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ment & même après la guérison, le malade se tienne à un régime sage, & prenne des lavemens, de crainte que des excrémens durs ne nuisent par leur passage, & ne fatiguent une cicatrice tendre & mal affermie.

M. Suret, maître en Chirurgie à Paris, a inventé un bandage qui remédie à la chûte de l’anus, qui contient les hémorrhoïdes extérieures, & dont l’usage affermit les hémorrhoïdes internes, & les empêche de se présenter lorsque les malades vont à la selle. Ce bandage, dont l’auteur donnera la description qui sera inserée dans la suite des volumes de l’académie royale de Chirurgie, est d’une construction trop ingénieuse, & d’une utilité trop marquée, pour me dispenser d’en dire quelque chose : il a d’ailleurs mérité l’approbation des plus grands maîtres de l’art, qui ont reconnu ses avantages dans l’usage qu’ils en ont fait faire à plusieurs malades, dont les incommodités n’avoient jusqu’alors trouvé aucun soulagement.

Le corps de ce bandage est un bouton d’ivoire creux, pour qu’il ait beaucoup de légereté, & percé pour donner issue libre aux vents & aux humidités stercorales qui en accompagnent quelquefois la sortie. M. Suret donne à cette piece une configuration différente, suivant la figure des sacs hémorrhoïdaux, l’embonpoint différent des sujets, le volume des muscles fessiers, &c. Ces boutons sont olivaires, en timbre, d’autres creusés en gondole : c’est ce bouton qui soutient le rectum, ou qui contient les hémorrhoïdes. Il est attaché au centre d’un sous-cuisse, sur une plaque de tôle percée à jour pour l’usage dont nous avons parlé. Il joue en tous sens par le moyen d’un ressort qui est dans l’intérieur de sa base, de façon que la compression est toûjours égale dans quelque situation que le malade puisse se mettre, ce bouton étant mobile en tous sens. On peut même s’asseoir perpendiculairement dessus, sans que la circonférence de l’anus sur laquelle il appuie, en soit plus fortement comprimée.

Ce bandage est en outre composé d’une ceinture de cuir couverte de chamois ; elle fait le tour du corps sur les os des îles, & se boucle en devant. Au milieu de cette ceinture est cousue une plaque de cuir matelassée, qui a à-peu-près la figure de l’os sacrum, sur lequel elle appuie : à la face externe de cette plaque, & sous le chamois qui lui sert d’enveloppe, il y a un ressort auquel est attachée l’extrémité postérieure du sous-cuisse, qui est de cuir garni de chamois, & qui se divise en-devant en deux branches pour passer à droite & à gauche sur les aines & s’attacher antérieurement à la ceinture.

Le ressort auquel est attachée l’extrémité postérieure du sous-cuisse, fait l’office de store, de sorte que la courroie s’allonge & s’accourcit suivant les différens mouvemens du corps. Cela étoit très essentiel pour que la pelote du bouton d’ivoire qui appuie sur la circonférence de l’anus, demeurât invariablement dans la même situation, soit que le malade soit debout ou assis, soit qu’il se baisse en-devant ou en-arriere, sans que les différens mouvemens qu’il faut faire pour passer d’une de ces attitudes à une autre, dérange en aucune façon le bandage. C’est un avantage essentiel que personne n’avoit trouvé jusqu’alors, & qui avoit rendu inutiles toutes les especes de bandages & machines qu’on a si souvent essayés contre les indispositions dont nous venons de parler.

