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nes, comme font ceux qui après avoir gravé les tailles, les coupent & recoupent tout en-travers, pour abréger l’ouvrage : en exécutant d’une seule coupe & recoupe toute la largeur des points qu’ils ont à marquer : au hasard de faire partir & sauter les points qu’ils gravent ainsi, par les soubresauts de la pointe de taille en taille ; mais il faut, après avoir divisé toute la longueur d’une taille par des points un à un, former à la taille d’à-côté les points correspondans à l’entre-deux de chacun des autres, & ainsi de suite, comme on voit fig. 18. & 191 Si les points n’étoient pas assez fins pour paroître ronds, il faudroit en abattre ou adoucir les angles ; car rien n’est plus desagréable que des points quarrés à des ouvrages délicats, sur-tout à des chairs pointillées, s’il arrivoit d’en faire ; ce qui est rare dans la gravure en bois, où l’on ne porte guere le fini jusque-là.

Les points longs ou tailles courtes se font quelquefois au bout des grandes tailles, en les séparant à leurs extrémités. Il faut les rendre très-déliées & très-pointues où elles se doivent perdre dans les clairs. L’on en glisse aussi parmi des tailles qui ombrent la pierre, &c. alors il semble qu’il les faut d’égale épaisseur dans leurs petites longueurs, afin d’en obtenir l’effet des entre-tailles. Mais l’usage de ces points longs est rare dans la gravure en bois.

Voilà les manœuvres auxquelles il faut s’exercer, avant que de passer à des sujets. On passera du poirier au buis, des traits aux desseins, & des contours simples aux vuides. Il s’agit maintenant de vuider solidement & proprement la gravure. Dégagez d’abord fermement vos contours avec la pointe, que vous passerez & repasserez dans tout le creux de la gravure qui bordera les champs ou parties de buis qu’il faut enlever & creuser ; servez-vous ensuite du fermoir pour enlever autour de ces traits le bois, partie par partie. Le dégagement avec la pointe qui aura précédé, empêchera le fil du bois d’entraîner le fermoir, & les copeaux qu’on séparera, d’en attirer d’autres.

L’art de bien vuider a été assez négligé : ou les artistes sont mal outillés pour cette manœuvre : ou ils ne font consister la perfection que dans les tailles : ou ils sacrifient tout à la diligence, négligent la propreté & la solidité, & ne vuident les champs que superficiellement ou grossierement, sans les ragréer, polir, & finir à la gouge ; ou ils abandonnent ce travail à des apprentis qui, ne prenant aucune attention pour ne pas appuyer la lame de l’outil sur les traits, les meurtrissent, écrasent, & font égrener : ou qui baissant trop le coude en agissant, & tenant la lame du fermoir ou de la gouge presque de niveau au plan sur lequel la planche est posée, font passer l’outil tout au-travers de la gravure, & la défigurent par sept à huit échapades ou breches : ou qui ne contenant pas leur main droite par la gauche, vont donner du taillant de l’outil au pié d’un contour ou d’une taille qu’ils coupent, cassent, ou ébrechent tout-à-fait. On ne répare ces accidens que par des pieces ; & cette réparation laisse toûjours de très-mauvais effets. D’ailleurs le vuider peu profond & grossier, fait que des places qui doivent être blanches, viennent maculées d’encre.

Pour bien vuider une planche, il faut être assis plus haut que pour la graver. Cela fait, on plante une cheville dans un des trous répandus à distance sur l’établi, pour y appuyer l’ouvrage s’il en est besoin. On a un fermoir dans la main droite : ce fermoir doit être de moyenne largeur, comme de deux lignes ou environ : la partie du bouton de son manche est placée dans la main, comme on voit fig. 3. Pl. 3. le biseau du taillant de l’outil en A, & un peu de l’épaisseur de la lame, paroissant du côté droit sur toute sa longueur. On tient la planche de la main gauche : on écarte le pouce on B, fig. 4. pour recevoir & soûte-

