mage point de la non-valeur de cette denrée dans les bonnes années ; il n’y a que quelques propriétaires aisés qui peuvent attendre les tems favorables pour la vente du blé de leur récolte, qui puissent en profiter.
Il faut donc, à l’égard de cette culture, n’envisager la valeur du blé que conformément au prix ordinaire des bonnes années ; mais le peu de débit qu’il y a alors dans les provinces éloignées de la capitale, tient le blé à fort bas prix : ainsi nous ne devons l’évaluer qu’à 12 liv. le septier, froment & seigle, dans les provinces où les terres sont traitées par la petite culture. C’est en effet dans ces provinces, que le prix du blé ne peut soûtenir les frais pécuniaires de la grande culture ; qu’on ne cultive les terres qu’aux dépens des terres mêmes, & qu’on en tire le produit que l’on peut en les faisant valoir avec le moins de dépenses qu’il est possible.
Ce n’est pas parce qu’on laboure avec des bœufs, que l’on tire un si petit produit des terres ; on pourroit par ce genre de culture, en faisant les dépenses nécessaires, tirer des terres à-peu-près autant de produit que par la culture qui se fait avec les chevaux : mais ces dépenses ne pourroient être faites que par les propriétaires ; ce qu’ils ne feront pas tant que le commerce du blé ne sera pas libre, & que les non-valeurs de cette denrée ne leur laisseront appercevoir qu’une perte certaine.
On estime qu’il y a environ trente millions d’arpens de terres traitées par la petite culture ; chaque arpent du fort au foible produisant, année commune, le grain quatre, ou trente-deux boisseaux non compris la dixme ; de ces trente-deux boisseaux il faut en retrancher huit pour la semence. Il reste deux septiers qui se partagent par moitié entre le propriétaire & le métayer. Celui-ci est chargé de la taille & de quelques frais inévitables.
Trente millions d’arpens de terres traitées par la petite culture, sont divisés en deux soles qui produisent du blé alternativement. Il y a quinze millions d’arpens qui portent du blé tous les ans, excepté quelques arpens que chaque métayer reserve pour ensemencer en grains de Mars : car il n’y a point par cette culture de sole particuliere pour ces grains. Nous ne distinguerons point dans les quinze millions d’arpens, la petite récolte des graines de Mars, de celle du ble ; l’objet n’est pas assez considérable pour
entrer dans ce détail. D’ailleurs la récolte de chaque arpent de blé est si foible, que ces deux sortes de recoltes different peu l’une de l’autre pour le produit.
Les 24 liv. ou les deux septiers se distribuent ainsi :
Au propriétaire pour les intérêts de ses avances, pour quelques autres frais, pour le dédommagement des fonds occupés pour la nourriture des bœufs de labour | 9 | 12 | |
Pour lui tenir lieu de deux années de fermage, à 1 l. 10 s. par chaque année | 3 | ||
Au métayer pour ses frais, son entretien, & sa subsistance | 10 | 12 | |
Pour le payement de sa taille | 1 | ||
Pour ses risques & profits | 1 |
Le produit total de 26 liv. 13 s. par chaque arpent se partage donc ainsi :
Pour le fermage de deux années | 3 | 5 | |||
Pour la taille | 1 | ||||
Pour le métayer | 1 | ||||
Pour la dixme | 2 | 13 | 21 | 13 | |
Pour les frais | 19 | ||||
Produit total | 26 | 13 | |||
La récolte en blé des 15 millions d’arpens traites par la petite culture, donne, la dixme comprise & la semence prélevée, 33,150,000 septiers, qui valent en argent 397,802,040 liv. dont il y a :
Pour la taille | 15,000,000 | 75,000,000 | |
Pour les propriétaires | 45,000,000 | ||
Pour les métayers | 15,000,000 | ||
Pour la dixme | 37,802,040 | 322,802,040 | |
Pour les frais | 285,000,000 | ||
Produit total | 397,802,040 | ||
État d’une bonne culture des grains. La gêne dans le commerce des grains, le défaut d’exportation, la dépopulation, le manque de richesses dans les campagnes, l’imposition indéterminée des subsides, la levée des milices, l’excès des corvées, ont réduit nos récoltes à ce petit produit. Autrefois avec un tiers plus d’habitans qui augmentoient la consommation, notre culture fournissoit à l’étranger une grande quantité de grains ; les Anglois se plaignoient en 1621, de ce que les François apportoient chez eux des quantités de blé si considérables & à si bas prix, que la na-
- ↑ Traité des avantages & des desavantages de la Grande-Bretagne.