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tendres ne peuvent s’émouvoir de trop bonne heure aux accens de la loüange.

La force des habitudes est si grande, & leur influence s’étend si loin, que si nous pouvions avoir une histoire assez fidelle de toute notre vie, & une connoissance assez exacte de notre organisation, nous y découvririons l’origine d’une infinité de bons & de faux goûts, d’inclinations raisonnables & de folies qui durent souvent autant que notre vie. Qui est-ce qui connoît bien toute la force d’une idée, d’une terreur jettée de bonne heure dans une ame toute nouvelle ?

On prend l’habitude de respirer un certain air, & de vivre de certains alimens ; on se fait à une sorte de boisson, à des mouvemens, des remedes, des venins, &c.

Un changement subit de ce qui nous est devenu familier à des choses nouvelles est toûjours pénible, & quelquefois dangereux, même en passant de ce qui est regardé comme contraire à la santé, à ce que l’expérience nous a fait regarder comme salutaire.

Une sœur de l’Hôtel-Dieu alloit chaque année voir sa famille à Saint-Germain-en-Laye ; elle y tomboit toûjours malade, & elle ne guérissoit qu’en revenant respirer l’air de cet hôpital.

En seroit-il ainsi des habitudes morales ? & un homme parviendroit-il à contracter une telle habitude du vice, qu’il ne pourroit plus être que malheureux par l’exercice de la vertu ?

Si les organes ont pris l’habitude de s’émouvoir à la présence de certains objets, ils s’émouvront malgré tous les efforts de la raison. Pourquoi Hobbes ne pouvoit-il passer dans les ténebres sans trembler & sans voir des revenans ? C’est que ses organes prenoient alors involontairement les oscillations de la crainte, auxquelles les contes de sa nourice les avoient accoutumés.

Le mot habitude a plusieurs acceptions differentes ; il se prend en Medecine pour l’état général de la machine ; l’habitude du corps est mauvaise. Voyez Habitude, (Medecine.) Il est synonyme à connoissances ; & l’on dit, il ne faut pas s’absenter long-tems de la Cour, pour perdre les habitudes qu’on y avoit. Il se dit aussi d’une sorte de timidité naturelle qui donne de l’aversion pour les objets nouveaux ; c’est un homme d’habitude ; je suis femme d’habitude ; je n’aime point les nouveaux visages ; il y en a peu de celles-là. On l’employe quelquefois pour désigner une passion qui dure depuis long-tems, & que l’usage fait sinon respecter, du-moins excuser ; c’est une habitude de vingt ans. Habitude a dans les Philosophes quelquefois le même sens que rapport ; mais alors ils parlent latin en françois.

Habitude, ἕξις, habitudo, habitus, (Medecine.) ce terme est employé dans les ouvrages qui traitent de l’économie animale, & particulierement dans ceux de Medecine, pour signifier la disposition du corps de l’animal ou de l’homme vivant, relativement à ses qualités extérieures, c’est-à-dire à celles de sa surface, qui tombent sous les sens & qui sont susceptibles de différences par rapport aux différens individus, tant dans l’état de santé, que dans celui de maladie.

Ainsi ceux qui ont la peau douce, souple, sans poil, ou au-moins très-peu velue, assez épaisse, avec une sorte de fermeté, à raison de sa tension, ont l’habitude qui accompagne l’embonpoint : ceux au contraire qui ont la peau rude, mince, fort velue, peu flexible, avec sécheresse & disposition aux rides, ont l’habitude qui se trouve ordinairement jointe à la maigreur de tempérament.

L’habitude qui réunit le plus de bonnes qualités, c’est-à-dire de celles qui accompagnent l’état de san-

té (voyez Santé), est appellée des Grecs εὐεξία, evexia ; & celle qui n’est composée que de mauvaises qualités est nommée καχεξία, cachexia.

L’habitude, comme le tempérament en général, dépend de la disposition physique des parties consistantes principalement, qui entrent dans la composition des organes, & de celle des humeurs qui s’y distribuent : en quoi l’habitude differe de la constitution ou complexion, qui dépend de la disposition des parties méchaniques, de la conformation, de la faculté propres à chacun des organes & des qualités des humeurs qu’il reçoit. L’habitude differe du tempérament en ce qu’il renferme les qualités communes à toutes les parties du corps, tant externes qu’internes, au lieu qu’elle ne regarde que l’extérieur du corps. Voyez Tempérament.

* HABITUÉ, adj. pris subst. c’est un ecclésiastique qui s’est attaché volontairement au service d’une paroisse.

* HABITUEL, adj. (Gramm.) qui est tourné en habitude. Ainsi on dit une maladie habituelle, la grace habituelle. La grace habituelle se reçoit par le baptême & s’accroît par les autres sacremens. Il faut avoir la grace actuelle pour bien faire, & l’habituelle pour être sauvé.

HABOUTS, s. m. plur. (Jurisprud.) terme usité dans quelques coûtumes, pour exprimer les tenans & aboutissans d’un héritage. (A)

HABSAL, (Géog.) ville de Livonie dans le comté d’Esthonie, près de la mer Baltique.

HABSBOURG, s. m. (Géog.) ancien château de Suisse au canton de Berne, dans le bailliage de Lentzbourg. Je n’en parle que parce qu’il a donné son nom à Rodolphe, comte d’Habsbourg, seigneur Suisse, fondateur d’une maison long-tems la plus florissante de l’Europe, & qui a été quelquefois sur le point d’avoir dans l’Empire la même puissance que Charlemagne. Rodolphe d’Habsbourg, avant que d’être élu empereur en 1273, « avoit été champion de l’abbé de Saint-Gall contre l’évêque de Basle, dans une petite guerre pour quelques tonneaux de vin. Sa fortune étoit alors si peu proportionnée à son courage, qu’il fut quelque tems grand-maître d’hôtel d’Ottocare, roi de Bohème, qui depuis pressé de lui rendre hommage, répondit qu’il ne lui devoit rien, qu’il lui avoit payé ses gages ». Voltaire, hist. génér. tome II. (D. J.)

HACACHAN, (Géogr.) royaume d’Asie dans la peninsule de l’Inde, dépendant du Grand-Mogol.

HACHA, (Géogr.) province du continent de l’Amérique méridionale, arrosée par une riviere de même nom, de la domination espagnole ; elle est riche en or, en pierres précieuses, & en fontaines salantes.

* HACHE, s. f. (Tailland.) terme qui désigne tout gros outil de fer aciéré qui sert à couper, & dont le nom change suivant l’emploi & la forme ou la partie tranchante dans cet outil. Ainsi dans le marteau à tailler la pierre, la partie tranchante qui n’est ni bretée ni dentée, se nomme la hache ; l’autre partie, la breture, & le haut, marteau.

Il y a un grand nombre de haches ; celle du Tourneur ressemble à une doloire, voyez Doloire ; mais elle est plus petite ; sa planche & sa douille sont soudées ensemble par leurs extrémités, comme aux cognées à douille ou en épaule des Charrons.

La hache du tireur de bois, ou l’instrument dont ils se servent pour couper les liens des perches qui forment les trains de bois, voyez Trains, a son tranchant à deux biseaux large de quatre à cinq pouces, parallelement à l’outil & au manche. Au côté opposé relativement à l’outil est un picot d’environ six pouces, qui sert à tirer les buches de l’eau. Cet outil est aciéré comme les autres.