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Cléetus, grand statuaire & grand architecte, en avoit donné le dessein.

Cette place avoit quatre cens piés de long ; large à son entrée, elle se rétrécissoit peu-à-peu vers l’hippodrome, où elle se terminoit en éperon de navire ; M. l’abbé Gédoin en a fait graver la représentation dans une planche qu’il a jointe à son élégante traduction de Pausanias. On y voyoit dans toute sa longueur, à droite & à gauche, des remises, sous lesquelles se rangeoient les chars & les chevaux chacun dans celle que le sort lui avoit assignée ; ils y demeuroient quelque tems renfermés par de longues cordes tendues d’un bout à l’autre : un dauphin s’abattoit de dessus la porte qui conduisoit à l’hippodrome ; les cordes qui fermoient les remises, s’abattoient aussi, & les chars en sortant de chaque côté, alloient en deux files occuper leurs places dans la carriere, où ils se rangeoient tous sur une même ligne, & avoient tous à peu-près le même espace à parcourir.

Il s’agit à présent de déterminer la forme de l’hippodrome. C’étoit un quarré long, à l’extrémité duquel étoit la borne, placée au milieu de la largeur, dans une portion d’un quarré beaucoup plus petit ; ou, si l’on veut, dans un σῖγμα antique renversé, qui la resserroit tellement, que soit à côté, soit derriere, il n’y pouvoit passer qu’un seul char de front.

L’exactitude d’Homere ne lui a pas permis de supprimer deux remarques assez légeres ; l’une, que le terrain de l’hippodrome étoit uni, & l’autre, qu’on devoit sur-tout prendre garde à bien applanir les environs de la borne ; mais une troisieme observation plus importante que nous lui devons, & qui résulte aussi de la description de Sophocle, c’est qu’à la suite du terre-plain de l’hippodrome regnoit une tranchée d’une pente douce qui le terminoit dans sa largeur ; cette tranchée étoit absolument nécessaire dans le cas où l’un des chars viendroit à se briser contre la borne, autrement cet accident auroit mis fin à la course.

Ceux qui se trouvoient à la suite du char brisé, descendoient alors dans le fossé ; & en le parcourant, du moins en partie, ils faisoient le tour de la borne de l’unique maniere qui leur fût possible. Ceux qui n’étant pas assez maîtres de leurs chevaux, ou n’ayant pas bien dirigé leurs courses vers la borne, étoient emportés dans cette tranchée, regagnoient le haut le plûtôt qu’ils pouvoient ; mais ils étoient exposés à se laisser enlever, par ceux qui les suivoient, l’avantage qu’ils avoient eu sur eux dans la plaine ; c’est pour cela qu’on tâchoit de modérer ses chevaux, & d’employer toute son adresse pour enfiler juste la borne.

Les hellanodices, qui distribuoient le prix au vainqueur, étoient assis à l’une des extrémités de l’hippodrome, à côté de l’endroit ou se terminoit la course. Toute l’enceinte de la lice étoit fermée par un mur à hauteur d’appui, ou par une simple barricade, le long de laquelle se rangeoit la foule des spectateurs.

Les monumens qu’on érigeoit dans les hippodromes n’y apportoient que des décorations, & point de changemens, étant toujours placés aux extrémités. Il y en avoit un dans le stade d’Olympie qu’on disoit être le tombeau d’Endymion, mais il étoit dans l’enceinte qui précédoit l’hippodrome. C’étoit aussi à la sortie de cette enceinte qu’on voyoit un autre monument, auquel une folle superstition attribuoit la propriété de troubler & d’épouvanter les chevaux, & qu’on nommoit par cette raison taraxippus : mais ce trouble, cette épouvante, avoit une cause naturelle ; il eût été difficile que de fiers coursiers ne s’agitassent pas en passant de dessous des remises & d’une cour étroite dans un lieu spacieux, où la vue de ce monument, érigé en face de

la porte, les frappoit d’abord, & dans lequel on les contraignoit de tourner sur les côtés.

Il ne faut pas juger des hippodromes de la Grece par le cirque de Rome, au milieu duquel on avoit érigé des obélisques & des autres monumens, parce que le cirque différoit des hippodromes dans son usage autant que dans sa disposition générale. Le nombre de ceux qui couroient à la fois dans le cirque étoit déterminé, d’où vient que Domitien y donna cent courses de chars en un jour, & cette différence pouvoit seule en amener plusieurs autres. Ce que nous disons du cirque de Rome, convient également à l’hippodrome de Constantinople, & même à celui d’Athènes, tel que l’a vu M. l’abbé Fommont ; ce qui montre qu’on fit quelques changemens dans ce dernier, pour y observer les mêmes loix que dans la capitale de l’empire.

Au reste, on ne peut qu’être frappé des dangers de la course des chars dans l’hippodrome, sur-tout quand il s’agissoit de faire six fois le tour de la borne ; de plus, avant que d’y arriver, la course en char étoit une suite de dangers continuels : non seulement Oreste périt à cette borne fatale ; mais au milieu de cette même course, les chevaux mal embouchés d’un Eniane l’emportent malgré lui, & vont heurter le char d’un Barcéen ; les deux chars sont froissés, & leurs conducteurs ne pouvant soutenir un si rude choc, sont précipités sur la place.

Cependant, ceux qui s’exposoient à ces dangers, les envisageoient bien moins que la gloire qui en étoit le prix ; l’honneur qu’ils en retiroient, étoit proportionné à la grandeur & à la multiplicité des périls ; & Nestor ne craint pour un fils qu’il aime que la seule honte, au cas qu’il ait le malheur de briser son char, & de blesser ses chevaux. (D. J.)

Hippodrome de Constantinople, (Antiq.) cirque que l’empereur Sévere commença, & qui ne fut achevé que par Constantin ; il servoit pour les courses de chevaux, & pour les principaux spectacles. Ce cirque, dont la place subsiste toujours, a plus de 400 pas de longueur sur 100 pas de largeur. Il prit le nom d’hippodrome sous les empereurs grecs ; & les Turcs, qui l’appellent atméidan, n’ont presque fait que traduire le nom de cette place en leur langue, car at chez eux signifie un cheval, & méidan une place.

Les jeunes Turcs, qui se piquent d’adresse, s’assembloient autrefois à l’atméidan un jour de la semaine, au sortir de la mosquée, bien propres & bien montés, se partageoient en deux bandes, & s’exerçoient dans ce cirque à des especes de courses, où, comme les anciens désalteurs, ils passoient par dessous le ventre de leurs chevaux, & se remettoient sur la selle avec une adresse étonnante ; mais ce qui parut plus singulier à M. de Tournefort, ce fut d’en voir qui, renversés sur la croupe de leurs chevaux courans à toute bride, tiroient une fleche, & donnoient dans l’un des fers de derriere de leur même cheval.

L’obélisque de granique ou de pierre thébaïque, dont les historiens ont parlé, étoit encore élevé dans l’atméidan au commencement de ce siecle ; c’est, dit M. de Tournefort, une pyramide à quatre coins d’une seule piece, haute d’environ 50 piés, terminée en pointe, chargée d’hiéroglyphes ; les inscriptions greques & latines qui sont à sa base, marquent que Théodose la fit élever. Après qu’elle eut resté long-tems à terre, les machines même que l’on y employa pour la mettre sur pié sont représentés dans un bas-relief, & l’on voit dans un autre la représentation de l’hippodrome, tel qu’il étoit, lorsqu’on y faisoit les courses chez les anciens.

A quelques pas de-là sont les restes d’un autre obélisque, (colossus structilis) à quatre faces, bâti