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La pointe à graver se fait avec un ressort de pendule, d’un tiers de ligne ou environ d’épaisseur ; on le fait détremper au feu ; on le coupe par bouts de la longueur de la fente du manche qu’on voit fig. 1. Planche I. On divise chaque bout sur leur largeur, selon celle qu’on veut donner aux lames. Les lames pour gros ouvrages ont environ cinq lignes de largeur ; pour ouvrages délicats deux lignes ou deux lignes & demie. On les dégrossit, & l’on en forme le taillant sur la meule ; on y tire un biseau du côté gauche, sur toute la longueur, à un demi-pouce près vers le bas, qu’on laisse sans biseau, voyez la fig. 2. le côté droit est aiguisé tout plat, sans biseau, voyez fig. 3. le dos du chef de la pointe (fig. 4.) doit avoir entre les deux lignes ponctuées un petit biseau de chaque côté, comme en B. Cela fait, on les trempe très-sec, en les faisant rougir sur un feu de charbon vif, & en les plongeant subitement dans l’eau froide. On leur donne le recuit à la lumiere d’une chandelle, jusqu’au jaune foncé. Si elles devenoient violettes, elles seroient trop molles, sur-tout pour des gravures délicates & sur le buis. On les emmanche un peu longues, comme d’un pouce ou deux, sur le manche fendu qu’on serre par une corde tortillée, comme on voit figure 5. On acheve de former le taillant & le dos du chef de la pointe sur la pierre à huile. Il faut que la premiere partie A du chef soit aiguisée vive par le dos, ou sur l’épaisseur de la lame & sans biseau, & que la seconde qui est déjà oblique, en ait au contraire deux, comme on voit en B, fig. 2. 3. & 4. On enlevera le morfil qui se fait de chaque côté, à la premiere partie du chef A, en passant l’angle des deux vives arêtes sur la pierre à l’huile. Ce morfil gratteroit le bois, lorsqu’on y feroit entrer la pointe pour graver. On adoucit ensuite le taillant sur la pierre douce, soit avec de l’eau, soit avec de la salive. On en ôte aussi le morfil. On place alors la lame dans la fente du manche ; on met tout le long du manche, du côté du taillant, un papier plié en deux ou trois, ou une petite carte, pour empêcher que le taillant ne coupe la corde qu’on tortillera sur la manche pour en tenir les deux parties assemblées. On ficelle le manche en commençant par la partie supérieure où sont les hoches destinées à recevoir & à retenir la ficelle, & l’on descend du haut en bas. Par ce moyen on attache la lame sur toute sa longueur ; on la tire du manche, & on la laisse sortir de la quantité convenable, à-mesure qu’elle se casse, racourcit ou gâte, & qu’on la raccommode.

On trouve des fermoirs & des gouges de toutes longueurs chez le clinquaillier. On les emmanchera de la longueur qu’on voit fig. 6 & 7. Les manches seront à virole & à bouton par le bas ; le bouton à demi abattu, comme aux burins. Ils en seront plus commodes à tenir, & ne gêneront pas la main en vuidant les champs. Il faudra observer de mettre ce biseau du taillant du côté applati & coupé du manche ; que le côté sans biseau soit placé comme dans la fig. 7. Pour être bien outillé, il faut avoir des fermoirs depuis environ trois lignes de large, au taillant, en diminuant jusqu’au diametre de la tête d’une moyenne aiguille à coudre. On se sert quelquefois de ces aiguilles pour en faire de petits fermoirs qu’on emmanche dans de la cire d’Espagne chaude, que l’on fait entrer dans des viroles longues, creuses, ajustées, & tenues d’une couple de lignes, ou davantage, à des manches de bois plus courts, afin que le tout assemblé soit de la même longueur que les autres manches.

