Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/741

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur le haut de leur casque. Les Romains leur avoient donné le sobriquet de Gaulois.

4°. Les rétiaires, retiarii, portoient un trident d’une main & un filet de l’autre ; ils combattoient en tunique, & poursuivoient le myrmillon en lui criant : « ce n’est pas à toi, gaulois, à qui j’en veux, c’est à ton poisson ». Non te peto, galle, sed piscem peto.

5°. Les hoplomaques, hoplomachi, étoient armés de toutes pieces, comme l’indique leur nom grec.

6°. Les provoqueurs, provocatores, adversaires des hoplomaques, étoient armés comme eux de toutes pieces.

7°. Les dimacheres, dimachæri, se battoient avec un poignard de chaque main.

8°. Les essédaires, essedarii, combattoient toûjours sur des chariots.

9°. Les andabates, andabatæ, combattoient à cheval & les yeux bandés, soit avec un bandeau, soit avec une armure de tête qui se rabattoit sur leur visage.

10°. Les méridiens, meridiani, étoient ainsi nommés parce qu’ils entroient dans l’arene sur le midi ; ils se battoient avec une espece de glaive contre ceux de leur même classe.

11°. Les bestiaires, bestiarii, étoient des gladiateurs par état ou des braves qui combattoient contre les bêtes féroces, pour montrer leur courage & leur adresse, comme les toreros ou toréadors espagnols de nos jours.

12°. Les fiscaux, les césariens, ou les postulés, fiscales, cæsariani, postulatitii, étoient ceux qu’on entretenoit aux dépens du fisc ; ils prirent leur nom de césariens, parce qu’ils étoient destinés pour les jeux où les empereurs assistoient ; & comme ils étoient les plus braves & les plus adroits de tous les gladiateurs, on les appella postulés, parce que le peuple les demandoit très-souvent.

On nommoit catervarii les gladiateurs qu’on tiroit des diverses classes, & qui se battoient en troupes plusieurs contre plusieurs.

Je ne parlerai point de ceux qu’on envoyoit quelquefois chercher dans des festins de réjoüissance, parce qu’ils ne se servoient point d’armes meurtrieres, ils ne venoient que pour divertir les convives par l’adresse & l’agilité qu’ils faisoient paroître dans des combats simulés : je dirai seulement qu’on les nommoit samnites, samnites, à cause qu’ils s’habilloient à la maniere de cette nation.

La même industrie qui forma les diverses classes de gladiateurs, en rendit l’institution lucrative pour ceux qui les imaginerent ; on les appelloit lanistes, lanistæ : on remettoit entre leurs mains les prisonniers, les criminels, & les esclaves coupables. Ils y joignoient d’autres esclaves adroits, forts, & robustes, qu’ils achetoient pour les jeux, & qu’ils encourageoient à se battre, par l’espoir de la liberté ; ils les dressoient, leur apprenoient à se bien servir de leurs armes, & les exerçoient sans cesse à leurs combats respectifs, afin de les rendre intéressans pour les spectateurs : en quoi ils ne réussirent que trop.

Outre les gladiateurs de ce genre, il y avoit quelquefois des gens libres qui se loüoient pour cette escrime, soit par la dépravation des tems, soit par l’extrème indigence, qui les portoit pour de l’argent, à faire ce métier : tels étoient souvent des esclaves auparavant gladiateurs, & qui avoient déjà obtenu l’exemption & la liberté. Les maîtres d’escrime en loüant tous ces gladiateurs volontaires, les faisoient jurer qu’ils combattroient jusqu’à la mort.

C’étoit à ces maîtres qu’on s’adressoit lorsqu’on vouloit donner les jeux de gladiateurs ; & ils fournissoient pour un prix convenu, la quantité de paires qu’on desiroit, & de différentes classes. Il arriva dans

la suite des tems, que des premiers de la république eurent à eux des gladiateurs en propre pour ce genre de spectacle, ou pour d’autres motifs : Jules César étoit de ce nombre.

Les édiles eurent d’abord l’intendance de ces jeux cruels ; ensuite les préteurs y présiderent : enfin Commode attribua cette inspection aux questeurs.

Les empereurs, par goût ou pour gagner l’amitié du peuple, faisoient représenter ces jeux le jour de leur naissance, dans les dédicaces des édifices publics, dans les triomphes, avant qu’on partît pour la guerre, après quelque victoire, & dans d’autres occasions solennelles, ou qu’ils jugeoient à propos de rendre telles. Suétone rapporte que Tibere donna deux combats de gladiateurs ; l’un en l’honneur de son pere, & l’autre en l’honneur de son ayeul Drusus. Le premier combat se donna dans la place publique, & le second dans l’amphithéatre, où cet empereur fit paroître des gladiateurs qui avoient eu leur congé, & auxquels il promit cent mille sesterces de récompense, c’est-à-dire environ vingt-quatre mille de nos livres, l’argent à cinquante francs le marc. L’empereur Claude limita d’abord ces spectacles à certains termes fixes ; mais peu après il annulla lui-même son ordonnance.

Quelque tems avant le jour arrêté du combat, celui qui présidoit aux jeux en avertissoit le peuple par des affiches, où l’on indiquoit les especes de gladiateurs qui devoient combattre, leurs noms, & les marques qui les devoient distinguer ; car ils prenoient chacun quelque marque particuliere, comme des plumes de paon ou d’autres oiseaux.

On spécifioit aussi le tems que dureroit le spectacle, & combien il y auroit de paires différentes de gladiateurs, parce qu’ils étoient toûjours par couples : on représentoit quelquefois tout cela par un tableau exposé dans la place publique.

Le jour du spectacle on apportoit sur l’arene de deux sortes d’armes ; les premieres étoient des bâtons noüeux, ou fleurets de bois nommés rudes ; & les secondes étoient de véritables poignards, glaives, épées, coutelas, &c. Les premieres armes s’appelloient arma lusoria, armes courtoises ; les secondes, arma decretoria, armes décernées, parce qu’elles se donnoient par decret du préteur, ou de celui qui faisoit la dépense du spectacle. Les gladiateurs commençoient par s’escrimer des premieres armes, & c’étoit-là le prélude ; ensuite ils prenoient les secondes, avec lesquelles ils se battoient nuds ou en tunique. La premiere sorte de combat s’appelloit præludere, joüer ; & la seconde, dimicare ad certum, se battre à fer émoulu.

Au premier sang du gladiateur qui couloit, on crioit, il est blessé ; & si dans le moment le blessé mettoit bas les armes, c’étoit un aveu qu’il faisoit lui-même de sa défaite : mais sa vie dépendoit des spectateurs ou du président des jeux ; néanmoins si l’empereur survenoit dans cet instant, il lui donnoit sa grace, soit simplement, soit quelquefois avec la condition que s’il rechappoit de sa blessure, cette grace ne l’exempteroit pas de combattre encore une autre fois.

Dans le cours ordinaire des choses, c’étoit le peuple qui décidoit de la vie & de la mort du gladiateur blessé : s’il s’étoit conduit avec adresse & avec courage, sa grace lui étoit presque toûjours accordée ; mais s’il s’étoit comporté lâchement dans le combat, son arrêt de mort étoit rarement douteux. Le peuple ne faisoit que montrer sa main avec le pouce plié sous les doigts, pour indiquer qu’il sauvoit la vie du gladiateur ; & pour porter son arrêt de mort, il lui suffisoit de montrer sa main avec le pouce levé & dirigé contre le malheureux. Le gladiateur blessé connoissoit si-bien que ce dernier signal étoit celui de sa