Les hémorrhoïdes des femmes grosses doivent être traitées avec beaucoup de circonspection ; l’on a observé des effets funestes de la guérison subite des hémorrhoïdes, par l’application inconsidérée des remedes répercussifs dans cet état. Il ne faut pas qu’une femme grosse s’inquiette, parce que des hémorrhoïdes

qui n’ont jamais flué donnent un peu de sang. Cette évacuation peut lui être salutaire ; une saignée calme assez ordinairement la douleur qui survient à l’approche du flux hémorrhoïdal. Si les hémorrhoïdes aveugles sont enflammées, dures, & fort douloureuses, on fait concourir avec la saignée l’insession dans une décoction d’herbes émollientes ou dans du lait chaud, où on fomente la partie avec ces fluides. Les femmes enceintes sujettes aux hémorrhoïdes sont ordinairement constipées ; elles doivent avoir soin de se tenir le ventre libre par des lavemens, par des boissons laxatives, par un usage habituel des eaux minérales, telles que celles de Passy. Ces eaux réussissent à la longue, parce qu’elles délayent la bile, & la rendent plus coulante. Il convient en outre que le régime de vie soit délayant, humectant, & tempérant ; mais les Accoucheurs en général se plaignent de l’indocilité des femmes qui ferment leurs oreilles aux conseils salutaires de ceux qui les dirigent ; elles suivent plus volontiers leur penchant au plaisir ; elles contentent leurs appétits dépravés, souvent même avec affectation, pour la satisfaction d’agir contre les défenses précises des gens de l’art. (Y)

* HÉMORRHOIS, sub. fém. (Hist. nat.) serpent dont la morsure fait mourir par l’effusion totale du sang qu’on ne peut arrêter. Il est jaunâtre comme le sable, mais marqueté de taches noires & blanches ; d’autres disent rouges comme le feu. Il a beaucoup de ressemblance avec le céraste. Il est de la longueur d’un pié ; il va en diminuant de la tête à la queue, menu par-tout ; il a deux éminences au front, l’œil blanc, la tête bossuée ; il se replie en marchant, & se soutient sur le ventre ; ses écailles font du bruit ; la femelle est plus dangereuse que le mâle ; sa piquûre fait perdre le sang par les gencives & les ongles.

HÉMORROSCOPIE, s. f. (Medecine.) αἱμοροσκοπια, hemoroscopia, c’est-à-dire sanguinis effusi inspectio, l’inspection du sang tiré de ses vaisseaux, par laquelle on se propose d’en rechercher les qualités, d’en connoître la nature, relativement à ce qu’il doit paroître dans l’état de santé. Voyez Sang.

HÉMOSTASIE, sub. fém. (Medecine.) αιμοστασια, hemostasia, c’est un terme qui a été employé par Théophile Bierling, dans son ouvrage intitulé, Thesaurus medico practicus, pour exprimer le retardement, l’hérence du cours du sang, l’état de ce fluide, lorsque la circulation en est rallentie, & disposée à s’arrêter dans une partie. Lexic. Castell.

HEMVÉ, sub. masc. (Medecine.) c’est ainsi qu’on nomme en quelques endroits, ce que nous appellons par périphrase la maladie du pays. Ce violent desir de retourner chez soi, dit très-bien l’abbé du Bos, n’est autre chose qu’un instinct de la nature, qui nous avertit que l’air où nous nous trouvons, n’est pas aussi convenable à notre tempérament que l’air natal, pour lequel nous soupirons, & que nous envisageons secretement comme le remede à notre mal-aise & à notre ennui.

Le hemvé, ajoute-t-il, ne devient une peine de l’esprit, que parce qu’il est réellement une peine de corps. L’eau, l’air différent de celui auquel on est habitué, produisent des changemens dans une frêle machine ; Lucrece l’a remarqué comme Hippocrate.

Nonne vides etiam coeli novitate & aquarum,
Tentari procul à patriâ, quicumque domoque
Adveniunt, ideò quia longè discrepat aër.

Cet air très-sain pour les naturels du pays, est un poison lent pour certains étrangers ; il est vrai que la différence de cet air ne tombe point sous nos sens, & qu’elle n’est pas à la portée d’aucun de nos instrumens, mais nous en sommes assûrés par ses effets.

Cependant ils sont encore si différens des violen-