Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/793

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne ? On laboure, on seme, on fait paître des troupeaux au milieu des restes d’une prodigieuse quantité de marbre, de jaspe & de granite, travaillés avec le plus grand soin : au lieu de ces grands hommes qui avoient fait élever de si beaux édifices, on ne voit que de pauvres bergers. En parcourant tant de pays, autrefois le séjour des Arts, aujourd’hui celui de la barbatie, on se rappelle à chaque pas l’Et campos ubi Troja fuit.

A l’extrémité de la ville, entre le septentrion & le couchant, tout près d’un ruisseau, qui sans doute est le fleuve Lethé, lequel au rapport de Strabon & de Solin, se répandoit dans les rues de Gortyne, se trouvent encore d’assez beaux restes d’un temple du Paganisme.

Théophraste, Varron & Pline parlent d’une platane qui se voyoit à Gortyne, & qui ne perdoit ses feuilles qu’à-mesure que les nouvelles poussoient. Peut-être en trouveroit-on encore quelqu’un de cette espece parmi ceux qui naissent en grand nombre le long du ruisseau Lethé, qu’Europe remonta jusqu’à Gortyne sur le dos d’un taureau. Ce platane toûjours verd, parut autrefois si singulier aux Grecs, qu’ils publierent que les premieres amours de Jupiter & d’Europe s’étoient passées sous ses feuillages.

Cette avanture, quoique fabuleuse, donna vraissemblablement occasion aux habitans de Gortyne de frapper une médaille, qui est dans le cabinet du roi. On y voit d’un côté Europe assez triste, assise sur un arbre moitié platane, moitié palmier, au pié duquel est une aigle à qui elle tourne le dos. La même princesse est représentée de l’autre côté assise sur un taureau, entouré d’une bordure de feuilles de laurier. Antoine Augustin archevêque de Taragone (dial. 1.), parle d’un semblable type. Pline dit que l’on tâcha de multiplier dans l’île l’espece de ce platane ; mais qu’elle dégénéra, c’est-à-dire que les nouveaux piés perdirent leurs feuilles en hyver, de même que les communs.

Nous avons encore des médailles de Gortyne frappées aux têtes de Germanicus, de Caligula, de Trajan, d’Aérien, dont peut-être la plus belle est dans le cabinet du roi. Elle marque qu’on s’assembloit à Gortyne pour y célébrer les jeux en l’honneur d’Adrien. (D. J.)

GOSE, s. m. (Commerce.) nom que l’on donne en Moscovie aux principaux commerçans qui trafiquent pour le souverain ; ce sont proprement les facteurs du prince. Les goses, outre leurs fonctions dans le commerce, en ont aussi dans les cérémonies publiques ; & lorsque le souverain donne audience aux ambassadeurs étrangers, les goses sont tenus de s’y trouver revêtus de vestes magnifiques, & avec des bonnets de martre qui sont des marques de leur profession, & en quelque sorte de leur dignité parmi une nation où le commerce est honorable. Diction. de Commerce & de Trévoux. (G)

GOSIER, s. m. (Anatomie.) la partie supérieure du canal qui conduit les alimens dans l’estomac, appellé l’œsophage. Voyez Œsophage.

Gosier, Grand-Gosier. Voyez Pélican.

Gosier, (Manége Maréchal.) le gosier n’est proprement dans le cheval ainsi que dans l’homme, que le sac musculeux & membraneux qui est collé à toute la surface interne de l’arriere bouche, & que nous connoissons dans l’un comme dans l’autre, sous la dénomination de pharynx. On a néanmoins très-mal-à-propos étendu cette expression, relativement à l’animal, de maniere qu’elle designe non-seulement ce sac, mais encore la tête cartilagineuse que présente l’extrémité supérieure du conduit par lequel l’air inspiré par les naseaux, peut sans cesse s’insinuer dans ics vaisseaux aériens du poumon, & en sortir ensuite avec la même liberté, lors de l’expiration.

