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re, auquel on adapte un récipient. Voyez Aludel, Fleurs de soufre, Fleurs d’Antimoine. La cucurbite est fenêtrée, pour qu’on y puisse projetter le mélange, dont les doses sont toûjours les mêmes. On trouve dans la cucurbite une masse semblable à celle que l’on a retirée du creuset : mais les parois des aludels sont tapissées de fleurs blanches d’autant plus émétiques qu’elles sont plus élevées : en sorte qu’il n’y a guere que les plus basses, ou celles que la trusion a élevées, qui soient assez dépouillées de leur phlogistique, pour n’être que diaphorétiques.

L’adepte Geber n’a parlé de l’antimoine qu’en passant. Le moine anonyme qui vivoit au douzieme siecle, & qui est connu sous le nom emblématique de Basile Valentin (voyez Chimie), est le premier qui ait traité des préparations de l’antimoine. On y trouvera le diaphorétique minéral, sous le nom de poudre blanche d’antimoine, dans le petit nombre d’opérations positives qu’il a données parmi les secrets d’Alchimie, sous le nom de ce demi-métal : en voici la traduction. Prenez de bon antimoine de Hongrie, ou de tout autre pays, pourvû qu’il soit bien pur : réduisez-le en poudre fine ; mêlez-le avec parties égales de nitre purifié de la troisieme cuite. Projettez & faites détonner ce mélange peu-à-peu dans un creuset neuf vernissé, entouré de charbons ardens…….. mettez en poudre fine la masse dure qui est restée dans le creuset ; mettez cette poudre dans un vase vernissé ; versez dessus de l’eau commune tiede ; décantez cette eau après l’avoir laissée rasseoir. Répétez ce lavage jusqu’à ce que vous ayez emporté tout le nitre : séchez votre matiere ; faites-la détonner de nouveau avec son poids égal de nitre : lavez & détonnez une troisieme fois : enfin réduisez en poudre subtile la masse résultant de cette troisieme opération : mettez-la dans une cucurbite ; versez dessus de bon esprit de vin : bouchez-bien exactement votre vaisseau : pendant l’espace d’un mois que vous le tiendrez en digestion, vous y mettrez de nouvel esprit-de-vin neuf ou dix fois, & ferez brûler celui qui aura digéré dessus : séchez lentement votre préparation ; calcinez-la ensuite pendant un jour entier dans un creuset rouge : portez cette poudre dans un lieu humide, où vous la laisserez tomber en défaillance sur me table de pierre ou de verre, ou dans des blancs d’œufs durcis : il s’en fait une liqueur qu’on seche & convertit de nouveau en poudre.

Voilà certainement une préparation qui coûte bien du tems, des peines, & de l’esprit-de-vin : mais que résulte-t-il de tout ce merveilleux appareil ? On entrevoit à-travers l’obscurité de cette description, que la premiere détonation donne un foie (faux) de Rullandus, que les lavages dépouillent du tartre vitriolé, & de son foie d’antimoine : ensorte que le soufre grossier reste avec une matiere vitreuse que Kerkringius appelle la poudre de Ruilandus. Voyez son foie à l’art. Antimoine. La seconde fournit après le lavage une céruse d’antimoine, selon les modernes, ou antimoine diaphorétique, qui ne sont autre chose qu’une chaux absolue d’antimoine ; & la troisieme, qu’on ne lave point cette même chaux d’antimoine privée des dernieres parties régulines qui pouvoient n’être pas encore décomposées, quoiqu’on la regarde communément comme chaux absolue, après la seconde détonation, & de l’alkali fixe, ou nitre alkalisé, & peut-être du nitre ; à moins que la calcination n’ait été très-long-tems soûtenue. L’esprit-devin digéré dessus ne peut donner qu’une teinture de tartre qu’on décompose en le brûlant (voyez Teinture de Tartre), & en calcinant la matiere. Cette poudre mise dans un lieu frais, n’est susceptible de défaillance que par son alkali fixe, qui doit être en petite quantité : c’est cette liqueur seule qu’on prend pour évaporer. Il reste donc après tant de travaux un

peu d’alkali fixe mêlé d’une petite quantité de terre provenant de ses débris, & d’une moindre quantité encore de la chaux la plus subtile de l’antimoine, qu’il a pû tenir suspendue & entraîner avec lui, quoique l’acide de l’esprit-de-vin ait pû en précipiter une partie. Voyez Matiere perlée. Aussi ne faut-il pas s’étonner que Basile Valentin ait attribué des vertus miraculeuses à sa poudre blanche : nous en ferons grace au lecteur. Il est bon de remarquer que c’est la préparation que les anciens chimistes appelloient céruse d’antimoine.

