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observé que les graines tirées des plus beaux arbres, ou de ceux qui portent le plus de fruit, ne sont pas toûjours les meilleures pour semer ; mais qu’il faut les choisir saines, unies, pleines, pesantes & entieres : les glands nets, pesans & luisans, sont préférables aux gros glands : les graines poreuses, douces, insipides, doivent être semées d’abord après leur maturité : les graines chaudes ameres demandent à être gardées six mois, un an & davantage, avant qu’on les seme.

On pratique différentes méthodes pour conserver les graines ; quelques-uns les encaissent par couches alternatives, dans du sable ou de la terre humide pendant l’hyver ; prennent au bout de ce terme les graines de caisses qui sont alors bourgeonnantes, & les sement délicatement dans le terrein préparé : elles prosperent autant de cette maniere que si on les eût semées en automne, outre qu’elles ont évité la vermine & les autres accidens. Pour les fruits qu’on veut semer plus tard, comme le gland, le marron d’Inde, la chataigne, la faine, la noisette, on les conserve dans des mannequins avec du sable sec, en faisant alternativement des lits de sable & des lits de fruits. Par rapport aux autres graines, les grainiers qui les vendent, se contentent de les étendre par paquet dans un lieu sec, de les visiter & de les remuer : d’autres les tiennent dans des sachets, qu’ils pendent au plancher ; d’autres les gardent dans des pots ou des bouteilles étiquetées. Par tous ces moyens, les graines conservent leur vertu fructifiante plus ou moins long-tems.

L’on demande à ce sujet pourquoi plusieurs sortes de graines gardent leur faculté de germe un grand nombre d’années, tandis que tant d’autres la perdent promptement ? Il semble que la cause en est dûe à la quantité plus ou moins grande d’huile que contiennent les semences, & au tissu plus ou moins serré de leur enveloppe, gousse ou coque ; par exemple, les graines de concombre, de melon, de citrouille, qui ont une écorce épaisse & dure, conservent huit à dix ans leur faculté fructifiante. Il en est de même de la graine de radis, de raves, & autres semences huileuses, qui par cette raison se maintiennent bonnes pendant trois ou quatre ans ; au lieu que les graines de persil, de carote, de panais & de la plûpart des plantes à parasol, perdent leur vertu germinante au bout d’une ou deux années.

Mais n’y auroit-il point de moyen de prolonger aux graines la durée de leur vertu végétative ? Miller nous apprend que le grand secret & ce secret qui intéresse les Botanistes, est de conserver les graines dans leurs propres gousses ou enveloppes, après qu’elles ont été cueillies bien mûres ; de les tenir dans un endroit sec, & de ne leur point ôter entierement toute communication avec l’air extérieur, qui est nécessaire pour maintenir le principe de leur végétation, comme il l’a éprouvé par l’expérience suivante.

Il prit des graines fraîches de diverses plantes, de laitue, de persil, d’oignon, enferma chaque graine dans des bouteilles de verre, qu’il scella hermétiquement ; il mit en même tems une quantité égale des mêmes semences dans des sacs séparés, qu’il pendit tous au plancher en un endroit bien sec. L’année suivante il sema en même tems & sur les mêmes couches d’une terre préparée, une partie desdites graines, tant de celles des bouteilles, que de celles des sacs. Presque toutes les graines des sacs vinrent à merveille, & il n’en vint pas une seule de celles qu’il avoit enfermées dans les bouteilles. Il répéta son expérience deux ou trois années de suite, & jamais aucune graine des bouteilles ne monta, tandis que les graines des sacs pousserent encore la troisieme année. Il suit de cette expérience, que ceux qui

ont à recevoir des graines des pays étrangers, doivent avertir leurs correspondans de se bien garder de les leur envoyer enfermées dans des pots ou des bouteilles bouchées.

Un second moyen que Miller conseille pour conserver les graines, & qu’il préfere à tout autre, est de les enfoüir à trois ou quatre piés de profondeur, à l’abri des grosses pluies & de l’influence du soleil : il a vû des graines conservées de cette maniere pendant vingt ans, qui au bout de ce terme ont pris racine & ont germé aussi parfaitement que les semences les plus fraîches de la même espece.

Enfin Miller a trouvé la méthode de faire fructifier toutes les especes de graines domestiques & étrangeres, qui ont pour enveloppe les coques les plus dures. Après avoir préparé de bonnes couches avec de l’écorce de tan, il y seme ces graines, par exemple des noix de coco ; il couvre ces noix du même tan à l’épaisseur de deux ou trois pouces ; il les laisse dans cette situation six semaines ou deux mois ; ensuite il les transplante dans des pots remplis de bonne terre ; il plonge ces pots jusqu’au bord dans le tan, & couvre enfin toute la surface des pots avec le même tan de l’épaisseur d’un demi-pouce. Il assûre que cette méthode lui a rarement manqué, & même qu’en s’en servant, il a vû quelquefois des graines exotiques à coque dure, pousser davantage en quinze jours qu’elles ne le font au bout d’un mois dans leur pays natal. (D. J.)

Graine d’Avignon, (Bot.) baie d’une espece de rhamnus ou de nerprun, que les Botanistes nomment lycium gallicum, ou rhamnus catharticus minor. Il croît dans les lieux rudes & pierreux, entre les rochers, aux environs d’Avignon & dans le comtat Venaissin. On en trouve aussi en Dauphiné, en Languedoc & en Provence. Cette espece de nerprun est un arbrisseau épineux, dont les racines sont jaunes & ligneuses ; il pousse des rameaux longs de deux ou trois piés, couverts d’une écorce grisâtre, garnis de petites feuilles épaisses, ressemblantes à celles du buis, nerveuses, faciles à se détacher. Ses fleurs sont petites, monopétales, jointes plusieurs ensemble ; il leur succede des baies grosses comme des grains de poivre à trois ou quatre angles, & quelquefois faites en petits cœurs, de couleur verd jaunâtre, d’un goût stiptique & fort amer.

Voilà les baies qu’on nomme graine d’Avignon, grainette, graine jaune. On nous l’envoye seche ; on la desire grosse, récente & bien nourrie. Les Teinturiers, & sur-tout les Corroyeurs, s’en servent pour teindre en jaune, en y joignant de l’alun par parties égales. Voyez Jaune & Corroyer. (D. J.)

Graine, (Jardinage.) les graines d’ornement different des chapelets parce qu’elles sont toûjours rondes & d’inégale grosseur ; on les place au bout des rinceaux & des feuillages, pour remplir des places longues dans la broderie des parterres. (K)

Graine, en terme de Brodeur au métier, c’est un point qui représente des semences de fruits, & qui se fait en tenant le fil tiré d’une main, & de l’autre en fichant l’aiguille en-dessous & la faisant sortir en-dessus.

GRAINER, v. act. (Arts méchaniques.) c’est pratiquer de petites éminences ou grains à la surface d’un corps ; cela se pratique sur toutes sortes de substances, même sur les peaux. Les Boursiers entendent par grainer une peau, lui donner l’apparence qu’on voit au chagrin : cela se fait par le moyen d’une forme de cuivre grainée comme un dez & que l’on tient modérément chaude, & sur laquelle on applique le maroquin.

GRAINOIR, s. m. (Art militaire.) est dans l’artillerie une espece de crible dans lequel se passe la pou-