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à quoi on doit ajouter les variations inévitables, suite de l’incorrection des copies multipliées. On peut consulter sur les mots obscurs les Dictionnaires interprétatifs qu’en ont donnés Erotien & Galien, que l’on trouve à la suite de plusieurs des commentaires sur Hippocrate, tels que ceux de Foësius & de Mercurial.

On ne rapportera pas ici tout ce que les critiques ont dit touchant la distinction des véritables écrits d’Hippocrate d’avec les faux ou les supposés : on remarquera seulement qu’il y en avoit plusieurs de suspects dès le tems d’Erotien & de Galien entre ceux dont ils rapportent les titres. Quelques-uns de ces ouvrages étoient déja attribués en ce tems-là aux fils d’Hippocrate, les autres à son gendre, ou à son petit-fils, ou à ses disciples, & même à quelques philosophes ses prédecesseurs ou ses contemporains. Pour s’éclaircir à fond sur ce sujet, on peut consulter avec satisfaction le jugement qu’en a porté Mercurial entr’autres auteurs qui en ont traité.

En général, on ne peut ici qu’indiquer les sources où il faut puiser pour apprendre à connoître l’Hippocratisme, & ce qui y a rapport : les bornes de cet ouvrage n’ont pas même permis de donner un abrégé de cette admirable doctrine, qui, pour qu’elle soit susceptible d’être bien saisie, ne doit point être exposée imparfaitement ; d’ailleurs la meilleure maniere d’étudier Hippocrate est de l’étudier lui-même dans ses œuvres, dont l’édition la plus estimée est celle de Foësius, en grec & en latin. On peut en trouver un précis, tant historique que dogmatique, qui passe pour être très-bien fait, dans l’histoire de la Medecine de le Clerc. L’auteur du discours sur l’état de la Medecine ancienne & moderne, que l’on a traduit de l’Anglois, en a aussi donné une idée assez exacte. On a beaucoup tiré de ces deux ouvrages pour la matiere de cet article.

Il doit paroître bien surprenant à ceux qui savent combien est fondé tout ce qui vient d’être dit sur l’excellence & la réputation de la doctrine d’Hippocrate, qu’il ne se trouve qu’un très-petit nombre d’auteurs qui ayent senti la nécessité, pour l’avancement de l’art, & qui se soient fait un devoir de marcher sur les traces du seul vrai maître que la nature avoue pour son interprete. Sydenham, Baglivi & Boerhaave sont presque les seuls, & sur-tout le premier (qui a été nommé par cette raison l’Hippocrate anglois), qui ayent paru véritablement convaincus de l’importance & de l’utilité de l’Hippocratisme dans la théorie & la pratique de la Medecine, & qui ayent agi en conséquence à l’égard d’une doctrine dont l’expérience & la raison n’ont jamais discontinué dans aucun tems, dans aucun lieu, de confirmer les principes & l’autorité, parce qu’elle n’est fondée que sur l’observation la plus exacte des faits constamment vérifiés pendant une longue suite de siecles.

HIPPOCRENE, s. f. (Géogr. anc.) c’est-à-dire, la fontaine du cheval Pégase, & dans Perse Caballinus fons, fontaine de Grece dans la Béotie. Pline, liv. IV. chap. vij. nommant les fontaines qui étoient dans cette province, dit : Œdipodie, Psamathé, Dircé, Epicrane, Aréthuse, Hippocrene, Aganippe & Gargaphie.

L’Hippocrene, si vantée par les poëtes de tout pays, & dont il suffit d’avoir bû pour faire d’excellens vers, étoit sur le penchant de l’Hélicon ; cependant Pausanias, qui a décrit avec un détail extrême jusqu’aux moindres statues que les anciens avoient érigés sur cette montagne, ne fait aucune mention de l’Hippocrene, quoiqu’il parle de l’Aganippe, fontaine sur la gauche quand on alloit dans le bois solitaire, particulierement consacré aux Muses. (D. J.)