Le compilateur Libavius n’entend pas mieux la préparation d’antimoine diaphorétique, qu’il décrit aussi mal. Calcinez, dit-il, de l’antimoine crud & du nitre, jusqu’à ce qu’ils ne donnent plus de vapeurs : faites bouillir cette chaux dans plusieurs eaux ferrées ; macérez la pendant un mois dans de l’esprit-de-vitriol, que vous changerez toutes les semaines : faites la rougir plusieurs fois dans un creuset, & l’éteignez dans du vinaigre à chaque fois : enfin mettez-la digérer dans de l’esprit de-vin ou de l’eau de chardon-bénit. Il faut avoüer cependant qu’il en résulte vraiment de l’antimoine diaphorétique, où il y aura peut-être un atome de fer qu’y aura porté l’eau ferrée, qui a dû emporter l’alkali fixe, ce nitre, & le tartre vitriolé. L’esprit-de-vitriol digéré sur la matiere ; le vinaigre, en supposant qu’on ait employé assez de nitre pour la réduire en une chaux absolue ; l’esprit-de-vin, & l’eau de chardon-bénit, n’y font ni bien ni mal : & si la préparation lui coûte plus de tems & autant de peines à-peu-près que celle de Basile Valentin, au moins n’en perd-il pas les fruits, comme ce moine qui réduit tout à rien. Libavius, lib. II. alchem. tract. ij. de extract. pp. 188. 1606.

Lemery, Boerhaave, Mender, & Geoffroy, employent également trois parties de nitre. Le premier laisse calciner la matiere pendant deux heures ; le second, pendant un quart-d’heure, & reproche à Basile Valentin qu’il se donne bien des peines pour dépouiller son antimoine diaphorétique du nitre fixant, pendant qu’il ne lui reste presque autre chose que du nitre fixé. Il croit que le nitre fixe la chaux d’antimoine, comme Lemery s’est imaginé que le soufre de ce demi-métal en étoit fixé ; erreur que son savant critique a relevée d’une façon qui ne laisse rien à desirer ; ainsi que les reproches que Mender fait mal-à-propos à Boerhaave, sur ce que cet auteur regarde l’antimoine diaphorétique comme insipide & sans vertu. On observe encore que Mender fait fondre la matiere détonnée, & renchérit conséquemment sur la mauvaise méthode des deux premiers. Enfin Geoffroy veut aussi que le soufre de l’antimoine soit fixé par l’acide du nitre, & confond les noms de céruse d’antimoine, & d’antimoine diaphorétique.

On fait encore de l’antimoine diaphorétique avec l’antimoine crud, toutes les fois qu’on traite ce demi-métal de maniere qu’il soit converti en une chaux absolue blanche & divisée ; soit que l’action du feu aidée de celle de l’air, dissipe tout son phlogistique sans intermede ; soit qu’elle se trouve mêlée de matieres hétérogenes : car il peut se trouver encore quelques molécules d’antimoine diaphorétique parmi la chaux qui reste sur le filtre à-travers lequel on passe la dissolution du régule d’antimoine par les sels, sitôt après la détonation de ses scories, & du faux foie de Rullandus.

Enfin par la propriété qu’a l’acide nitreux d’enlever le phlogistique à la plûpart des substances métalliques, il réduit l’antimoine en chaux absolue, si on y fait dissoudre ce demi-métal. Dépouillé de son principe inflammable, il tombe au fond du vase où se fait l’expérience ; il n’est qu’une terre insipide, pourvû toutefois qu’on l’ait préalablement lavé avec exactitude. Une petite portion d’antimoine reste dis-