Les gouges seront emmanchées comme les fermoirs. Il ne les faut pas au graveur aussi arrondies qu’au sculpteur ; que le demi-cercle qui en formera le taillant soit plus développé. Dans les parties an-

gulaires à vuider, on peut se servir d’un fermoir assez

rond ou à taillant oblique : mais il en faudroit avoir qui eussent le taillant & son biseau formés, les uns d’un côté, les autres à contredit ; observant de les emmancher toûjours, le côté du biseau vers celui du manche où le bouton aura été abattu (voyez les figures 8 & 9.), & que les manches soient longs, à pans arrondis ou ronds, afin de pouvoir être tenus à pleines mains.

Le maillet sera leger, & guere plus gros que le poing.

Le trusquin qu’on voit fig. 10. ne sert au graveur qu’à tracer des filets autour des vignettes, ou à guider, lorsqu’il s’agit de faire des tailles horisontales ou perpendiculaires ; il est petit. La pointe n’en doit pas être vive ; elle pourroit gâter le bois par des traces qu’elle laisseroit en des endroits où l’on seroit obligé de graver des tailles. Que cette pointe soit adoucie & un peu arrondie.

L’entaille (fig. 11.) sera nécessaire à ceux qui gravent des pieces délicates, comme lettres grises, petites vignettes, fleurons, &c. Elle prendra & serrera fortement par le moyen de ses coins ces ouvrages que l’artiste ne peut tenir entre ses doigts.

Le racloir (fig. 12.) servira à unir & polir la superficie des bois destinés à la gravure, au sortir des mains du menuisier ou de l’ébéniste. Sa lame E doit en être aiguisée vive sur son épaisseur, afin que son morfil gratte & use le bois ; il en faut un autre qui n’ait point de morfil, pour les cas où il ne faut qu’adoucir. On peut substituer la prêle au racloir ; c’est même avec la prêle qu’on acheve de le préparer.

L’équerre de cuivre (fig. 13.) servira pour tracer des lignes droites, horisontales ou perpendiculaires, avec la pointe à calquer, ou au lieu du trusquin, lorsqu’on a des tailles paralleles à faire. Les lignes tirées à l’équerre & à la plume seront nettes, si les vives arêtes abattues forment un biseau des deux côtés sur toute la longueur F. Il ne faut pas que ce biseau la rende tranchante.

Il faut des regles simples, composées, &c. elles serviront à tirer des paralleles à la plume, sans le compas. La fausse regle (fig. 14.) servira à tirer des rayons d’un point donné comme centre, soit avec la plume, soit avec la pointe à calquer, qui n’est autre chose qu’une aiguille emmanchée dans un manche à longue virole, comme celui des petits fermoirs, & dont on a formé la pointe par le côté de la tête qu’on a cassée, & qu’on a arrondie ou émoussée.

Il faut au graveur un compas à plusieurs pointes, un porte-crayon, un tire-ligne, &c. Il est inutile d’insister sur l’usage de ces instrumens.

Le garde vûe (fig. 15.) est un morceau de carton d’environ sept pouces de large & cinq de haut, qui se place sous le bonnet, & qui garantit les yeux du grand jour.

La mentonniere (figure 16.) est une toile piquée, comme le sont les bonnets piqués des femmes, qu’on attache sur sa bouche avec les deux cordons ; elle empêche en hyver l’haleine de se porter sur le bois, de le mouiller, & de détremper l’encre du dessein. Sans mentonniere, si l’on travaille des pieces délicates, l’humidité de l’haleine fera renfler le bois ; & l’on ne saura plus, après qu’on aura fait les coupes, où l’on aura passé la pointe pour marquer le lieu des recoupes. Il faut la mentonniere sur-tout, si l’on grave sur le buis ; on peut s’en passer en travaillant sur le poirier.

Il faut des brosses douces dont le poil soit coupé court avec des ciseaux, pour nettoyer la poussiere & les petits copeaux. Voyez figure 17.

Une petite presse telle que celle qui sert aux parcheminiers, perruquiers, &c. qu’on voit fig. 18. entre laquelle on mettra le papier mouillé avec une