nir, comme en C, le bout du pouce de l’autre main

qui tient le fermoir ; par ce moyen la lame de l’outil appuyée du côté gauche en O, peut facilement glisser d’environ la longueur de quatre lignes seulement ; en avançant & retirant vers le creux de la main les quatre autres doigts. C’est ainsi que l’outil va & vient à discrétion dans le bois. Cependant cette position n’est encore que préparatoire ; pour dégager, on tirera le bras droit assez, pour que l’outil poussé entre diagonalement dans le bois : alors la situation des mains changera, prendra celles qu’on a représentées fig. 5. & 6. & l’on vuidera sans danger.

Le bois ainsi ébauché & enlevé dans toute une longueur à volonté, on y repassera le fermoir pour la polir par-tout, jusqu’à la base des contours ou traits.

Si l’on sent en dégageant que l’on est dans le fil du bois, & qu’on en est entraîné, on reprendra la pointe qu’on repassera au pié du trait ; ou pour le mieux, on enfoncera moins l’outil par le côté du fil, qu’à contre-fil.

S’il y a des petites parties à vuider qui n’exigent pas de dégagement avec le fermoir, il faut les vuider en plain avec les outils proportionnés à leurs espaces.

On voit fig. 7. une planche entierement dégagée avec le fermoir. Il s’agit de vuider les grands champs comme en L. Il y faut procéder à coups de maillet avec des gouges proportionnées, comme on voit dans la vignette. On commencera cette manœuvre à contre-fil : puis de droit fil ; l’on formera ainsi un bloc de copeau qu’on enlevera. On réparera ensuite ces creux à la gouge sans maillet, plaçant les mains comme nous les avons montrées ci-dessus, & conduisant l’outil de maniere à ne faire aucune échapade. Plus les places à vuider seront grandes, plus il faudra les creuser, afin que les balles & le papier n’y atteignent pas à l’impression. Ainsi une place d’un pouce de diametre sera creusée d’environ 3 lignes, & ainsi des autres à proportion.

Les parties à vuider sur les bords d’une planche sans filets, comme aux fleurons, aux figures de Mathématiques, &c. le seront à coups de gouges & de maillet, & presqu’à moitié de leur épaisseur sur leurs extrémités, pour peu que les places soient grandes, afin d’empêcher les balles & le papier d’y atteindre. Ces places n’étant point soûtenues, les balles y pochent plus, & il y faut vuider plus creux, plus d’à-plomb, & plus en fond qu’ailleurs. Voyez Pl. III. fig. 10.

Malgré toutes ces précautions, s’il arrive qu’on fasse quelqu’échapade, qu’il y ait quelque trait ou taille brisée, éclatée, il y faut remédier par une piece, ainsi que nous allons l’indiquer.

Vuider & mettre pieces. Si bien mises que soient des pieces, elles peuvent se renfler à l’impression, après avoir été mouillées, ou par d’autres causes, excéder le reste de la superficie, & marquer plus noir ; ou si elles n’excedent pas, laisser leurs limites sur l’estampe.

Si une planche est échapadée, on prendra un fermoir de grandeur convenable ; on en tournera le biseau vers le dedans du trou qu’on veut pratiquer à l’endroit échapadé : & l’on fera ce trou qu’on tiendra d’abord plus petit. On tracera les limites du trou à petits coups : puis avec un fermoir plus petit, l’on enlevera tout le bois de l’enceinte. L’attention principale, c’est de ne pas froisser ou meurtrir les traits contigus à cette ouverture. On la creusera de deux lignes plus profonde que le trait ébreché. On en planira le fond : on en unira bien les côtés ; on la repassera à la main & au fermoir : on en rendra les bords bien vifs & bien nets : on observera de la creuser un peu plus large à son fond qu’à son entrée, afin que la piece y entre facilement, s’y étende, & se resserre d’autant à sa surface.