Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/827

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

térieure de l’uvée, en étoient aussi renvoyés sur d’autres points de la rétine qui étoient susceptibles d’en recevoir des impressions.

Toutes les causes occasionnelles de la paralysie en général, auxquelles se joignent des causes particulieres qui en déterminent l’effet sur l’organe immédiat de la vision, peuvent donner lieu à la goutte-sereine. Voyez Paralysie. Ainsi dans les sujets pléthoriques, tout ce qui peut faire refluer le sang & les autres humeurs vers la partie supérieure, comme les convulsions, les resserremens spasmodiques, les efforts du vomissement, de l’accouchement, & autres semblables ; la suppression des hémorrhoïdes, du flux menstruel, peut donner lieu à des dépôts sur le principe des nerfs optiques, ainsi que les métastases de matieres morbifiques, qui se font dans les fievres malignes putrides ; la repercussion des éruptions cutanées, &c. les coups, les commotions qui peuvent causer quelque tiraillement, quelque compression dans les fibres des nerfs optiques ; la trop grande application à la lecture & à tout autre exercice de la vision, soit avec trop soit avec trop peu de lumiere ; ce qui fatigue, affoiblit la rétine dans le premier cas, en y excitant une sensibilité trop durable, ou l’uvée dans le second cas, en dilatant trop la prunelle pour l’admission du peu de rayons qui se présentent ; les grandes évacuations de bonnes humeurs, sur-tout de la semence, qui en général affoiblissent beaucoup & rendent cet effet plus particulierement sensible dans les organes où l’atonie est de plus grande conséquence, comme dans ceux de la voix, de la vision (voyez Eunuque) ; en un mot, tous les vices des différentes humeurs par excès, par défaut, par les qualités, peuvent également contribuer à établir les différentes causes occasionnelles de la goutte-sereine.

Cette maladie est regardée comme incurable lorsque la cécité est complette, qu’elle est invétérée, que les sujets qui en sont affectés sont d’un âge avancé, d’une constitution foible, délicate, languissante, à la suite de violentes maladies, sur-tout de quelque attaque d’apoplexie, & lorsqu’elle est jointe à la paralysie de quelque partie du corps. La goutte-sereine qui est imparfaite dans des sujets jeunes & robustes, & même celle qui est parfaite, mais périodique, sont très-souvent susceptibles de guérison, sur-tout lorsqu’elles surviennent d’un engorgement sanguin dans les parties affectées.

La curation de la goutte-sereine doit être dirigée selon les indications que présente la nature bien étudiée & bien établie des causes qui l’ont produite : ainsi comme ces causes sont très-difficiles à découvrir, à distinguer les unes des autres, il est aussi très-difficile de bien entreprendre le traitement de cette maladie, & encore plus rare de le suivre avec succès ; il n’y a que la goutte-sereine périodique dans les sujets robustes, causée par un engorgement de vaisseaux sanguins qui compriment le nerf optique ou qui couvrent ses ramifications dans la rétine, qui étant bien connue, peut être aisément guérie par la saignée révulsive, par les sang-sues appliquées à la tempe, par le rétablissement du flux supprimé des regles, des hémorrhoïdes, &c. au lieu que dans les personnes d’une mauvaise constitution, dont la masse des humeurs est pituiteuse, caco-chimique, toute goutte-sereine causée par un dépôt d’humeurs séreuses ou de toute autre nature, qui pesent sur le nerf optique & le privent de sa sensibilité naturelle, est très difficile à détruire ; on ne peut l’attaquer que par les purgatifs, les cauteres, les sétons, les vesicatoires, les errhins, & en un mot par tous les secours propres à évacuer & à détourner les humeurs peccantes du siége de la maladie : on peut aussi user des remedes fondans, savonneux, mercuriels, &c. mais le plus souvent ces remedes sont inutiles & ne font que fa-

