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commencent à paroître dans ces mers beaucoup plus près de l’équateur ; il y en a vers le cinquantieme degré de latitude, même au solstice d’été, qui arrive en Décembre pour cette partie de la terre : on en a donné la raison au mot Chaleur. Ce sont ces glaces qui empêcherent en 1739 M. Lozier envoyé par la compagnie des Indes, de trouver les terres australes qu’il cherchoit ; il y a apparence que six semaines ou deux mois plus tard elles ne lui auroient point fait d’obstacle : car comme le plus grand chaud n’arrive presque jamais dans nos climats au solstice d’été, mais six semaines ou deux mois après (Voyez Chaleur), il y a apparence qu’il en est de même dans l’autre hémisphere, & qu’en Février la plus grande partie des glaces de Janvier est fondue. Voyez lettre sur le progrès des sciences par M. de Maupertuis. (O)

Glaciale, (mer) Géog. partie de l’Océan septentrional, entre le Groenland à l’oüest, & le Cap glacé à l’est. Par les nouvelles cartes de la Russie, les côtes de cette mer sont connues ; elle est bornée ouest par le Groënland, sud par la mer du Nord, par la Moscovie, la Laponie, la mer Blanche & la Sibérie, est par l’île de Puchochotsch, au-delà de laquelle elle se joint avec la mer du Japon qui tient à la mer du sud. Il y a long-tems que les Anglois & les Hollandois cherchent vainement un passage par cette mer pour aller à la Chine & au Japon ; cependant la nation angloise n’a point encore abandonné ce projet : mais la quantité de montagnes de glaces qu’on rencontre en tout tems dans cette mer, met au succès d’une si grande entreprise des obstacles difficiles à vaincre. (D. J.)

GLACIERE NATURELLE. (Hist. nat.) Parmi les curiosités que la Franche-Comté offre aux naturalistes il en est une très-digne de remarque ; c’est une espece de glaciere formée par la nature dont voici la description. On la doit à M. le marquis de Croismare qui l’a faite sur les lieux en 1731.

A cinq lieues de Besançon à l’est, dans un endroit appellé Montagne près du village de Beaume, on trouve un petit bois, au milieu duquel on voit une ouverture formée par deux masses de rochers, qui prenant leur naissance à fleur-de-terre, conduisent par une pente fort roide & longue de 72 toises, à l’entrée d’une caverne dont le bas est 146 piés au-dessous du niveau de la campagne. Cette avenue de rochers large d’abord de 48 piés se réduit bientôt à 36, puis s’élargissant insensiblement vient s’attacher aux deux extrémités de la façade de la glaciere, avec laquelle elle ne paroît plus faire qu’un corps par la couleur & la disposition de ces pierres. L’entrée de la grotte large de 60 piés, & haute d’environ 80, est couverte par deux lits de rocailles horisontaux, qui forment au-dessus de l’ouverture deux especes de corniches ou corps avancés, coupés quarrément, dont le plus élevé est le plus saillant, & est surmonté d’un grand massif de pierre grisâtre coupé verticalement On voit au-dessus quantité d’arbres & d’arbustes qui contribuent à entretenir la fraîcheur de la glaciere. Avant d’y entrer on trouve à main droite une ouverture en forme de fenêtre large de cinq piés, à demi-murée, qui mene dans des concavités ou l’on se retiroit pendant la guerre ; elles avoient un dégagement par le dedans de la caverne, mais il est presque bouché par des morceaux de pierre & de glace.

La grotte s’élargit pour prendre la figure d’une ovale irréguliere, disposée de façon qu’une extrémité de son grand diametre se rencontre dans son entrée ; elle a 135 piés dans sa plus grande largeur, & 168 de longueur : cette ovale avant de se terminer décrit un cabinet ou cul-de-lampe large de 27 piés & long de 48. Dans la premiere partie le roc s’éleve tout

autour verticalement comme une muraille, à la hauteur d’environ 30 piés, & soûtient une voûte élevée de 80 piés : la pierre du mur est assez unie, tirant sur le verd, & couchée par lits paralleles entr’eux, mais inégaux ; celle de la voûte, quoique très-brute, présente cependant à l’œil une courbe fort agréable ; on y voit à droite une ouverture longue, étroite & profonde, mais qui ne donne point de jour ; les bords sont ornés de festons de glace, & il en découle sans cesse de l’eau goutte-à-goutte, qui se réunissant dans le bas de la grotte commence à y former un corps glacé qui peut avoir 30 piés de diametre : on trouve aussi sur la gauche en entrant une semblable masse de glace, mais plus petite, l’eau n’y tombant pas en si grande quantité, & ne sortant de la voûte que par des fentes ou veines qui ne sont point sensibles. Ces deux masses de glace étoient autrefois d’une grande élévation, & formoient des colonnes qui dans l’été touchoient au haut de la caverne ; mais la glace manquant dans Besançon, ces colonnes furent détruites en 1727 pour l’usage du camp de la Saone.

Le sol ou le bas de la grotte est d’un roc assez uni, & entierement couvert de glace épaisse d’environ un pié & demi ; mais au mois d’Août son épaisseur peut être de quatre ou cinq piés. Ce plancher glacé remplit tout l’espace que décrit l’ovale dont il a été parlé, & vient se terminer à l’ouverture du cul-de-lampe, où l’on monte par un talus de six piés : le dedans est en voûte, & paroît d’un seul morceau de roc ; la voûte prend sa naissance dès le pié ; la pierre en est fort belle, une partie est d’un rouge-brun clair, & l’autre d’un bleu-pâle ; & tout paroît comme des restes d’une sculpture antique & usée, entre-coupée par des bandes vermiculées. On voit dans le haut une petite crevasse dont il tombe de l’eau, qui forme peu-à-peu un corps de glace semblable aux premiers.

Le dessus de la grotte est un terrein assez uni, sec, pierreux, sans eau, couvert de beaucoup d’arbres, & de niveau avec le reste du bois.

En hyver une partie de la glace se fond, la grotte semble fumer, & se couvre d’un brouillard très-épais qui la dérobe à la vûe, mais aussi-tôt que la chaleur se fait sentir, la glace augmente ; ce brouillard se dissipe presqu’entierement, & il ne reste qu’une legere vapeur à l’entrée de la glaciere. La glace de cette grotte est sensiblement plus dure que celle des rivieres ; elle est mêlée de moins de bulles d’air, & se fond plus difficilement.

Un coup de pistolet tiré dans la caverne y fait un bruit considérable ; mais il faut faire cette expérience avec la précaution de ne pas s’exposer à la chûte de la glace qui est attachée à la voûte de la grotte, de même que les stalactites de glaçons qui pendent le long des toîts en hyver.

Il regne dans cette grotte ou glaciere un froid très-vif ; & quoique l’air extérieur fût assez chaud dans le tems de ces observations, l’auteur fut obligé de les interrompre plusieurs fois pour se réchauffer.

Le prince de Montbéliard est seigneur de ce canton. Pour y aller de Besançon, on passe à Maure, de-là à Nancré, puis à Bouclan, ensuite à Goussan qui n’en est éloigné que d’une grande lieue : on les fait à pié le chemin étant plus long & rude pour les voitures.

Voilà l’état où étoit cette glaciere naturelle en 1731, tems auquel elle fut examinée par M. le marquis de Croismare : on en avoit avant lui donné une description beaucoup moins détaillée dans les mémoires de l’académie royale des Sciences, année 1712. Au reste il paroît que cette glaciere a éprouvé des changemens considérables par rapport à l’aspect qu’elle présentoit, mais non par rapport au phénomene singulier qui la caractérise.