C’est cette tête, cette extrémité supérieure appellée le larynx, que les maquignons ou autres grands connoisseurs pressent, & compriment avec force pour exciter le cheval à tousser. (e)

Gosier, (Lutherie.) ce sont dans les soufflets d’orgue la partie O R, fig. 23, par où le vent passe du soufflet dans le porte-vent ; cette portion de tuyau a en-dedans une soupape X fig. 25, Planch. d’orgue, qui laisse passer le vent du soufflet dans le porte-vent, & ne le laisse point rentrer. Voyez l’article Soufflets d’orgue.

GOSLAR, Goslaria, (Géogr.) ville de la basse-Saxe où elle est enclavée dans l’état du duc de Brunswick ; elle est pourtant libre & impériale. Sa situation se trouve entre les montagnes du Hartz qui ont de fameuses mines d’argent, qu’on a découvertes par hasard en 972. Suivant Dresser, Goslar fut bâtie par Henri I. & fortifiée pour la premiere fois en 1201 ; elle est sur le ruisseau de Gose, à 19 lieues sud-est d’Hildesheim, 12 sud-oüest d’Alberstadt, 10 sud-oüest de Brunswick. Long. 28. 12. lat. 51. 55. (D. J.)

GOSSAMPIN, s. m. (Botan. exotiq.) arbre des Indes, d’Afrique & d’Amérique, dont le fruit mûr produit une espece de laine ou de coton ; c’est le gossampinus de Pline, arbor lanigera de Pison, ceyba aculeata viticis folio de Plumier, & le fromager de nos îles françoises. Il tire son nom des deux mots latins, gossipium, coton, & pinus, pin, parce qu’il a quelque ressemblance avec le pin, & qu’il porte une espece de coton.

Il s’eleve fort haut, & si l’on ne prend soin de le tailler, ses branches s’écartent au loin ; l’écorce est verte dans la jeunesse de l’arbre, & a cinq ou six lignes d’épaisseur : ensuite elle brunit & s’épaissit encore. Les feuilles sont longues & paroissent étroites, parce qu’elles sont divisées en trois parties comme celle du treffle ; elles sont tendres, minces, d’un verd brillant dans leur naissance, mais qui perd bien-tôt son éclat : elles tombent pour faire place à d’autres feuilles qui leur succedent, de sorte que dans l’espace de peu de tems cet arbre change de livrée.

L’écorce est hérissée d’épines droites, fortes, de forme pyramidale, & d’un pouce & demi de longueur. Elles n’ont pas leur racine au-delà de l’écorce ; elles y tiennent même si peu, qu’il suffit de les toucher legerement avec un bâton pour les abattre ; & dans le lieu d’où elles tombent, il ne reste qu’un vestige blanc à l’endroit qu’elles occupoient.

Quelques jours après que l’arbre a changé de feuilles, ce qui arrive dans nos îles au commencement de la saison seche, les fleurs paroissent en grosses touffes ; elles sont petites, blanches, si délicates, qu’elles ne subsistent que huit ou dix jours. On voit succéder à leur place une coque verte de la forme & de la grosseur d’un œuf de poule, mais un peu plus pointue par les deux bouts ; elle contient un duvet ou une sorte de coton, qui n’est pas plûtôt mûr que la coque creve avec quelque bruit, & le coton seroit emporté aussi-tôt par le vent, s’il n’étoit recueilli avec beaucoup de soin.

Ce coton est de couleur gris de perle extrèmement fin, doux, lustré, & plus court que le coton commun ; on ne laisse pas cependant de le filer, & on en fait des bas ; outre le coton, la coque renferme plusieurs graines brunes & plates comme nos féves d’haricots : on ne s’amuse pas à les semer, parce que l’arbre vient parfaitement bien de bouture & plus vîte. On se sert de ce coton pour faire des oreillers, des traversins, & même des lits de plume.

Le bois du gossampin est blanc, tendre, filasseux, pliant, souple, & fort difficile à couper quand il est vieux. On plante cet arbre ordinairement devant les maisons pour joüir de la fraîcheur de son ombre,