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de fournir au soldat des culottes de peau au lieu d’étoffe.

Il doit avoir deux paires de guêtres de toile, l’une blanche pour les revûes & les parades, l’autre noire pour les marches & le service ordinaire.

On a proposé de substituer aux havresacs de toile, ceux de peaux de chien ou de chevre garnies de poil, tels qu’ils sont en usage dans les troupes étrangeres ; ils ont la propriété de garantir les effets du soldat contre la pluie & l’humidité ; & cet avantage est sans doute bien desirable. On souhaiteroit aussi des outres de peau de bouc au lieu de barril, pour mettre la boisson du soldat.

Les besaces des cavaliers, hussards & dragons, sont faites en forme de porte-manteau, longues de l’épaisseur d’un cheval, & d’une grandeur déterminée sur la quantité de nippes, d’effets, ustensiles & denrées qu’elles doivent renfermer.

La chaussure & la coëffure des troupes sont deux points dignes de la plus grande attention, parce que la santé du soldat, conséquemment le complet des régimens & la force des armées, en dépendent essentiellement.

Les sandales ou galoches à semelles de cuir fort garnies de clous, ne sont point une nouveauté dans nos troupes. Beaucoup de vieux soldats éclairés par une longue expérience, en font leur chaussure ordinaire dans les mauvais tems. On a imaginé depuis peu pour nos troupes employées en Canada, des souliers ferrés à doubles semelles fortes, garnis de clous rivés entre deux cuirs, qui résistent long-tems aux plus rudes épreuves, & préservent le pié de toute humidité ; il seroit à desirer que l’usage en fût rendu général pendant l’hiver & dans les marches difficiles ; mais la vanité françoise révoltée ne manquera pas de proscrire encore cette salutaire invention.

Le maréchal de Saxe releve avec raison l’incommodité & le danger de la coëffure de nos soldats. « Je voudrois, dit-il, au lieu de chapeaux, des casques à la romaine ; ils ne pesent pas plus, ne sont point du tout incommodes, garantissent du coup de sabre, & font un très-bel ornement ». Il ajoûte plus bas : « Les casques sont un si bel ornement, qu’il n’y en a point qui lui soit comparable ».

Le régiment de hullans que ce général commandoit en France, étoit ainsi & très-bien coëffé : en effet, le casque donne au soldat un air de guerre que le chapeau ne pourra jamais lui prêter, quelque effort que l’on fasse pour lui donner de la grace par la maniere de le retaper.

Nous avons observé que les habits sont coupés sur des patrons de trois hauteurs & largeurs. Lorsque le tems & les lieux le permettent, la coupe se fait sur la taille des cavaliers, dragons & soldats ; ce qui est toûjours plus expédient. Si l’on n’en a pas l’aisance, la distribution partielle des justaucorps, vestes & culottes se fait d’un tiers de la grande taille, & de deux tiers de la moyenne pour la cavalerie, les dragons & les compagnies de grenadiers où les hommes sont ordinairement de haute stature & bien traversés ; & pour l’infanterie, de moitié de la moyenne taille, d’un quart de la grande, & d’un quart de la petite.

Le Roi, comme nous l’avons dit, fournit de ses magasins & arsenaux, l’habillement & l’armement aux bataillons de milice ; c’est l’usage, voici l’abus. L’officier qui n’attache pas plus de gloire qu’il n’a d’intérêt à la conservation de ces effets, n’y donne qu’une médiocre attention. Les armes dépérissent, l’habit s’use, & le soldat mal armé reste mal propre & mal vétu. Un inspecteur arrive, on exagere encore à ses yeux les besoins de la troupe ; il ordonne des radoubs aux armes, des réparations à

l’habillement, & la dépense toûjours enflée tombe à la charge du Roi, qui bien-tôt après, est obligé de faire remplacer le tout à neuf.

Les visites des commissaires des guerres ne sont que des palliatifs contre le mal. Le spécifique seroit de charger les capitaines de milice, de l’entretien de l’habillement, de l’équipement & de l’armement de leurs compagnies, en leur accordant un traitement particulier affecté à cet objet, ou un fonds de masse sur le pié de celui des troupes reglées, pour les tems d’assemblée des bataillons de milice : le bien du service exige, l’humanité même sollicite ce changement ; & nous l’espérons du zele des ministres, malgré le jeu intéressé des ressorts secrets qui s’y opposent.

Il suffit d’avoir expliqué les réglemens généraux sur l’habillement, l’équipement & l’armement des troupes. Les bornes que nous nous prescrivons dans cet article ne nous permettent pas de parler des cas d’exception résultans soit de l’institution primitive, soit de la nature du service de quelques corps. Le détail des différences d’uniformes des régimens n’entre pas non plus dans notre plan ; on les distingue soit par la diversité des couleurs de l’habillement ou de quelques-unes de ses parties ; soit par la forme des pattes de poches, par le nombre, la couleur, le mélange ou l’arrangement des boutons ; soit enfin par la couleur des galons de paremens & des bords de chapeaux.

En général, la cavalerie est habillée de drap bleu, rouge, ou gris piqué de bleu, avec paremens & revers jusqu’à la taille en demi-écarlate.

Les dragons de drap bleu, rouge-garence ou en vermillon.

L’infanterie de drap gris-blanc, bleu, ou rouge.

Toutes les milices, soit de terre, soit garde-côtes, en drap gris-blanc.

Il seroit sans doute bien utile que chaque arme fût distinguée par sa couleur exclusive ; la cavalerie par le bleu, les dragons par le rouge, & l’infanterie par le gris-blanc, sans mélange de couleurs de l’un des corps à l’autre. L’attachement de quelques régimens aux anciens usages, ou à quelques antiques prérogatives, ne doit pas balancer les avantages sensibles qui résulteroient d’un tel réglement, ni empêcher l’établissement invariable de l’uniformité respective, si essentiellement nécessaire dans toutes les parties du genre militaire. (Article de M. Durival le cadet.)

* HABILLER, v. act. & pas. (Gramm.) on dit habiller quelqu’un, habiller un régiment, & s’habiller. Le velours habille bien. Ce peintre sait habiller élégamment sa figure. Habiller un auteur étranger à la françoise. Habiller a dans les Arts des acceptions fort différentes. Habiller un animal en Cuisine, c’est le dépouiller de sa peau, si c’est un quadrupede ; le plumer, évuider, piquer, si c’est un oiseau ; le laver, le vuider, le préparer à être cuit, si c’est un poisson. Chez les Cardeurs, habiller une carde, c’est la monter ou la faire : pour cet effet, on a un instrument appellé le panteur, sur lequel est accroché la peau à des pointes renversées & placées de distance en distance. Voyez l’article Panteur. Les deux bouts de la peau sont tirés chacun par une corde qui va s’entortiller à la branche du maître-brin du panteur. Cette peau ainsi disposée est percée de trous. C’est dans cette derniere opération que consiste tout l’art du faiseur de cardes. Voyez l’article Carde. On ne se sert ni de regle ni de compas ; l’œil seul dirige la main qui pique d’une vîtesse incroyable, laissant entre les trous des intervalles toujours égaux, & faisant les rangées de trous exactement droites & paralleles. L’instrument à percer s’appelle la fourchette ; il fait deux trous à-la-