Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

diers portent de grosses haches, tous les autres des haches à marteaux, avec des pelles & pioches.

Les outils sont enfermés dans des étuis de cuir ; il seroit à desirer que l’on fournît aussi des sacs de toile pour les marmites & gamelles.

Milices. Il n’y a point de masse établie pour l’habillement & l’armement des milices. Le Roi y pourvoit directement en faisant verser de ses magasins & arsenaux & répartir dans les provinces, les parties nécessaires à chaque bataillon.

L’équipement des soldats de milice est fourni par les paroisses pour lesquelles ils servent, & composé pour chacun d’une veste & d’une culotte, d’un chapeau, d’une paire de guêtres & d’une paire de souliers, de deux chemises, un col noir & un havresac.

Officiers. L’habillement des officiers doit être en tout semblable à celui du soldat, excepté que les étoffes sont d’une qualité supérieure. Leurs manteaux ou redingottes doivent être aussi des couleurs affectées à chaque régiment. Il est expressément défendu aux officiers de porter, étant à leurs corps, d’autre habit que l’uniforme, comme le plus décent & le plus convenable pour les faire reconnoître & respecter du soldat ; comme aussi d’y faire des changemens, ni d’y ajoûter aucuns ornemens superflus, sous peine d’interdiction.

L’armement des officiers est composé pour la cavalerie de deux pistolets, d’une épée à monture de cuivre doré, la lame à dos de trente-un pouces de long, & d’une cuirasse.

Pour les hussards, de deux pistolets & d’un sabre courbé, la monture de cuivre doré, la lame pareille à celle des hussards.

Pour les dragons, d’un fusil avec la bayonnette, de deux pistolets, & d’une épée semblable à celles de la cavalerie, avec une gibbeciere garnie de six cartouches.

Et pour l’infanterie, d’un esponton & d’une épée.

Les officiers & les sergens de grenadiers sont armés de fusils & bayonnettes avec la gibbeciere ; les sergens des compagnies de fusiliers, de hallebardes & d’épées.

Le haussecol n’est ni arme, ni armure : il est seulement la marque du service actuel des officiers d’infanterie, ainsi que le sont les bottes & les bottines, du service actuel des officiers de cavalerie & de dragons.

On a souvent proposé de faire armer tous les officiers & sergens d’infanterie, comme le soldat : c’étoit bien aussi le sentiment de M. le maréchal de Puysegur, qui doit être d’un grand poids dans cette matiere. Ce qui forme un puissant préjugé en faveur de cette méthode, c’est qu’encore qu’elle soit proscrite par les ordonnances, la pratique ordinaire des officiers dans une action, est d’abandonner l’esponton, & de saisir un fusil armé de sa bayonnette. Voici une nouvelle autorité : « Le fusil avec sa bayonnette, dit un auteur accrédité, étant tout-à-la-fois arme à feu & hallebarde, pourquoi les sergens & officiers n’en portent-ils pas ? Pourquoi se prive-t-on ainsi de cinq armes par compagnie, qui seroient portées par ce qu’il y a de meilleur » ?

Nous avons dit que le soldat doit entretenir son armure, & y faire les menues réparations dont elle a besoin : il faut l’obliger aussi à la tenir dans la plus grande propreté. « Les Romains avoient fort à cœur cette propreté dans leurs soldats ; ils les forçoient à nettoyer & à fourbir souvent leurs cuirasses, leurs casques & leurs lances, persuadés que l’éclat des armes imposoit beaucoup à l’ennemi ».

Nous ne parlerons pas ici des uniformes des officiers généraux, de ceux des états-majors des armées, des aides-de-camp, des commissaires des guer-

res, des chirurgiens militaires, & d’autres établis

par divers réglemens auxquels nous renvoyons. On s’étonne qu’il n’en ait pas encore été déterminé un pour les officiers des états-majors des places de guerre, qui puisse en toute occasion les faire reconnoître dans les fonctions importantes & purement militaires dont ils sont chargés.

Il est défendu à tous sujets, autres que les militaires, de porter aucun habit uniforme des troupes ; à tous marchands d’en acheter & exposer en vente, même d’en garder dans leurs magasins, à peine de confiscation & de deux cents livres d’amende ; & à tous cavaliers, hussards, dragons & soldats, de vendre leurs habits, armes ou autres effets uniformes, sous peine des galeres perpétuelles.

Les officiers même ne peuvent vendre les armes de leurs compagnies, à peine de cassation ; ni les armuriers ou autres, les acheter, à peine de confiscation & de cinq cents livres d’amende. Les armes de réforme sont déposées dans les arsenaux du Roi, & Sa Majesté, sur l’estimation qui en est faite, pourvoit au dédommagement des capitaines.

Ils doivent faire retirer des hôpitaux les habillemens, armemens, effets & argent des soldats décédés, dans l’an & jour de la date du décès ; ce tems passé, ils demeurent au profit des entrepreneurs des hôpitaux.

Aucun officier ne doit habiller ses valets de l’uniforme du soldat, à peine contre l’officier de cassation, & contre les valets, d’être punis comme passe-volans.

M. le maréchal de Saxe, dont la mémoire est à jamais consacrée dans nos fastes militaires, avoit suggéré plusieurs changemens avantageux dans l’habillement de nos troupes ; mais ses idées sur cet article, toutes lumineuses & salutaires qu’elles sont, paroissent à beaucoup d’égards trop éloignées de nos mœurs, & peut-être de nos préjugés. Nos yeux seroient blessés de l’aspect d’un bataillon chaussé de sandales semelées de bois, & de soldats en vestes, couverts de manteaux à la turque, avec des capuchons & des perruques de peau d’agneau. D’ailleurs seroit-il bien aisé de soumettre à cet accoutrement sauvage l’esprit vain du soldat françois jaloux de parure, & qui pour l’ordinaire a autant d’amour propre que de bravoure ?

Nous pensons qu’on peut se fixer à ce qui est établi par rapport à l’habillement de nos troupes, surtout si les commandans des corps portent leur attention comme ils le doivent, à empêcher toute manœuvre contraire au bien du service dans cette partie, soit de la part des entrepreneurs toûjours avides, soit de celle des officiers députés des corps, qui ne sont pas tous également inaccessibles à la séduction. Cet habillement, dans sa bisarrerie même, est approprié aux usages & au caractere de la nation ; & cette conformité est une raison de préférence, parce qu’en matiere de goût & d’opinion, la volonté générale doit être consultée.

Les proportions reglées à trois hauteurs & largeurs, fournissent à toutes les tailles des justaucorps & des vestes amples & aisés. Nous voudrions que les culottes fussent plus hautes & plus profondes, afin de laisser plus de liberté aux mouvemens du soldat dans les exercices qui appartiennent à la gymnastique ; même qu’elles fussent garnies de ceintures très-larges, capables de garantir les reins contre l’humidité, lorsque le soldat est couché. Rien ne doit être négligé de ce qui tend à perfectionner les formes pour la plus grande commodité du service, & à conserver des hommes d’une espece si précieuse, sur-tout dans ce siecle belliqueux, & dans le déclin malheureusement trop sensible de notre population. Peut-être seroit-il plus avantageux encore