HIPPODROME, s. m. (Hist. anc.) lieu destiné chez les Grecs aux courses de chevaux ; le mot l’indique, ἵππος, cheval, & δρόμος, place publique où l’on court.

Les Romains ne firent que latiniser le mot δρόμος en dromus : celui qui chez eux avoit le soin de tenir la place nette & dégagée, étoit nommé procurator dromi, comme on le voit dans cette description citée par Gruter.

L’hippodrome étoit composé de deux parties : la premiere, plus longue que l’autre, étoit une terrasse faite de main d’hommes, & la seconde étoit une colline de hauteur médiocre.

Comme les courses de chevaux avoient rarement lieu dans les tems héroïques, & qu’on n’en faisoit qu’à l’occasion de quelque événement remarquable, on choisissoit, pour les faire, des places d’autant plus spacieuses que ces places demeuroient dans le commerce ordinaire des hommes, & qu’on pouvoit toujours également les cultiver : ce ne fut plus la même chose dans les tems postérieurs, quand les jeux devinrent périodiques. Les lieux où on les célebroit, furent consacrés, comme les jeux mêmes, à des divinités ou à des héros ; & par cette raison, on ne leur donna que l’étendue nécessaire, quoique d’ailleurs on ne voulût rien diminuer de l’apparat des courses que les anciens avoient imaginées, mais l’on fixa à quatre stades (chaque stade étoit de 125 pas) la longueur des places que l’on destina aux courses des chars & des chevaux, & que cette destination fit nommer hippodromes.

Cette longueur de quatre stades est celle que Plutarque donne à l’hippodrome d’Athènes, ce qui ne laisse guere de doute sur la longueur des autres hippodromes, parce que si le stade simple, comme on en convient, fut par-tout la mesure de la course à pié, il dut aussi, quatre fois répété, servir dans toute la Grece de mesure pour les courses à cheval, & pour celles des chars. Un ancien grammairien donne un stade de large à l’hippodrome d’Olympie ; & dès qu’une fois nous reconnoissons que la longueur de toutes les places destinées aux courses des chars fut la même dans la Grece, rien ne nous empêche de croire qu’elles eurent toutes aussi la même largeur.

Les hippodromes avoient une grande enceinte qui précédoit la lice au bout de la carriere. A l’un des côtés de la place étoient les siéges des directeurs des jeux près de la barriere qui fermoit la lice ; de sorte que c’étoit toujours en s’arrêtant devant ces siéges qu’on terminoit la course, & qu’on étoit couronné.

La borne de l’hippodrome s’appelloit en grec νύσσα, de νύσσω, pungo, parce que les chevaux y étoient souvent blessés, & τέρμα, parce que c’étoit la fin de la carriere, & le terme de la course. Homere a peint cette borne si desirée par les athletes dans le vingt-troisieme livre de l’Iliade, & Virgile nous apprend qu’il falloit, après y être parvenu, tourner autour, & longos circumflectere cursus ; peut-être, parce qu’on décrivoit plusieurs cercles concentriques autour de la borne, en approchant toujours de plus en plus, en sorte qu’au dernier tour on la rasoit de si près qu’il sembloit qu’on y touchât.

Quoi qu’il en soit, il s’agissoit, pour ne se pas briser, d’user de beaucoup de dextérité dans cette occasion ; & comme le péril devenoit plus grand en approchant de la fin de la carriere, c’étoit surtout alors que les trompettes faisoient entendre leurs fanfares pour animer les hommes & les chevaux ; car cette borne étoit le principal écueil contre lequel tant de gens eurent le malheur d’échouer.

L’enceinte qui précédoit l’hippodrome, & qui étoit comme le rendez-vous des chars & des chevaux, se nommoit ἱππάφεσις ; elle étoit à Olympie, en particulier, une des choses des plus dignes de la Grece.