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Dans la suite, il parut injuste que le commun du peuple fût puni plus rigoureusement que les personnes élevées en dignité ; c’est pourquoi il fut résolu que la peine de mort seroit générale pour toutes les personnes qui se rendroient coupables de meurtre ; & quoique Cornelius Sylla n’ait point été l’auteur de tous les changemens que sa loi éprouva, néanmoins toutes les nouvelles dispositions que l’on y ajoûta en divers tems, furent confondues avec la loi Cornelia, de sicariis.

On tenoit pour sujets aux rigueurs de la loi Cornelia, de sicariis, non seulement ceux qui avoient effectivement tué quelqu’un, mais aussi celui qui, à dessein de tuer, s’étoit promené avec un dard, ou qui avoit préparé du poison, qui en avoit eu ou vendu. Il en étoit de même de celui qui avoit porté faux témoignage contre quelqu’un, ou si un magistrat avoit reçû de l’argent pour une affaire capitale.

Les senatusconsultes mirent aussi au nombre des meurtriers ceux qui auroient châtré quelqu’un, soit par esprit de débauche, ou pour en faire trafic, ou qui auroient circoncis leurs enfans, à moins que ce ne fussent des Juifs, enfin tous ceux qui auroient fait des sacrifices contraires à l’humanité.

On exceptoit seulement de la loi Cornelia ceux qui tuoient un transfuge, ou quelqu’un qui commettoit violence, & singulierement celui qui attentoit à l’honneur d’une femme.

Les anciennes lois des Francs traitent du meurtre, qui étoit un crime fréquent chez les peuples barbares.

Les capitulaires défendent tout homicide commis par vengeance, avarice, ou à dessein de voler. Il est dit que les auteurs seront punis par les juges du mandement du roi, & que personne ne sera condamné à mort que suivant la loi.

Celui qui avoit tué un homme pour une cause légere ou sans cause, étoit envoyé en exil pour autant de tems qu’il plaisoit au roi. Il est dit dans un autre endroit des capitulaires, que celui qui avoit fait mourir quelqu’un par le fer, étoit coupable d’homicide, & méritoit la mort ; mais le coupable avoit la faculté de se racheter, en payant aux parens du défunt une composition appellée vuirgildus, qui étoit proprement l’estimation du dommage causé par la mort du défunt ; on donnoit ordinairement une certaine quantité de bétail, les biens du meurtrier n’étoient pas confisqués.

Pour connoître si l’accusé étoit coupable de l’homicide qu’on lui imputoit, on avoit alors recours aux différentes épreuves appellées purgation vulgaire, dont l’usage continua encore pendant plusieurs siecles.

Suivant les établissemens de S. Louis, quand un homme, en se battant, en tuoit un autre qui l’avoit blessé auparavant, il n’étoit pas condamné à mort ; mais si un des parens de l’homicidé assûroit que le défunt l’avoit chargé de venger sa mort, on ordonnoit le duel entre les parties, & le vaincu étoit pendu.

On trouve encore, dans les anciennes ordonnances, plusieurs dispositions assez singulieres par rapport à l’homicide.

Par exemple, à Abbeville, suivant la charte de commune donnée à cette ville par le roi Jean en 1350, si un bourgeois en tuoit un autre par hasard ou par inimitié, sa maison devoit être abattue ; si on pouvoit l’arrêter, les bourgeois lui faisoient son procès ; s’il s’échapoit, & qu’au bout d’un an il implorât la miséricorde des échevins, il devoit d’abord recourir à celle des parens ; s’il ne les trouvoit pas, après s’être livré à la miséricorde des échevins, il pouvoit revenir dans la ville, & si ses ennemis l’attaquoient, ils se rendoient coupables d’homicide.

Dans des lettres de Guy, comte de Nevers, de l’année 1231, confirmées en 1356 par Charles, régent du royaume, il est dit que l’on pourra arrêter les bourgeois de Nevers accusés d’homicide, lorsqu’il se présentera quelqu’un qui s’engagera à prouver qu’ils l’ont commis, ou qu’ils auront été pris sur le fait, & que l’on pourra les tirer hors de leur jurisdiction.

Dans des lettres que le même prince donna l’année suivante, en faveur des habitans de Villefranche en Périgord, il est dit que les biens d’un homicide condamné à mort dans cette ville, appartenoient au roi, les dettes du condamné préalablement payées.

A Peronne, suivant la charte de commune donnée à cette ville par Philippe-Auguste, & confirmée par Charles V. en 1368, celui qui tuoit dans le château ou dans la banlieue de Peronne un homme de la commune de ce lieu, étoit puni de mort, à moins qu’il ne se réfugiât dans une église ; sa maison étoit détruite, & ses biens confisqués. S’il s’échappoit, il ne pouvoit revenir dans le territoire de la commune qu’après s’être accommodé avec les parens, & en payant à la commune une amende de dix livres. La même chose s’observoit aussi à cet égard dans plusieurs autres lieux. Quand l’accusé de meurtre ne pouvoit être convaincu, il devoit se purger par serment devant les échevins.

La charte de commune de Tournay, qui est de l’année 1370, porte que si un bourgeois ou habitant de Tournay blesse ou tue un étranger qui l’a attaqué, il ne sera point puni & que ses biens ne seront point confisqués ; parce que les biens d’un étranger qui, en se défendant, auroit tué un bourgeois ou un habitant de Tournay, ne seroient pas confisqués ; que les bourgeois & habitans de Tournay qui, en se défendant, auront blessé ou tué un étranger qui les aura attaqués, pourront, après s’être accommodés avec la partie, obtenir du roi des lettres de grace, & être rétablis dans l’habitation de cette ville.

Suivant l’usage présent, tout homme qui en tue un autre, mérite la mort ; le crime est plus ou moins grave, selon les circonstances : l’assassinat prémédité est de tous les homicides le plus criant, aussi n’accorde-t-on point de lettres de grace à ceux qui en sont auteurs ou complices.

L’édit d’Henri II. du mois de Juillet 1557 prononce en ce cas la peine de mort sur la roue, sans que cette peine puisse être commuée ; ce qui est confirmé par l’ordonnance de Blois, art. cxcjv. qui défend d’accorder pour ce crime aucunes lettres de grace.

L’article suivant concernant ceux qui se louent pour tuer, battre & outrager, veut que la seule machination & attentat soit puni de mort, encore que l’effet n’eût pas suivi.

Ces lettres de remission s’accordent pour les homicides involontaires, ou qui sont commis dans la nécessité d’une légitime défense de la vie. Voyez l’ordonnance de 1670, tit. xvj. art. ij. & jv.

L’homicide volontaire de soi-même étoit autrefois autorisé chez quelques nations, quoique d’ailleurs assez policées ; c’étoit la coûtume dans l’île de Céa, que les vieillards caducs se donnassent la mort. Et à Marseille, du tems de Valere-Maxime, on gardoit publiquement un breuvage empoisonné que l’on donnoit à ceux qui ayant exposé au sénat les raisons qu’ils avoient de s’ôter la vie, en avoient obtenu la permission. Le sénat examinoit leurs raisons avec un certain tempérament, qui n’étoit ni favorable à une passion téméraire de mourir, ni contraire à un desir légitime de la mort, soit qu’on voulût se délivrer des persécutions & de la mauvaise fortune, ou qu’on ne voulût pas courir le risque d’être abandonné de son bonheur ; mais ces principes contrai-