloge desusdit ; l’entendement soubtil dudit maistre Jehan, il, de ses propres mains, forgea ladite orloge, toute de laiton & de cuivre, sans aide de nulle autre personne, & ne fit autre chose en seize ans tout entiers, si comme de ce a été informé l’écrivain de cestuy livre, qui a eu grant amistié audit maistre Jehan ».

Ce récit simplifié en deux mots, nous apprend que l’horloge de Jacques de Dondis, né à Padoue, marquoit outre les heures, le cours annuel du soleil suivant les douze signes du zodiaque, avec le cours des planetes. Cette horloge merveilleuse, qui fut placée sur la tour du palais de Padoue en 1344, valut à son auteur & à tous ses descendans, le surnom de Horologius, qui dans la suite prit la place du nom même. Cette famille subsiste encore avec honneur en deux branches, l’une aggrégée au corps des Patriciens, & l’autre décorée du titre de marquis.

L’horloge de Dondis excita l’émulation des ouvriers dans toute l’Europe ; on ne vit plus que des horloges à roues, à contrepoids & à sonnerie, en Allemagne, en France & ailleurs. L’horloge de Courtray fut une de celles qui fut le plus célébrée ; Philippe le Hardi duc de Bourgogne, la fit démonter en 1363, & emporter par charrois à Dijon, où il la fit remonter. C’est l’ouvrage le plus beau, dit Froissart, qu’on pût trouver deçà ni delà la mer ; entre les pieces singulieres de cette horloge, décrite par le même auteur, il y avoit vingt-quatre brochettes, qui devoient apparemment servir à faire sonner les heures, ou du-moins à les indiquer.

La France ne fut pas moins curieuse que les autres pays, à se procurer des horloges à la nouvelle mode. Paris montra l’exemple par celle du palais qui est la premiere grosse horloge que la capitale du royaume ait possédée. Elle fut faite par Henri de Vic, que Charles V. fit venir d’Allemagne ; il assigna six sols parisis à cet ouvrier, & lui donna son logement dans la tour, sur laquelle l’horloge fut placée en 1370. L’horloge du château de Montargis fut faite vers l’an 1380 par Jean Jouvence.

Mais Nuremberg, ville où les ouvriers se sont toujours signalés par une adresse industrieuse, se distingua singuliérement par la variété de méchanique qu’elle mit dans les horloges de sa façon, Pontus de Thyard, mort évêque de Châlons, rapporte en avoir vû où les heures de chaque jour & de chaque nuit, de quelque durée que fussent l’une & l’autre, y étoient séparément divisées en douze parties égales. M. Fardoit, mort il y a environ quarante-cinq ans, a renouvellé de nos jours cette invention. Il a fait une horloge où le cadran marque deux fois douze heures, séparément sur deux especes d’éventails, dont les branches de l’un s’écartent, à proportion que

celles de l’autre se rapprochent, l’une & l’autre alternativement selon la durée des heures qui suit celle des jours & des nuits ; cette horloge étoit dans le cabinet de M. d’Onsembray mort en 1754.

On juge bien que l’Horlogerie ne tomba pas en Italie : l’horloge de Dondis, qui y avoit été tant admirée, excita l’émulation d’un habile ouvrier, qui en 1402 en fit une à Pavie presque toute semblable, & fort promptement, sous la protection de Jean Galéas Visconti.

Dans le tems de Louis XI. c’est-à-dire sur le déclin du xv. siecle, il falloit qu’il y eût des horloges portatifs à sonnerie. Un gentilhomme ruiné par le jeu, étant entré dans la chambre de ce prince, prit son horloge, & la mit dans sa manche, où elle sonna : Louis XI. dit du Versdier, non-seulement lui pardonna le vol, mais lui donna généreusement l’horloge. Carovagius sur la fin du même siecle, fit un réveil pour André Alciat, lequel réveil sonnoit l’heure marquée, & du même coup battoit le fusil, & allumoit une bougie.

Vers le milieu du xvj. siecle, la méchanique des grosses horloges s’étendit, & se perfectionna par-tout. Henri II. fit faire celle d’Anet, qui fut admirée. Celle de Strasbourg, achevée en 1573, soutient encore aujourd’hui sa premiere réputation, & passe pour une des plus merveilleuses de l’Europe, comme celle de Lyon passe pour la plus belle de France. L’horloge de Lyon fut construite par Nicolas Lippius de Basle, en 1598, rétablie & augmentée en 1660, par Guillaume Nourrisson, habile horloger lyonnois.

Derham fait une mention très-honorable de l’horloge de la cathédrale de Limden en Suede, laquelle, selon la description qu’en donne le docteur Heylin, n’est point inférieure à celle de Strasbourg. En un mot, on ne peut douter qu’il n’y ait dans diverses villes de l’Europe, beaucoup d’horloges de ces derniers siecles, d’une structure très-curieuse.

Il paroît même qu’on n’a pas tardé d’exécuter en petit des horloges merveilleuses. Pancirolle assure que de son tems, c’est-à-dire sur la fin du xv. siecle, l’on exécutoit de telles horloges de la grosseur d’une amande, que l’on pouvoit porter au col. Un nommé Myrmécide se distingua dans ce genre de travail ; ces derniers siecles ont eu leurs Myrmécides ; mais toutes ces petites machines, qui prouvent l’adresse & l’industrie de l’ouvrier, ne sont ni de durée, ni d’un goût éclairé, parce que le violent frottement des pieces qui les composent, augmente à proportion de l’augmentation des surfaces qui suit leur petitesse. (D. J.)

* Horloge, (Machin.) quoique ce terme s’entende en général de toute machine, qui par l’engrainement de ses roues sert à mesurer ou à indiquer les différentes parties du tems ; il se dit cependant plus particuliérement de celles que l’on place dans les clochers des églises, des châteaux, dans les salles & sur les escaliers, & qu’on appelle horloges à pié ou de chambre.

Dans les commencemens on les appella cadrans nocturnes, pour les distinguer des cadrans solaires.

Quoique ces mesures du tems aient toujours été en se perfectionnant depuis le tems de leur invention, elles étoient encore fort imparfaites vers le milieu du siecle passé. Mais dès que Huyghens eut imaginé ou perfectionné la maniere de substituer la pendule au balancier, on les vit dans peu de tems parvenir à un degré de justesse qu’on n’auroit osé espérer sans cette heureuse découverte. Voyez l’article Horlogerie.

Une horloge, comme on l’a dit, étant une machine qui doit avoir un mouvement égal & d’une assez grande durée pour pouvoir mesurer le tems, on voit qu’il faut d’abord produire du mouvement, & le dé-