tiguer les malades ; ce qui est absolument toûjours

vrai par rapport aux remedes appliqués sur les yeux mêmes ; parce qu’il ne peut en résulter aucun effet dans le siége du mal, qui est trop éloigné des parties sur lesquelles peuvent se faire les applications ; attendu qu’il est dans le fond de l’orbite, & peut-être même au-delà, dans l’intérieur du crane. On ne peut excepter que le cas où le nerf optique est comprimé par l’épaississement humoral de la sclérotique ; ce qui étant bien connu, peut donner lieu aux remedes topiques, qui peuvent alors être employés pour fortifier les membranes de l’œil, leur donner du ressort de proche en proche, afin qu’elles se dégorgent des humeurs surabondantes, & qu’elles ne s’en laissent pas abreuver de nouveau ; mais ce cas n’a jamais lieu dans la goutte-sereine parfaite : il n’y a que l’ignorance ou la charlatanerie qui puisse engager à tenter la guérison de cette maladie par des collyres ou toutes autres applications sur les yeux. Au surplus, pour un plus grand détail sur cette maladie, V. les traites des maladies des yeux de Maître-Jan, de Saint-Yves ; ce qu’en disent Sennert, Riviere, & les theses pathologiques & thérapeutiques d’Hoffman, system. med. ration. tom. IV. part. IX. cap. jv. (d)

GOUTTÉ ; adject. semé de gouttes, en terme de Blason anglois, signifie un champ chargé ou arrosé de gouttes.

En blasonnant, il faut exprimer la couleur des gouttes, c’est-à-dire goutté de sable, de gueules, &c.

Quelques auteurs veulent que les gouttes rouges soient appellées gouttes de sang ; les noires, gouttes de poix ; les blanches, gouttes d’eau. Chambers.

GOUTTIERE, subst. f. en Architecture, canal de plomb ou de bois soutenu d’une barre de fer, pour jetter les eaux du chesneau d’un comble, dans une rue ou dans une cour ; les plus riches de ces gouttieres se font en forme de canon, & sont ambouties de moulures & ornées de feuilles moulées. Les gouttieres de bois & de plomb ne peuvent avoir, suivant l’ordonnance, que trois piés de saillie au-delà du nû du mur.

Gouttiere de pierre, canal de pierre à la place des gargouilles dans les corniches. Il s’en fait en maniere de demi-vase coupé en longueur, comme il s’en voit au vieux louvre. Les gouttieres des bâtimens gothiques sont formées de chimeres, harpies, & autres animaux imaginaires ; on nomme aussi gargouilles, ces sortes de gouttieres. (P)

Gouttieres, (Marine.) La tonture des ponts fait que l’eau coule vers les bords où l’on met une piece qui forme le premier bordage horisontal ou du pont, & le commencement du bordage vertical ou de la premiere vaigre de l’entrepont. Cette piece qui regne tout-au-tour du vaisseau se nomme la gouttiere : elle est entaillée d’un pouce & demi ou deux pouces vis-à-vis chaque ban & chaque barrot ; on l’entaille aussi vis-à-vis chaque aiguillette de parque, de tout l’équarrissage de l’aiguillette.

La gouttiere repose sur les entremises, qui sont des pieces qui s’étendent d’un bau à l’autre ; elle est clouée sur les baux & arrêtée sur les membres par des chevilles qui percent les bordages, les membres, la gouttiere, & qui sont clavetées en-dedans sur des viroles.

C’est dans les gouttieres qu’on perce les dalots ou les trous par lesquels l’eau doit s’échapper.

Il faut que la partie de la gouttiere qui porte sur les baux, sans y comprendre l’entaille qui forme la gouttiere, ait la même épaisseur que les illoires.

Les gouttieres n’ont jamais trop de largeur, & on les laisse de toute la longueur des pieces.

Pour bien comprendre leur situation dans le vaisseau, voyez Marine, Pl. V. fig. 1. n°. 144. gouttieres