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nent lieu, dans ces cas, d’un remede évacuatoire, qui même ne peut souvent être suppléé par une évacuation artificielle équivalente, si elle n’est pas faite dans la partie, & peut-être même des vaisseaux particuliers, vers lesquels sont dirigés les efforts de la nature, pour y déposer l’excédent des humeurs, qui doit être évacué sans aucun autre dérangement de fonction qui puisse caractériser une maladie.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas moins de danger à supprimer une hémorrhagie critique, simple, dans quelque partie du corps qu’elle ait lieu, qu’à faire cesser mal-à-propos l’hémorhagie naturelle aux femmes : la disposition de l’économie animale peut rendre celle-là aussi utile, aussi nécessaire que celle-ci.

L’effort salutaire de la nature se démontre clairement par les signes qui précedent dans la plûpart des hémorrhagies spontanées, & qui dénotent une véritable dérivation des humeurs vers la partie où doit se faire l’évacuation pour l’avantage de l’individu. Ainsi, avant le saignement de nez, la tête devient pesante, le visage devient rouge, les jugulaires s’enflent, les rameaux des carotides battent plus fortement, tandis que toute l’habitude du corps devient pâle, & que les extrémités inférieures sont froides ; ce qui ne peut être que l’effet de la révulsion spasmodique de toutes ces parties-ci vers les parties supérieures. Dès que le sang a coulé suffisamment, l’égalité de la chaleur & du cours des humeurs se rétablit dans tout le corps à mesure que les efforts toniques cessent d’être déterminés par le besoin, & que les lois de l’équilibre reprennent le dessus. Les symptomes qui précedent le plus souvent le flux menstruel, le flux hémorrhoïdal, le vomissement de sang, l’hémoptisie & les autres hémorrhagies spontanées ou critiques, sont respectivement de la même nature. Voyez les articles où il est traité de ces différentes évacuations.

Mais si le sang qui est forcé à sortir de ses vaisseaux, ne trouve point d’issue pour être versé immédiatement hors du corps ; s’il se répand dans quelque cavité où il se ramasse, où il devient un corps étranger, soit que la cause efficiente de l’hémorrhagie soit symptomatique ou critique, il en résulte des desordres dans l’économie animale, qui sont proportionnés à l’importance des fonctions qui sont lésées en conséquence : ainsi l’épanchement du sang, dans l’intérieur du crâne, produit une compression du cerveau, qui intercepte le cours des esprits dans le genre nerveux, à proportion qu’elle est plus considérable ; d’où s’ensuivent des causes très-fréquentes de paralysies plus ou moins étendues, selon que les nerfs sont affectés dans leur principe en plus ou moins grand nombre ; d’où résultent très-souvent des apoplexies, des morts subites, lorsque la compression est assez étendue & assez considérable pour porter sur les nerfs qui se distribuent aux organes des fonctions vitales : ainsi l’effusion du sang qui se fait par l’ouverture ou par la rupture de quelque gros vaisseau dans la poitrine, cause des compressions sur les poûmons, sur les arteres principales ou sur le cœur même, d’où s’ensuivent des suffocations, des syncopes mortelles. L’épanchement de sang dans la cavité du bas-ventre ne produit point des effets si dangereux ; & ce n’est qu’à raison de la quantité qui s’en répand qu’il peut s’ensuivre des lésions qui portent atteinte au principe vital, autrement ces sortes d’hémorrhagies ne nuisent point d’une maniere aussi prompte & aussi violente que celles qui se font dans des cavités, où le sang accumulé peut gêner les fonctions des organes qui servent immédiatement à l’entretien de la vie.

Dans ces différens cas, si l’on peut s’assûrer par

des signes extérieurs (qui manquent le plus souvent), de l’effusion du sang dans les différentes capacités, & que l’effet n’en soit pas assez promptement nuisible pour prévenir & rendre inutiles tous les secours qu’on peut employer ; on peut tenter de donner issue au fluide répandu, en ouvrant le crâne par le moyen du trépan ; la poitrine & le ventre, en faisant la paracentese de la maniere convenable, respectivement à chacune de ces parties. Voyez Trépan, Paracentese. Mais le plus souvent la mort ne laisse pas le tems à des soins qui ne peuvent être donnés qu’à la suite de mûres délibérations, de certains préparatifs ; ou on ne les donne ces soins qu’à pure perte, parce qu’on parvient rarement, par ces opérations, à donner issue au sang ramassé, par la difficulté de pénétrer dans l’endroit même où s’est fait l’amas ; comme, par exemple, lorsqu’il ne se trouve pas à la surface du cerveau, ou à portée de cette surface & de maniere à répondre à l’ouverture faite par le trépan, lorsque le sang est renfermé dans les cavités de la base du crâne ou des ventricules du cerveau : il en est de même, lorsque le sang épanché dans la poitrine se trouve renfermé dans le péricarde, &c.

Cependant ce fluide, hors de ses vaisseaux, est un corps étranger qui dégénere bien-tôt, & ne peut qu’être très-nuisible à l’économie animale, tant qu’il est renfermé entre les visceres, sans issue en quantité considérable : il n’y a d’autre moyen d’en faire cesser les mauvais effets, qu’en le faisant sortir hors du corps, ce qui est très-difficile, comme on vient de le faire entendre, & rend toujours ces sortes d’hémorrhagies très-dangereuses, & le plus souvent mortelles ; qu’elles soient, ainsi qu’il a été dit, symptomatiques ou critiques.

Les hémorrhagies les plus communes, dans lesquelles le sang se répand hors du corps, peuvent être aussi très-nuisibles, si elles causent une trop grande déperdition de ce fluide par quelque cause qu’elles soient produites, soit qu’elles se fassent par la dilatation forcée des vaisseaux, soit qu’elles dépendent d’une rupture de leurs tuniques : le cerveau recevant moins de sang qu’à l’ordinaire, il s’y sépare à proportion moins de fluide nerveux ; d’où s’ensuit le défaut d’esprits nécessaires pour soutenir les forces, pour opérer les mouvemens nécessaires à l’exercice de toutes les fonctions : d’où résultent la débilité & toutes ses suites, particulierement l’imperfection des digestions, de la sanguification, qui en fournissant un chyle mal travaillé & moins propre à donner la matiere propre à former des globules rouges ; cette matiere elle-même étant mal travaillée, & ce qui en résulte faisant une très-petite quantité de ces globules, & respectivement trop de parties séreuses, disposent ainsi le fluide des vaisseaux sanguins, à manquer de la consistence qui lui est nécessaire, & à être plus susceptible de passer dans les vaisseaux collatéraux d’un genre différent, à les remplir d’humeurs aqueuses plus tenues qu’elles ne devroient se trouver dans ces vaisseaux d’où elles s’échappent plus aisément, & fournissent matiere à une plus grande quantité d’exhalations par la voie de la transpiration, particulierement dans les capacités des différens ventres, dont la chaleur tient les pores plus ouverts ; ensorte que ces vapeurs s’y ramassent, s’y condensent ensuite, & y forment la matiere de différentes sortes d’hydropisies, telles qu’on les observe souvent à la suite des pertes de sang produites par les grandes blessures, ou par toute autre cause externe ou interne d’effusion de sang ; voyez Hydropisie. Le défaut de globules rouges, dans les vaisseaux sanguins, doit aussi causer la paleur de toute l’habitude du corps, la diminution de la chaleur naturelle, &c. Voyez Sang,