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les mois qui leur sont affectés. Voyez Université fameuse.

Les degrés obtenus dans des universités étrangeres, ne sont pas considérés à l’effet d’obtenir des bénéfices ; il faut néanmoins excepter l’université d’Avignon, qui joüit à cet égard des mêmes priviléges que les universités du royaume.

On comprend aussi quelquefois sous le nom de gradués, tous ceux qui ont obtenu des degrés, quoiqu’ils ne les ayent pas fait signifier à des patrons ou collateurs.

Les gradués qui ont fait signifier leurs grades peuvent requérir & recevoir des bénéfices ; ceux qui ne les ont pas fait signifier ne peuvent pas requérir, mais seulement recevoir certains bénéfices qui ne peuvent être possédés que par des gradués.

On distingue trois sortes de gradués : savoir ceux qui ont été reçûs dans les formes prescrites par les statuts & reglemens autorisés par les lois ; les gradués de grace qui ont la capacité requise, mais qui ont été dispensés du tems d’étude & de quelques exercices ordinaires pour y parvenir ; enfin, les gradués de privilége. On appelle ainsi ceux qui en Italie, & dans quelques autres pays catholiques, ont obtenu du pape ou de ses légats & autres personnes qui prétendent en avoir le pouvoir, des lettres à l’effet d’être dispensés des examens & autres exercices.

Les degrés de grace de docteurs ou de licentiés suffisent aux personnes que le Roi nomme aux archevêchés ou évêchés, lorsque les universités les ont donnés sur des dispenses accordées ou autorisées par le Roi ; mais les universités n’ont pas le pouvoir d’en donner de leur autorité privée.

Les gradués de grace, tels que sont ceux qui prennent des degrés en droit par bénéfice d’âge, & ceux qui obtiennent des degrés dans certaines universités où l’on a la facilité de les accorder, sans exiger le tems d’étude nécessaire, ne peuvent en vertu de leurs grades requérir des bénéfices.

Les gradués de privilége ne sont point reconnus en France.

L’origine du droit des gradués sur les bénéfices est fort ancienne : en effet, dès le xiij. siecle les papes conféroient les bénéfices aux gradués, suivant le rôle qui leur en étoit envoyé par les universités ; mais les gradués n’avoient pas encore un droit certain aux bénéfices.

Les gradués étant fort négligés par les collateurs & par les patrons, il en fut fait de grandes plaintes au concile de Bâle, qui leur affecta la troisieme partie des bénéfices, ce qui fut aussi-tôt confirmé en France par la pragmatique-sanction du roi Charles VII. & depuis par le concordat fait entre Léon X. & le roi François I.

Mais comme il n’étoit pas facile de partager tous les bénéfices du royaume en trois parties égales, le même concordat ordonna que l’année seroit divisée en trois parties, & que les bénéfices qui vaqueroient par mort durant le tiers de l’année, seroient affectés aux gradués.

Ce tiers étant de quatre mois : on en a affecté deux aux gradués simples ; savoir Avril & Octobre, qu’on nomme mois de faveur ; & deux aux gradués nommés, qui sont Janvier & Juillet, qu’on appelle mois de rigueur.

Tous gradués soit simples ou nommés, sont sujets à l’examen de l’ordinaire avant d’obtenir le visa, & ce non-seulement pour les mœurs, mais aussi pour la capacité.

On entend par gradués simples, ceux qui n’ont que les lettres de leurs degrés avec leurs attestations de tems d’étude ; les gradués nommés sont ceux qui ont en outre des lettres de nomination, par lesquelles l’université en laquelle ils sont gradués, les présente

aux collateurs & patrons ecclésiastiques pour être pourvûs des bénéfices qui viendront à vaquer dans les mois qui leur sont affectés.

Il y a néanmoins une exception pour les bénéfices à charge d’ames, à l’égard desquels il est permis au collateur par les derniers reglemens de gratifier le plus capable, quoique le bénéfice ait vaqué dans un mois de rigueur.

Tous collateurs & patrons ecclésiastiques, soit séculiers ou réguliers, sont sujets à l’expectative des gradués ; les chanoines, chapitres, doyens, abbés, abbêsses, évêques, archevêques, cardinaux.

Le pape même seroit sujet au droit des gradués, s’il conferoit comme ordinaire de France ; mais il n’y est pas sujet quand il confere comme ordinaire des ordinaires, jure devolutionis.

Les bénéfices sujets aux gradués sont tous les bénéfices dont ils sont capables, & qui vaquent par mort dans les mois qui leur sont affectés, à l’exception des bénéfices consistoriaux, des électifs-confirmatifs, & de ceux qui sont à la nomination ou collation du Roi.

Ceux dont la nomination appartient alternativement au Roi & à un patron ou collateur ecclésiastique, sont sujets aux gradués dans le tour du patron ou collateur ecclésiastique.

Les dignités des églises cathédrales sont exemptes de l’expectative des gradués, suivant l’édit de 1006 ; mais il n’a pas été enregistré au grand conseil, ni dans quelques parlemens.

Les bénéfices en patronage laïc, ceux qui exigent quelques qualités particulieres, comme de noble ou de musicien ; les bénéfices unis valablement, & ceux fondés depuis la date de la nomination des gradués, ne sont pas non plus sujets à leur droit, ni les chapelles desservies par commission dans des châteaux & maisons particulieres, ces chapelles n’étant pas des bénéfices.

L’affectation particuliere d’un certain nombre de bénéfices d’une église faite à des gradués par le titre d’érection d’une église, n’empêcheroit pas les gradués de requérir les autres bénéfices dans les mois qui leur sont affectés.

Les gradués ne peuvent pas requérir des bénéfices en Bretagne ni en Franche-Comté, dans les trois évêchés de Metz, Toul, & Verdun, ni dans le Roussillon.

Le concordat donne aux gradués le decret irritant, c’est-à-dire que toute disposition qui seroit faite au préjudice de leur requisition, seroit nulle de plein droit ; mais si le collateur ordinaire avoit conféré à un non-gradué un bénéfice sujet aux gradués, & qui auroit vaqué dans un des mois qui leur sont affectés, la provision ne seroit pas nulle de plein droit ; elle subsisteroit, pourvû qu’aucun gradué ne vînt après requérir dans les six mois.

Suivant le concordat, les gradués doivent s’adresser dans les six mois de la vacance du bénéfice au collateur ordinaire & patron, pour requérir le bénéfice vacant ; en cas de refus du collateur ou patron, ils doivent s’adresser au supérieur immédiat, en remontant de degré en degré jusqu’au pape ; & si le collateur n’a point de supérieur ecclésiastique dans le royaume, les parlemens commettent le chancelier de Notre-Dame ou le grand archidiacre de la même église, pour donner des provisions. En Normandie, les gradués obtiennent des lettres de chancellerie adressées aux évêques ou à leurs grands-vicaires, qui leur ordonnent de conférer aux gradués, & les collateurs obéissent à cet ordre.

Lorsqu’un bénéfice sujet aux gradués vient à vaquer, le gradué qui veut le requérir doit se transporter chez le collateur, lui demander le bénéfice ; si le collateur le lui refuse, il faut prendre acte du refus, le faire insinuer, & se présenter au supérieur immé-